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Il y a 204 citations sur le dire.
...il est possible aussi qu'ils poursuivent l'affaire dans l'espoir d'un gros pot-de-vin; mais ils en seront pour leur peine, je peux le dire d'ores et déjà, car je ne soudoierai personne. Franz Kafka — Le Procès
Bonaparte se faisait dire sa volonté sur divers tons, tantôt par la voix sage du Sénat, tantôt par les cris commandés des tribuns, tantôt par le scrutin silencieux du Corps législatif; et ce chœur à trois parties était censé l'organe de la nation, quoiqu'un même maître en fût le coryphée. Mme de Staël — Considérations sur les principaux événements de la Révolution
Ô géraniums, ô digitales… Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, c’est de votre reflet que ma joue d’enfant reçut un don vermeil. Car « Sido » aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la crois-de-Malte, des hortensias, et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge, encore qu’elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou de veau frais… A contre-cœur, elle faisait pacte avec l’Est : « Je m’arrange avec lui », disait-elle. Mais elle demeurait pleine de suspicion et surveillait, entre tous les cardinaux et collatéraux, ce point glacé, traître aux jeux meurtriers. Elle lui confiait des bulbes de muguet, quelques bégonias, et des crocus mauves, veilleuses des froids crépuscules. Hors une corne de terre, hors un bosquet de lauriers-cerises dominés par un junkobiloba, – je donnais ses feuilles, en forme de raie, à mes camarades d’école, qui les séchaient entre les pages de l’atlas – tout chaud jardin se nourrissait d’une lumière jaune, à tremblements rouges et violets, mais je ne pourrais dire si ce rouge, ce violet, dépendaient, dépendent encore d’un sentimental bonheur ou d’un éblouissement optique. Étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits… Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demis, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues. A trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensible que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion… Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, - « chef-d’œuvre » disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord… Je l’étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillée sur les autres enfants endormis. Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d’avoir mangé mon saoul, pas avant d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l’eau de deux sources perdues, que je révérais. L’une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L’autre source, presque invisible, froissait l’herbe comme un serpent, s’étalait secrète au centre d’un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe… Rien qu’à parler d’elles, je souhaite que leur saveur m’emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire… Colette — Sido
Il est certains esprits dont les sombres penséesSont d’un nuage épais toujours embarrassées ;Le jour de la raison ne le saurait percer.Avant donc que d’écrire apprenez à penser.Selon que notre idée est plus ou moins obscure,L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,Et les mots pour le dire arrivent aisément.Surtout qu’en vos écrits la langue révéréeDans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée.En vain vous me frappez d’un son mélodieux,Si le terme est impropre, ou le tour vicieux :Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme,Ni d’un vers ampoulé l’orgueilleux solécisme.Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin,Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant écrivain.Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse.Et ne vous piquez point d’une folle vitesse :Un style si rapide, et qui court en rimant,Marque moins trop d’esprit, que peu de jugement.J’aime mieux un ruisseau qui, sur la molle arène,Dans un pré plein de fleurs lentement se promène,Qu’un torrent débordé qui, d’un cours orageux,Roule, plein de gravier, sur un terrain fangeux.Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :Polissez-le sans cesse et le repolissez ;Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. Nicolas Boileau — L'Art poétique
[Il était] assez près du secret, pour ainsi dire, pour en sentir l'odeur, en savoir la présence, tendre la main dans la bonne direction, mais son bras se trouvait trop court d'un centimètre pour qu'il pût poser la main dessus. C'était un supplice de Tantale. Et s'il s'obstinait, c'était pire. Alexandre Vialatte — Le Fidèle Berger
Car s'il est vrai qu'à force de passer d'une ville à l'autre pour gagner ma vie de mes imitations, à force de m'égosiller dans les noces, les banquets et les cafés en racontant des histoires, je n'ai jamais eu l'heur de choisir une épouse, cela ne veut pas dire que j'ignore tout de la gent féminine. Orhan Pamuk — Mon nom est Rouge
Jan ne parla plus de l’Arlésienne. Il l’aimait toujours cependant, et même plus que jamais, depuis qu’on la lui avait montrée dans les bras d’un autre. Seulement il était trop fier pour rien dire ; c’est ce qui le tua, le pauvre enfant !… Quelquefois il passait des journées entières seul dans un coin, sans bouger. D’autres jours, il se mettait à la terre avec rage et abattait à lui seul le travail de dix journaliers… Le soir venu, il prenait la route d’Arles et marchait devant lui jusqu’à ce qu’il vît monter dans le couchant les clochers grêles de la ville. Alors il revenait. Jamais il n’alla plus loin. Alphonse Daudet — Les Lettres de mon moulin
Vous ne m’avez pas demandé mon avis (…) si je vous l’avais donné tel quel, vous auriez pu me dire que vous ne me le demandiez pas. Renard — Correspondance
Il avait seize heures pour lui tout seul et c'était un espace de liberté qui lui était inopinément offert. Pour lui, depuis sa prime jeunesse, un espace de liberté ça voulait dire des femmes. Milan Kundera — L'insoutenable légèreté de l'être
Mais, en fait, on pouvait dire à ce moment, au milieu du mois d'août, que la peste avait tout recouvert. Il n'y avait plus alors de destins individuels, mais une histoire collective qui était la peste et des sentiments partagés par tous. Albert Camus — La Peste
... qu'elle pardonne, qu'elle ne fasse pas attention, il est si bon, juste maladroit, nerveux, si soupe au lait. Elle le fixe longtemps sans rien dire et il détourne les yeux. Nathalie Sarrate — Martereau
Ô Richardson ! j’oserai dire que l’histoire la plus vraie est pleine de mensonges, et que ton roman est plein de vérités. L’histoire peint quelques individus ; tu peins l’espèce humaine […] Sous ce point de vue, j’oserai dire que souvent l’histoire est un mauvais roman ; et que le roman, comme tu l’as fait, est une bonne histoire. Ô peintre de la nature ! c’est toi qui ne mens jamais. Diderot — Éloge à Richardson
Son entretien avec le chanoine avait mis fin à ce qui avait été pour lui depuis le verdict du matin la solennité de la mort. Son sort cru fixé oscillait de nouveau. L’offre qu’il avait rejetée restait valable quelques heures de plus : un Zénon capable de finir par dire oui se terrait peut-être dans un coin de sa conscience, et la nuit qui allait s’écouler pouvait donner à ce pleutre l’avantage sur soi-même. Il suffisait qu’une chance sur mille subsistât […]. Tout fluctuait : tout fluctuerait jusqu’au dernier souffle. Marguerite Yourcenar — L’Œuvre au noir
Ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut exprimer qu’en répondant : “Parce que c’était lui, parce que c’était moi”. Montaigne — Essais
ARAMINTE - Qu'est-ce que c'est donc que cet air étonné que tu as marqué, ce me semble, en voyant Dorante ? D'où vient cette attention à le regarder ?DUBOIS - Ce n'est rien, sinon que je ne saurais plus avoir l'honneur de servir Madame, et qu'il faut que je lui demande mon congé.ARAMINTE, surprise. - Quoi ! Seulement pour avoir vu Dorante ici ?DUBOIS - Savez-vous à qui vous avez affaire ?ARAMINTE - Au neveu de Monsieur Remy, mon procureur.DUBOIS - Eh ! par quel tour d'adresse est-il connu de Madame ? comment a-t-il fait pour arriver jusqu'ici ?ARAMINTE - C'est Monsieur Remy qui me l'a envoyé pour intendant.DUBOIS - Lui, votre intendant ! Et c'est Monsieur Remy qui vous l'envoie : hélas ! le bon homme, il ne sait pas qui il vous donne ; c'est un démon que ce garçon-là.ARAMINTE - Mais que signifient tes exclamations ? Explique-toi : est-ce que tu le connais ?DUBOIS - Si je le connais, Madame ! si je le connais ! Ah vraiment oui ; et il me connaît bien aussi. N'avez-vous pas vu comme il se détournait de peur que je ne le visse.ARAMINTE - Il est vrai ; et tu me surprends à mon tour. Serait-il capable de quelque mauvaise action, que tu saches ? Est-ce que ce n'est pas un honnête homme ?DUBOIS - Lui ! il n'y a point de plus brave homme dans toute la terre ; il a, peut-être, plus d'honneur à lui tout seul que cinquante honnêtes gens ensemble. Oh ! c'est une probité merveilleuse ; il n'a peut-être pas son pareil.ARAMINTE - Eh ! de quoi peut-il donc être question ? D'où vient que tu m'alarmes ? En vérité, j'en suis toute émue.DUBOIS - Son défaut, c'est là. (Il se touche le front.) C'est à la tête que le mal le tient.ARAMINTE - A la tête ?DUBOIS - Oui, il est timbré, mais timbré comme cent.ARAMINTE - Dorante ! il m'a paru de très bon sens. Quelle preuve as-tu de sa folie ?DUBOIS - Quelle preuve ? Il y a six mois qu'il est tombé fou ; il y a six mois qu'il extravague d'amour, qu'il en a la cervelle brûlée, qu'il en est comme un perdu je dois bien le savoir, car j'étais à lui, je le servais ; et c'est ce qui m'a obligé de le quitter, et c'est ce qui me force de m'en aller encore. Ôtez cela, c'est un homme incomparable.ARAMINTE, un peu boudant - Oh bien ! il fera ce qu'il voudra ; mais je ne le garderai pas : on a bien affaire d'un esprit renversé ; et peut-être encore, je gage, pour quelque, objet qui n'en vaut pas la peine ; car les hommes ont des fantaisies...DUBOIS - Ah ! vous m'excuserez ; pour ce qui est de l'objet, il n'y a rien à dire. Malepeste ! sa folie est de bon goût.ARAMINTE - N'importe, je veux le congédier. Est-ce que tu la connais, cette personne ?DUBOIS - J'ai l'honneur de la voir tous les jours ; c'est vous, Madame.ARAMINTE - Moi, dis-tu ? Marivaux — Les Fausses confidences
Devoir la vie à un malfaiteur, accepter cette dette et la rembourser, être, en dépit de soi-même, de plain-pied avec un repris de justice, et lui payer un service avec un autre service ; se laisser dire : Va-t'en, et lui dire à son tour : Sois libre; sacrifier à des motifs personnels le devoir… Victor Hugo — Les Misérables
Se sentir un homme, se dire que le soir même, libre pour la première fois, on entrera enfin de plain-pied dans la vie, objet de toutes les convoitises, et subir sous les yeux de celle qu'on aime une si solennelle humiliation ! Eugène Fromentin — Pierre Blanchon - Lettres de jeunesse
Deux fois, c'est beaucoup dire mais c'est en tout cas l'impression qu'il lui donne. Marion Desjardins — Portrait d'un absent
(…) le ton montait et, presque chaque fois, il la battait. « Corrigeait », disait Maryse qui ajoutait, histoire de ne rien nous épargner du calvaire de notre chère Madeleine « Que de fois elle s’est réfugiée chez moi, les yeux au beurre noir, le visage tuméfié. Mais toujours faut qu’elle y retourne. Je dois dire à sa décharge que quand il est à jeun, il est doux et gentil, comme un agneau. Mais c’est elle à présent qui l’entraîne à boire. » Anne Wiazemsky — Hymnes à l’amour
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairementet les mots pour le dire arrivent aisément. Nicolas Boileau — L’Art poétique