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Il y a 84 citations sur le celui.
Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l’œil fixe et assuré, les épaules larges, l’estomac haut, la démarche ferme et délibérée. Il parle avec confiance ; il fait répéter celui qui l’entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu’il lui dit […] Il est enjoué, grand rieur, impatient, présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux sur les affaires du temps ; il se croit des talents et de l’esprit. Il est riche. La Bruyère — Les Caractères
[…] je crois que chacun tombera d’accord avec nous : un tel naturel, possédant toutes les qualités que nous venons justement de prescrire à celui qui veut devenir parfaitement philosophe, naît rarement et en petit nombre parmi les hommes. Platon — La République
Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été ; ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver : mais surtout on ne saurait croire combien il en coûte à un mari, pour mettre sa femme à la mode.Que me servirait de te faire une description exacte de leur habillement et de leurs parures ? Une mode nouvelle viendrait détruire tout mon ouvrage, comme celui de leurs ouvriers ; et, avant que tu eusses reçu ma lettre, tout serait changé. Montesquieu — Les Lettres persanes
Pour vous, Monsieur, rien n’est encore perdu et nous vous adjurons de mettre un fond à votre tonneau des Danaïdes où, depuis plus d’un demi-siècle, vous ne cessez de jeter le meilleur de vous-même et de votre pensée dans des flots d’encre, car on a souvent comparé à ce tonneau percé que les malheureuses Danaïdes, pour un crime d’ailleurs intolérable à imaginer (sur cinquante, quarante-neuf d’entre elles avaient égorgé leurs maris le soir de leurs noces), furent condamnées à remplir éternellement ; on a comparé, dis-je, leur vain travail à celui du journaliste, et quoique vous ne soyez capable d’aucun meurtre, vous aussi vous subirez ce châtiment de travailler longtemps pour rien, votre travail au jour le jour n’étant assuré d’aucune durée. Vos amis vous demandent de rétablir cette situation. Émile Henriot — Réponse au discours de réception de Robert Kempf
Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l'œil fixe et assuré, les épaules larges, l’estomac haut, la démarche ferme et délibérée. Il parle avec confiance ; il fait répéter celui qui l’entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu’il lui dit. Il déploie un ample mouchoir et se mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, et il éternue fort haut. Il dort le jour, il dort la nuit, et profondément ; il ronfle en compagnie. Il occupe à table et à la promenade plus de place qu’un autre. Il tient le milieu en se promenant avec ses égaux ; il s’arrête, et l’on s’arrête ; il continue de marcher, et l’on marche : tous se règlent sur lui. Il interrompt, il redresse ceux qui ont la parole : on ne l’interrompt pas, on l’écoute aussi longtemps qu’il veut parler ; on est de son avis, on croit les nouvelles qu’il débite. S’il s’assied, vous le voyez s’enfoncer dans un fauteuil, croiser les jambes l’une sur l’autre, froncer le sourcil, abaisser son chapeau sur ses yeux pour ne voir personne, ou le relever ensuite, et découvrir son front par fierté et par audace. Il est enjoué, grand rieur, impatient, présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux sur les affaires du temps ; il se croit du talent et de l’esprit. Il est riche. Portrait de Giton — Les Caractères
Ils s'aimeront toujours.Au moment que je parle, ah ! mortelle pensée !Ils bravent la fureur d'une amante insensée.Malgré ce même exil qui va les écarter,Ils font mille serments de ne se point quitter.Non, je ne puis souffrir un bonheur qui m'outrage,Œnone. Prends pitié de ma jalouse rage.Il faut perdre Aricie. Il faut de mon épouxContre un sang odieux réveiller les courroux.Qu'il ne se borne pas à des peines légères :Le crime de la sœur passe celui des frères.Dans mes jaloux transports je le veux implorer.Que fais-je ? Où ma raison va-t-elle s'égarer ?Moi jalouse ! Et Thésée est celui que j'implore !Mon époux est vivant, et moi je brûle encore !Pour qui ? Quel est le cœur où prétendent mes vœux ?Chaque mot sur mon front fait dresser mes cheveux.Mes crimes désormais ont comblé la mesure.Je respire à la fois l'inceste et l'imposture.Mes homicides mains, promptes à me venger,Dans le sang innocent brûlent de se plonger. Jean Racine — Phèdre
Se promener un soir d’été, à l’heure dite d’entre chien et loup (confins du jour et de la nuit en même temps que zone frontalière du monde de la veille et de celui du sommeil) cela dans une banlieue encore passablement rurale il y a quelque quarante-cinq ans, c’était certes, pour l’enfant prompt à l’inquiétude que j’ai toujours été quelque chose d’assez rassurant. M.Leiris — Fourbis
L'avarice perd tout en voulant tout gagner.Je ne veux, pour le témoigner,Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable,Pondait tous les jours un œuf d'or.Il crut que dans son corps elle avait un trésor.Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblableA celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.Belle leçon pour les gens chiches :Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vusQui du soir au matin sont pauvres devenusPour vouloir trop tôt être riches ? Jean de La Fontaine — La Poule aux œufs d’or
À la vérité, il s'agit d'un vers d'Horace. Ce vers est celui qui précède le Carpe diem de l'Ode XI Dum loquimur fugerit invidia aetas. Carpe diem quam minimum credula postero. (Tandis que nous parlons le temps jaloux de toutes les choses du monde a fui. Coupe et tiens dans tes doigts le jour comme on fait d'une fleur. Ne crois jamais que demain viendra.) Pascal Quignard — La Haine de la musique
Au voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m’a coupé la gorge : on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? n’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. (À lui-même, se prenant par le bras.) Rends-moi mon argent, coquin… Ah ! c’est moi ! Mon esprit est troublé, et j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas ! mon pauvre argent ! mon pauvre argent ! mon cher ami ! on m’a privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie : tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde. Sans toi, il m’est impossible de vivre. C’en est fait ; je n’en puis plus ; je me meurs ; je suis mort ; je suis enterré. N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris. Euh ! que dites-vous ? Ce n’est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu’avec beaucoup de soin on ait épié l’heure ; et l’on a choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice, et faire donner la question à toute ma maison ; à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens assemblés ! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Hé ! de quoi est-ce qu’on parle là ? de celui qui m’a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce mon voleur qui y est ? De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. N’est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part, sans doute, au vol que l’on m’a fait. Allons, vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences, et des bourreaux ! Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après. Molière — L’Avare
SCAPIN.- Cachez-vous. Voici un spadassin qui vous cherche. (En contrefaisant sa voix.) "Quoi ? Jé n'aurai pas l'abantage dé tuer cé Geronte, et quelqu'un par charité né m'enseignera pas où il est ?" (À Géronte avec sa voix ordinaire.) Ne branlez pas. (Reprenant son ton contrefait.) "Cadédis, jé lé trouberai, sé cachât-il au centre dé la terre." (A Géronte avec son ton naturel.) Ne vous montrez pas. (Tout le langage gascon est supposé de celui qu'il contrefait, et le reste de lui.) "Oh, l'homme au sac !" Monsieur. "Jé té vaille un louis, et m'enseigne où put être Géronte." Vous cherchez le seigneur Géronte ? "Oui, mordi ! Jé lé cherche." Et pour quelle affaire, Monsieur ? "Pour quelle affaire ?" Oui. "Jé beux, cadédis, lé faire mourir sous les coups de vaton." Oh ! Monsieur, les coups de bâton ne se donnent point à des gens comme lui, et ce n'est pas un homme à être traité de la sorte. "Qui, cé fat dé Geronte, cé maraut, cé velître ?" Le seigneur Géronte, Monsieur, n'est ni fat, ni maraud, ni belître, et vous devriez, s'il vous plaît, parler d'autre façon. "Comment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ?" Je défends, comme je dois, un homme d'honneur qu'on offense. "Est-ce que tu es des amis dé cé Geronte ?" Oui, Monsieur, j'en suis. "Ah ! Cadédis, tu es de ses amis, à la vonne hure." (Il donne plusieurs coups de bâton sur le sac.) "Tiens. Boilà cé que jé té vaille pour lui." Ah, ah, ah ! Ah, Monsieur ! Ah, ah, Monsieur ! Tout beau. Ah, doucement, ah, ah, ah ! "Va, porte-lui cela de ma part. Adiusias." Ah ! diable soit le Gascon ! Ah !En se plaignant et remuant le dos, comme s'il avait reçu les coups de bâton. Molière — Les fourberies de Scapin
Un soir, étant entré au casino, le narrateur du présent récit entend, avec surprise, un bruit singulier, celui d'un craquement ou d'un claquement de doigts qui se brisent. Il s'approche de la table d'où lui parvient ce bruit. Zweig réussit merveilleusement bien à nous rendre l'atmosphère fébrile qui règne dans le casino et la tension particulière du joueur qu'il observe.C'étaient des mains d'une beauté très rare, extraordinairement longues, extraordinairement minces, et pourtant traversées de muscles extrêmement rigides - des mains très blanches, avec, au bout, des ongles pâles, aux dessus nacrés et délicatement arrondis. Je les ai regardées toute la soirée, oui, je les ai regardées avec une surprise toujours nouvelle, ces mains extraordinaires, vraiment uniques ; mais ce qui d'abord me surprit d'une manière si terrifiante, c'était leur fièvre, leur expression follement passionnée, cette façon convulsive de s'étreindre et de lutter entre elles. Ici, je le compris tout de suite, c'était un homme débordant de force qui concentrait toute sa passion dans les extrémités de ses doigts, pour qu'elle ne fît pas exploser son être tout entier. Et maintenant..., à la seconde où la boule tomba dans le trou avec un bruit sec et mat et où le croupier cria le numéro ..., à cette seconde les deux mains se séparèrent soudain l'une de l'autre, comme deux animaux frappés à mort d'une même balle. Stefan Zweig — vingt-quatre heures dans la vie d’une femme
Un métier qui fait sens est celui qui répond aux attentes de la personne. Le Parisien — Bien-être au travail : « Tous les métiers peuvent avoir du sens »
Celui qui trempe, ainsi, son pinceau dans la fange,Fut un anormal, il a souffert, il se venge,Il rit jaune, son rire est amer « Hein ! n’est-ce pas ? » François Gauzi — Le nébuleux
Lettre CXXV :Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil.La voilà donc vaincue, cette femme superbe qui avait osé croire qu’elle pourrait me résister ! Oui, mon amie, elle est à moi, entièrement à moi, et depuis hier, elle n’a plus rien à m’accorder.Je suis encore trop plein de mon bonheur, pour pouvoir l’apprécier ; mais je m’étonne du charme inconnu que j’ai ressenti. Serait-il donc vrai que la vertu augmentât le prix d’une femme, jusque dans le moment même de sa faiblesse ? Mais reléguons cette idée puérile avec les contes de bonnes femmes. Ne rencontre-t-on pas presque partout une résistance plus ou moins bien feinte au premier triomphe ? et ai-je trouvé nulle part le charme dont je parle ? ce n’est pourtant pas non plus celui de l’amour ; car enfin, si j’ai eu quelquefois, auprès de cette femme étonnante, des moments de faiblesse qui ressemblaient à cette passion pusillanime, j’ai toujours su les vaincre et revenir à mes principes. Quand même la scène d’hier m’aurait, comme je le crois, emporté un peu plus loin que je ne comptais : quand j’aurais, un moment, partagé le trouble et l’ivresse que je faisais naître ; cette illusion passagère serait dissipée à présent ; et cependant le même charme subsiste. J’aurais même, je l’avoue, un plaisir assez doux à m’y livrer, s’il ne me causait quelque inquiétude. Serai-je donc, à mon âge, maîtrisé comme un écolier, par un sentiment involontaire et inconnu ? Non : il faut, avant tout, le combattre et l’approfondir. […]Paris, ce 29 octobre 17**. Pierre Choderlos de Laclos — Les Liaisons dangereuses
La science n’a d’ennemis que ceux qui jugent la vérité inutile et indifférente, et ceux qui, tout en conservant à la vérité sa valeur transcendante, prétendent y arriver par d’autres voies que la critique et la recherche rationnelle. Ces derniers sont à plaindre, sans doute, comme dévoyés de la droite méthode de l’esprit humain ; mais ils reconnaissent au moins le but idéal de la vie ; ils peuvent s’entendre et jusqu’à un certain point sympathiser avec le savant. Quant à ceux qui méprisent la science comme ils méprisent la haute poésie, comme ils méprisent la vertu, parce que leur âme avilie ne comprend que le périssable, nous n’avons rien à leur dire. Ils sont d’un autre monde, ils ne méritent pas le nom d’hommes, puisqu’ils n’ont pas la faculté qui fait la noble prérogative de l’humanité. Aux yeux de ceux-là, nous sommes fiers de passer pour des gens d’un autre âge, pour des fous et des rêveurs ; nous nous faisons gloire d’entendre moins bien qu’eux la routine de la vie, nous aimons à proclamer nos études inutiles ; leur mépris est pour nous ce qui les relève. Les immoraux et les athées, ce sont ces hommes, fermés à tous les airs venant d’en haut. L’athée, c’est l’indifférent, c’est l’homme superficiel et léger, celui qui n’a d’autre culte que l’intérêt et la jouissance. L’Angleterre, en apparence un des pays du monde les plus religieux, est en effet le plus athée car c’est le moins idéal. Je ne veux pas faire comme les déclamateurs latins le convicium seculi. Je crois qu’il y a dans les âmes du XIXe siècle tout autant de besoins intellectuels que dans celles d’aucune autre époque, et je tiens pour certain qu’il n’y a jamais eu autant d’esprits ouverts à la critique. L'Avenir de la science — Ernest Renan
Si l'union fait la force, la désunion fait la foiblesse ; ainsi on peut diviser les parties d'un état et subdiviser les sphères d'autorité jusqu'aupoint où elles se suffisent à elles-mêmes pour se bien gouverner, mais où elles ne puissent ombrager en rien l'autorité générale d'où elles relèvent. Ce seroit donc un bon plan de gouvernement que celui où l'on morcelleroit plus ou moins les corps nationaux et municipaux, trouvant l'art d'en écarter le danger et de leur imprimer une indépendance qui fit leur force. René-Louis de Voyer de Paulmy — marquis d'Argenson
Le Vieillard et ses enfantsToute puissance est faible, à moins que d'être unie :Écoutez là-dessus l'esclave de Phrygie.Si j'ajoute du mien à son invention,C'est pour peindre nos mœurs, et non point par envie ;Je suis trop au-dessous de cette ambition.Phèdre enchérit souvent par un motif de gloire ;Pour moi, de tels pensers me seraient malséants.Mais venons à la fable ou plutôt à l'histoireDe celui qui tâcha d'unir tous ses enfants.Un vieillard prêt d'aller où la mort l'appelait :« Mes chers enfants, dit-il (à ses fils il parlait),Voyez si vous romprez ces dards* liés ensemble ; (*lances, flèches)Je vous expliquerai le nœud qui les assemble. »L'aîné les ayant pris et fait tous ses efforts,Les rendit, en disant : « Je le donne aux plus forts. »Un second lui succède, et se met en posture ;Mais en vain. Un cadet tente aussi l'aventure.Tous perdirent leur temps ; le faisceau résista :De ces dards joints ensemble un seul ne s'éclata.« Faibles gens ! dit le père, il faut que je vous montreCe que ma force peut en semblable rencontre. »On crut qu'il se moquait ; on sourit, mais à tort :Il sépare les dards, et les rompt sans effort.« Vous voyez, reprit-il, l'effet de la concorde :Soyez joints, mes enfants, que l'amour vous accorde. »Tant que dura son mal, il n'eut autre discours.Enfin, se sentant prêt de terminer ses jours :« Mes chers enfants, dit-il, je vais où sont nos pères.Adieu, promettez-moi de vivre comme frères ;Que j'obtienne de vous cette grâce en mourant. »Chacun de ses trois fils l'en assure en pleurant.Il prend à tous les mains ; il meurt ; et les trois frèresTrouvent un bien fort grand, mais fort mêlé d'affaires.Un créancier saisit, un voisin fait procès :D'abord notre trio s'en tire avec succès.Leur amitié fut courte autant qu'elle était rare.Le sang les avait joints ; l'intérêt les sépare :L'ambition, l'envie, avec les consultants,Dans la succession entrent en même temps.On en vient au partage, on conteste, on chicane :Le juge sur cent points tour à tour les condamne.Créanciers et voisins reviennent aussitôt,Ceux-là sur une erreur, ceux-ci sur un défaut.Les frères désunis sont tous d'avis contraire :L'un veut s'accommoder, l'autre n'en veut rien faire.Tous perdirent leur bien, et voulurent trop tardProfiter de ces dards unis et pris à part. Jean de La Fontaine — Fables
Hélas mes tristes recommandations eussent été bien inutiles. L'ordre cruel était venu, en même temps que celui de ma délivrance. Abbé Prevost — Manon Lescaut
Très cher fils,[…] je t’engage à employer ta jeunesse à bien progresser en savoir et en vertu. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Épistémon : l’un par un enseignement vivant et oral, l’autre par de louables exemples, peuvent te former.J’entends et je veux que tu apprennes parfaitement les langues : premièrement le grec, comme le veut Quintilien ; deuxièmement le latin ; puis l’hébreu pour les saintes Lettres, le chaldéen et l’arabe pour la même raison ; et que tu formes ton style sur celui de Platon pour le grec, sur celui de Cicéron pour le latin. Qu’il n’y ait d’étude scientifique que tu ne gardes présente en ta mémoire et pour cela tu t’aideras de l’Encyclopédie universelle des auteurs qui s’en sont occupés.Des arts libéraux : géométrie, arithmétique et musique, je t’en ai donné le goût quand tu étais encore jeune, à cinq ou six ans ; continue ; de l’astronomie, apprends toutes les règles, mais laisse-moi l’astrologie, comme autant d’abus et de futilités.Et quant à la connaissance de l’histoire naturelle, je veux que tu t’y adonnes avec zèle : qu’il n’y ait ni mer, ni rivière, ni source dont tu ignores les poissons ; tous les oiseaux du ciel, tous les arbres, arbustes, et les buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de tous les pays de l’Orient et du Midi, que rien ne te soit inconnu.Puis relis soigneusement les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les Talmudistes et les Cabalistes, et, par de fréquentes dissections, acquiers une connaissance parfaite de l’autre monde qu’est l’homme. Et pendant quelques heures du jour, va voir les saintes Lettres : d’abord en grec le Nouveau Testament et les épîtres des apôtres, puis, en hébreu, l’Ancien Testament.En somme, que je voie en toi un abîme de science car, maintenant que tu deviens homme et te fais grand, il te faudra quitter la tranquillité et le repos de l’étude pour apprendre la chevalerie et les armes afin de défendre ma maison, et de secourir nos amis dans toutes leurs difficultés causées par les assauts des malfaiteurs.Et je veux que, bientôt, tu mesures tes progrès ; cela, tu ne pourras mieux le faire qu’en soutenant des discussions publiques, sur tous les sujets, envers et contre tous, et qu’en fréquentant les gens lettrés tant à Paris qu’ailleurs.Mais – parce que, selon le sage Salomon, Sagesse n’entre pas en âme malveillante et que science sans conscience n’est que ruine de l’âme – tu dois servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en Lui toutes tes pensées et tout ton espoir ; […]Mon fils, que la paix et la grâce de Notre-Seigneur soient avec toi. Amen.D’Utopie, ce dix-septième jour du mois de mars,ton père, Gargantua. François Rabelais — Pantagruel