Accueil > Citations > Citations sur le juste
Il y a 76 citations sur le juste.
Il fallait juste qu’elle passe chez elle avant. Ses parents l’attendaient pour dîner. Sa mère avait préparé de la choucroute au poisson, son plat préféré. Elle ne pouvait pas leur faire faux bond. Elle repartirait après, par la fenêtre de sa chambre, pour ne pas avoir à leur dire qu’elle sortait. Franz-Olivier Giesbert — L’abatteur
– [...] Vous voyez ce qui se passe ; nous sommes deux enfants insensés, et nous avons joué avec la vie et la mort ; mais notre cœur est pur ; ne tuez pas Rosette, Dieu juste ! Je lui trouverai un mari, je réparerai ma faute ; elle est jeune, elle sera riche, elle sera heureuse ; ne faites pas cela, ô Dieu ! vous pouvez bénir encore quatre de vos enfants. Eh bien ! Camille, qu'y a-t-il ?– Elle est morte. Adieu, Perdican ! Alfred de Musset — On ne badine pas avec l'amour
Est-ce que tu te souviendras de moi ? Quand ? Quand je serai là-bas. Il ne faut pas y penser sans arrêt ! Je n’y pense pas sans arrêt. C’est juste une idée qui m’est passée par la tête. Excuse-moi. Václav Havel — Largo Desolato
Excuse-moi. tu sais qui c’est, ceux-là ? Marco Tamburini et un nouveau groupe. Je connais juste le sax, Mauro Manzoni. Excuse-moi. tu sais quel film il y avait là-bas ? Un superclassique. la copie restaurée de Ugetsu Monogatari de Mizoguchi. Excuse-moi, tu sais où sont les toilettes ? Là. Là, où ? Excuse-moi. -Tu ne le vois pas ? C’est écrit sur la porte. là. Excuse-moi. t’es le frère de Mirko, toi ? Moi ? Non. Carlo Lucarelli — Almost Blue
ŒNONE.Quoi ! de quelques remords êtes-vous déchirée ?Quel crime a pu produire un trouble si pressant ?Vos mains n’ont point trempé dans le sang innocent ?PHÈDRE.Grâces au ciel, mes mains ne sont point criminelles.Plût aux dieux que mon cœur fût innocent comme elles !ŒNONE.Et quel affreux projet avez-vous enfantéDont votre cœur encor doive être épouvanté ?PHÈDRE.Je t’en ai dit assez : épargne-moi le reste.Je meurs, pour ne point faire un aveu si funeste.ŒNONE.Mourez donc, et gardez un silence inhumain ;Mais pour fermer vos yeux cherchez une autre main.Quoiqu’il vous reste à peine une faible lumière,Mon âme chez les morts descendra la première ;Mille chemins ouverts y conduisent toujours,Et ma juste douleur choisira les plus courts.Cruelle ! quand ma foi vous a-t-elle déçue ?Songez-vous qu’en naissant mes bras vous ont reçue ?Mon pays, mes enfants, pour vous j’ai tout quitté.Réserviez-vous ce prix à ma fidélité ?PHÈDRE.Quel fruit espères-tu de tant de violence ?Tu frémiras d’horreur si je romps le silence.ŒNONE.Et que me direz-vous qui ne cède, grands dieux !À l’horreur de vous voir expirer à mes yeux ?PHÈDRE.Quand tu sauras mon crime et le sort qui m’accable,Je n’en mourrai pas moins : j’en mourrai plus coupable.ŒNONE.Madame, au nom des pleurs que pour vous j’ai versés,Par vos faibles genoux que je tiens embrassés,Délivrez mon esprit de ce funeste doute.PHÈDRE.Tu le veux ? lève-toi.ŒNONE.Parlez : je vous écoute.PHÈDRE.Ciel ! que lui vais-je dire ? et par où commencer ?ŒNONE.Par de vaines frayeurs cessez de m’offenser.PHÈDRE.Ô haine de Vénus ! ô fatale colère !Dans quels égarements l’amour jeta ma mère !ŒNONE.Oublions-les, madame ; et qu’à tout l’avenirUn silence éternel cache ce souvenir.PHÈDRE.Ariane, ma sœur ! de quel amour blesséeVous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !ŒNONE.Que faites-vous, madame ? et quel mortel ennuiContre tout votre sang vous anime aujourd’hui ?PHÈDRE.Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorableJe péris la dernière et la plus misérable.ŒNONE.Aimez-vous ?PHÈDRE.De l’amour j’ai toutes les fureurs.ŒNONE.Pour qui ?PHÈDRE.Tu vas ouïr le comble des horreurs…J’aime… À ce nom fatal, je tremble, je frissonne.J’aime…ŒNONE.Qui ?PHÈDRE.Tu connais ce fils de l’Amazone,Ce prince si longtemps par moi-même opprimé…ŒNONE.Hippolyte ? Grands dieux !PHÈDRE.C’est toi qui l’as nommé !ŒNONE.Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace !Ô désespoir ! ô crime ! ô déplorable race !Voyage infortuné ! Rivage malheureux,Fallait-il approcher de tes bords dangereux ! Racine — Phèdre
Les tremblements de terre et les volcans, fléaux terribles auxquels la Sicile fut sujette de tout temps, firent crouler dans la Méditerranée l’isthme qui attachait le sol sicilien au reste de l’Italie. De là vient le détroit de Scylla et de Charybde, deux écueils opposés et redoutables. Charybde est du côté de la Sicile et près de Messine, Scylla du côté de l’Italie au bord de la Calabre. Charybde est un gouffre vaste et profond dans lequel la mer s’enfonce en tournoyant, avec une rapidité qui ne permet pas aux vaisseaux de résister ni de revirer de bord ; Scylla est un rocher menaçant, au pied duquel sont plusieurs autres rochers et des cavernes souterraines où les flots se précipitent. On les entend mugir de loin ; en approchant, le bruit redouble. Si le pilote effrayé, en voyant d’un côté des rochers contre lesquels il va se briser et de l’autre un gouffre où il va se perdre, ne garde pas un juste milieu, il ne se sauve d’un rocher que pour se jeter dans un abîme, ou d’un abîme que pour se briser contre un rocher. De là le proverbe, Tomber de Charybde en Scylla. Pierre-Marie Quitard — Dictionnaire étymologique
Juste ciel ! Tout mon sang dans mes veines se glace. Jean Racine — Phèdre
Souvent l’exemple a plus d’effet que la parole pour exciter ou pour calmer les passions humaines. Aussi, après les consolations que j’ai pu t’offrir directement dans notre entretien, je veux, de loin, te mettre sous les yeux, dans une lettre animée des mêmes sentiments, le tableau de mes propres infortune s: j’espère qu’en comparant mes malheurs et les tiens, tu reconnaîtras que tes épreuves ne sont rien ou qu’elles sont peu de chose, et que tu auras moins de peine à les supporter. […]J’arrivai enfin à Paris, où depuis longtemps la dialectique était particulièrement florissante, auprès de Guillaume de Champeaux, qui devint mon maître, alors considéré, à juste titre, comme le premier dans cet enseignement ; mais, bien reçu d’abord, je ne tardai pas à lui devenir incommode, parce que je m’attachais à réfuter certaines de ses idées, et que, ne craignant pas en mainte occasion d’argumenter contre lui, j’avais parfois l’avantage dans la dispute. Cette hardiesse excitait aussi l’indignation de ceux de mes condisciples qui étaient regardés comme les premiers, indignation d’autant plus grande que j’étais le plus jeune et le dernier venu. Tel fut le commencement de la série de mes malheurs, qui durent encore : ma renommée grandissant chaque jour davantage, l’envie des autres s’alluma contre moi. Histoire des malheurs d’Abélard adressée à un ami — Traduit par Octave Gréard
Avant tout, il y a eu rencontre.Isabelle Leblanc et moi, assis chez Isabelle, dans la cuisine, autour d’une bouteille de champagne, parce que cela faisait trop longtemps que l’on ne s’était pas parlés. Pas vus. Pas regardés.Il y avait donc, avant tout, une fille un peu écoeurée, assise en face d’un type un peu perdu. Entre les deux (juste à côté de la bouteille maintenant à moitié vide), la soif des idées. C’est-à-dire le désir de se sortir, de s’extraire d’un monde qui cherchait trop à nous faire croire que l’intelligence était une perte de temps, la pensée un luxe, les idées une fausse route.Il y avait donc deux personnes, l’une en face de l’autre, qui avaient elles aussi une soif insatiable de l’infini, cette soif que les chiens de Lautréamont portent au fond de leurs gosiers.Puis il y a eut des comédiens et des concepteurs, des amis, des gens que nous aimions, qui nous bouleversaient, assis autour d’une table. Une question fut posée : « Nous voici arrivés à notre trentaine. De quoi avons-nous peur ? » Réfléchir autour de cette question, tenter, chacun son tour, d’élaborer un discours, une pensée pour nommer ce qui se trame au fond de notre âme, nous a permis de mettre le doigt sur certaines choses essentielles. Invariablement, nous avons parlé de l’amour, de la joie, de la peine, de la douleur, de la mort. Aussi, nous avons réalisé que, si nous avions peur d’aimer, nous n’avions pas peur de mourir, car la peur, en ce qui concerne la mort, tournait autour de nos parents, en ce sens que nous n’avions pas tant peur de notre propre mort que de la mort de ceux qui nous ont conduits à la vie, et dans la vie ; cela ne concernait pas uniquement nos parents naturel, mais aussi nos parents dans la création. Wajdi Mouawad — Littoral – Éditions Actes Sud 1999
RODRIGUE — Percé jusques au fond du cœurD’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,Misérable vengeur d’une juste querelle,Et malheureux objet d’une injuste rigueur,Je demeure immobile, et mon âme abattueCède au coup qui me tue.Si près de voir mon feu récompensé,Ô Dieu, l’étrange peine !En cet affront mon père est l’offensé,Et l’offenseur le père de Chimène !Que je sens de rudes combats !Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse :Il faut venger un père, et perdre une maîtresse :L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,Ou de vivre en infâme,Des deux côtés mon mal est infini.Ô Dieu, l’étrange peine !Faut-il laisser un affront impuni ?Faut-il punir le père de Chimène ? Pierre Corneille — Le Cid
Comment commencer ? Par j'ai l'honneur d'accuser réception et caetera ou bien par je vous remercie très vivement et caetera ? Pour trouver la note juste, il ferma les yeux. Albert Cohen — Belle du Seigneur
Qu'un vain scrupule à ma flamme s'oppose,Je ne le puis souffrir aucunement,Bien que chacun en murmure et nous glose;Et c'est assez pour perdre votre amant.Si j'avais bruit de mauvais garnement,Vous me pourriez bannir à juste cause;Ne l'ayant point, c'est sans nul fondementQu'un vain scrupule à ma flamme s'oppose.Que vous m'aimiez, c'est pour moi lettre close;Voire on dirait que quelque changementA m'alléguer des raisons vous dispose:Je ne le puis souffrir aucunement.Bien moins pourrais vous conter mon tourment,N'ayant pas mis au contrat cette clause;Toujours ferai l'amour ouvertement,Bien que chacun en murmure et nous glose.Ainsi s'aimer est plus doux qu'eau de rose:Souffrez-le donc, Philis, car, autrement,Loin de vos yeux je vais faire une pose,Et c'est assez pour perdre votre amant.Pourriez-vous voir ce triste éloignement?De vos faveurs doublez plutôt la dose.Amour ne veut tant de raisonnement:Ce point d'honneur, ma foi, n'est autre choseQu'un vain scrupule. Jean de La Fontaine — Rondeau redoublé
Je me rappelle le jour où j’ai compris que j’étais devenu adulte. Je vivais déjà avec Marie, nous avions Agustín depuis deux ou trois ans, je travaillais depuis des années comme je le fais toujours plus ou moins aujourd’hui, charpentier ici et là, bricoleur à droite et à gauche, électricien quand il faut, plombier ou même jardinier si on me le demande, ni trop souvent ni trop peu, juste ce qu’il faut pour maintenir le juste équilibre, rapporter à la maison ma part de revenus et me garder du temps à moi, ne pas me perdre tout entier en chantiers. Marie était déjà traductrice, traduisait déjà Lodoli et d’autres auteurs qu’elle aimait. C’est-à-dire que notre vie était déjà à peu près ce qu’elle est maintenant, et que nous en étions satisfaits, nous songions souvent que nous avions de la chance, nous nous plaisions à V., nous avions des amis, nous sentions que c’était un endroit où nous étions susceptibles de rester un bon moment encore, bref nous allions bien.Et un matin je me suis levé et je me suis dit que ça y est, tu es grand. J’ai réalisé qu’il fallait que j’arrête de me répéter ces mots, plus tard quand je serai grand. Que c’était fait : j’étais grand. Je l’étais devenus à mon insu. Sans que personne vienne me prévenir. J’ai compris qu’il n’y aurait pas d’épreuve. Pas de monstre à vaincre ni de noeud à trancher. Pas de coup de gong solennel. Pas de voix paternelle pour me souffler à l’oreille ces mots, c’est maintenant, t’y voilà. J’ai compris qu’il n’y aurait nulle ligne à franchir. Nul cap à passer. Nul obstacle à surmonter. Qu’être grand simplement désormais ce serait ça : la continuation de ce présent, de cette lente translation, de ce glissement presque imperceptible, seulement décelable à l’érosion de certaines de mes facultés, au grisonnement de mes tempes et de celles de Marie, à notre renoncement de plus en plus fréquent à telle ou telle folie qui autrefois nous aurait semblé le sel même de la vie, à la taille chaque année accrue d’Agustín, à son énergie toujours plus fascinante. À son appétit d’ogre lui aussi décidé à nous dévorer chaque jour un peu plus.J’ai réalisé qu’il ne se passerait rien. Qu’il n’y avait rien à attendre. Que toujours ainsi les semaines continueraient de passer, que le temps continuerait d’être cette lente succession d’années plus ou moins investies de projets, de désirs, d’enthousiasmes, de soirées plus ou moins vécues. De jours tantôt habités avec intensité, imagination, lumière, des jours pour ainsi dire pleins, comme on dit carton plein devant une cible bien truffée de plombs. Tantôt abandonnés de mauvais gré au soir venu trop tôt. Désertés par excès de fatigue ou de tracas. Perdus. Laissés vierges du moindre enthousiasme, De la moindre récréation, du moindre élan véritable. Jours sans souffle, concédés au soir trop tôt venu, à la nuit tombée malgré nos efforts pour différer notre défaite, et résignés alors nous marchons vers votre lit en nous jurant d’être plus rusés le lendemain – plus imaginatifs, plus éveillés, plus vivants. Sylvain Prudhomme — Par les routes – L’Arbalète
Au voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m’a coupé la gorge : on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? n’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. (À lui-même, se prenant par le bras.) Rends-moi mon argent, coquin… Ah ! c’est moi ! Mon esprit est troublé, et j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas ! mon pauvre argent ! mon pauvre argent ! mon cher ami ! on m’a privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie : tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde. Sans toi, il m’est impossible de vivre. C’en est fait ; je n’en puis plus ; je me meurs ; je suis mort ; je suis enterré. N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris. Euh ! que dites-vous ? Ce n’est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu’avec beaucoup de soin on ait épié l’heure ; et l’on a choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice, et faire donner la question à toute ma maison ; à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens assemblés ! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Hé ! de quoi est-ce qu’on parle là ? de celui qui m’a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce mon voleur qui y est ? De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. N’est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part, sans doute, au vol que l’on m’a fait. Allons, vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences, et des bourreaux ! Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après. Molière — L’Avare
HARPAGON — Au voleur ! au voleur ! à l'assassin ! au meurtrier ! Justice, juste Ciel ! je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu'est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N'est-il point là ? N'est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. Molière — L'avare
THÉSÉEEh bien ! vous triomphez, et mon fils est sans vie !Ah ! que j’ai lieu de craindre, et qu’un cruel soupçon,L’excusant dans mon cœur, m’alarme avec raison !Mais, madame, il est mort, prenez votre victime ;Jouissez de sa perte, injuste ou légitime :Je consens que mes yeux soient toujours abusés.Je le crois criminel, puisque vous l’accusez.Son trépas à mes pleurs offre assez de matièresSans que j’aille chercher d’odieuses lumières,Qui, ne pouvant le rendre à ma juste douleur,Peut-être ne feraient qu’accroître mon malheur.Laissez-moi, loin de vous, et loin de ce rivage,De mon fils déchiré fuir la sanglante image.Confus, persécuté d’un mortel souvenir,De l’univers entier je voudrais me bannir.Tout semble s’élever contre mon injustice ;L’éclat de mon nom même augmente mon supplice :Moins connu des mortels, je me cacherais mieux.Je hais jusques aux soins dont m’honorent les dieux ;Et je m’en vais pleurer leurs faveurs meurtrières,Sans plus les fatiguer d’inutiles prières.Quoi qu’ils fissent pour moi, leur funeste bontéNe me saurait payer de ce qu’ils m’ont ôté.PHÈDRENon, Thésée, il faut rompre un injuste silence ;Il faut à votre fils rendre son innocence :Il n’était point coupable.THÉSÉEAh ! père infortuné !Et c’est sur votre foi que je l’ai condamné !Cruelle ! pensez-vous être assez excusée…PHÈDRELes moments me sont chers ; écoutez-moi, ThéséeC’est moi qui sur ce fils, chaste et respectueux,Osai jeter un œil profane, incestueux.Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste :La détestable Œnone a conduit tout le reste.Elle a craint qu’Hippolyte, instruit de ma fureur,Ne découvrît un feu qui lui faisait horreur :La perfide, abusant de ma faiblesse extrême,S’est hâtée à vos yeux de l’accuser lui-même.Elle s’en est punie, et fuyant mon courroux,A cherché dans les flots un supplice trop doux.Le fer aurait déjà tranché ma destinée ;Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée :J’ai voulu, devant vous exposant mes remords,Par un chemin plus lent descendre chez les morts.J’ai pris, j’ai fait couler dans mes brûlantes veinesUn poison que Médée apporta dans Athènes.Déjà jusqu’à mon cœur le venin parvenuDans ce cœur expirant jette un froid inconnu ;Déjà je ne vois plus qu’à travers un nuageEt le ciel et l’époux que ma présence outrage ;Et la mort à mes yeux dérobant la clarté,Rend au jour qu’ils souillaient toute sa pureté.PANOPEElle expire, seigneur !THÉSÉED’une action si noireQue ne peut avec elle expirer la mémoire !Allons, de mon erreur, hélas ! trop éclaircis,Mêler nos pleurs au sang de mon malheureux fils !Allons de ce cher fils embrasser ce qui reste,Expier la fureur d’un vœu que je déteste :Rendons-lui les honneurs qu’il a trop mérités ;Et, pour mieux apaiser ses mânes irrités,Que, malgré les complots d’une injuste famille,Son amante aujourd’hui me tienne lieu de fille ! Racine — Phèdre
En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte. Il était sur le dos, un dos aussi dur qu’une carapace, et, en relevant un peu la tête, il vit, bombé, brun, cloisonné par des arceaux plus rigides, son abdomen sur le haut duquel la couverture, prête à glisser tout à fait, ne tenait plus qu’à peine. Ses nombreuses pattes, lamentablement grêles par comparaison avec la corpulence qu’il avait par ailleurs, grouillaient désespérément sous ses yeux. « Qu’est-ce qui m’est arrivé ? » pensa-t-il. Ce n’était pas un rêve. Sa chambre, une vraie chambre humaine, juste un peu trop petite, était là tranquille entre les quatre murs qu’il connaissait bien. Au-dessus de la table où était déballée une collection d’échantillons de tissus – Samsa était représentant de commerce –, on voyait accrochée 5 l’image qu’il avait récemment découpée dans un magazine et mise dans un joli cadre doré. Elle représentait une dame munie d’une toque et d’un boa tous les deux en fourrure et qui, assise bien droite, tendait vers le spectateur un lourd manchon de fourrure où tout son avant-bras avait disparu. Franz Kafka — La métamorphose
On fait un match ? Naturellement. Ils sourient, comme si juste ils allaient passer un bon après-midi, alors que quelque chose est en cours qui transformera leur vie… Mathieu Lindon — Merci
Il y a, dans les écrits du docteur Tillotson, un argument contre la présence réelle, aussi précis, aussi solide, & aussi bien exprimé, qu’on en puisse imaginer contre une doctrine qui mérite si peu d’être sérieusement réfutée. On convient universellement, dit ce docte prélat, que l’autorité, tant de l’écriture que de la tradition, ne repose que sur le témoignage des apôtres, qui furent témoins oculaires des miracles par lesquels notre sauveur prouva sa mission divine. L’évidence de la vérité de la religion chrétienne est donc moindre que l’évidence de la fidélité de nos sens : elle n’étoit pas plus grande dans les premiers auteurs de notre religion, & il est manifeste qu’elle a dû diminuer en passant d’eux à leurs disciples : de sorte que nous ne pouvons jamais être aussi certains de la vérité de leur témoignage, que nous le sommes des objets immédiats de nos sens. Or, une moindre évidence ne sauroit détruire une évidence supérieure : donc, quand même la doctrine de la présence réelle seroit clairement révélée dans l’écriture, on ne pourroit pourtant la recevoir, sans choquer les loix les plus saines du raisonnement, car, d’un côté, elle est en contradiction avec les sens, & de l’autre, les fondemens qu’on lui donne, l’écriture & la tradition, ont moins d’évidence, que ces mêmes sens, tant qu’on ne les considere que comme preuves externes, & quelles ne sont point adressées au cœur par l’opération immédiate du Saint-Esprit.Rien ne vaut mieux qu’un argument décisif de cette nature, pour fermer la bouche à la stupide bigoterie & à la superstition orgueilleuse, & pour nous délivrer de leur ridicule empire. Je me flatte d’avoir découvert un argument semblable, qui, s’il est juste, fera pour le savant & pour le sage, un boulevard éternel contre toute sorte d’illusions superstitieuses : & son utilité, par conséquent, s’étendra aussi loin que la durée du monde ; car, je présume que l’histoire profane ne cessera qu’alors de nous raconter des miracles & des prodiges. David Hume — Essais philosophiques sur l’entendement humain.
Le monde est juste, il n'accorde les honneurs de son intérêt qu'aux sentiments vrais. Béatrix jouant la comédie est jugée comme une actrice de second ordre. Sa fuite n'était autorisée par aucune contrariété. L'épée de Damoclès ne brillait pas au milieu de ses fêtes... Balzac — Béatrix