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Citations sur le maintenant
Il y a 89 citations sur le maintenant.
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Je voudrais à la fois t'embrasser, te remercier, rire. Ne fais pas de cauchemars, prends soin de toi. Je t'aiderai, si tu veux, à ce que tu veux. Mina, tu es si importante maintenant.
Régine Detambel — La Verrière -
Les heures passèrent. Dehors, il pleuvait une complainte d’adieux. Elle se farda, utilisa des étoffes, se déguisa. Durant toute la nuit, une ingéniosité diabolique peupla la chambre de femmes venues de toutes contrées, insinuantes, expertes ou naïves, tourmentées, buveuses de saccades. Vers le matin, les femmes disparurent et deux hommes s’effrénaient devant le grand miroir au flamboiement des bûches.L’épuisement passé, il se leva, toucha distraitement les seins d’Adrienne.– Ils te plaisent ? Lui demanda-t-elle avec une maternité étrange. Tu vois, ils commencent à tomber. Je suis devenue une vieille femme. (Songeant à la jeune rivale, elle écrasa, abaissa les seins.) Encore mieux ainsi. (Elle rit.) Je suis vieille. Il faut aller de plus en plus souvent chez le dentiste. Et tout le reste ! Les articulations qui craquent, les cheveux qui se dessèchent, la peau si glorieuse à quatre heures du matin, l’haleine. Je suis fâchée de te faire de la peine. Mon pauvre chéri qui boude.Elle rit. Mais Solal n’écoutait pas et songeait à Aude. Pourquoi, lorsqu’elle était entrée avec son père, avait-il accentué le balancement maudit et avait-il feint de ne pas la reconnaître ? Il n’était même pas fou, il était lucide à ce moment-là. Quel démon plus fort que lui l’avait possédé à ce moment ? Et il ne la verrait plus. Ô son regard, le soir des grandes fiançailles, le geste gauche et le sourire timide avec lesquels elle s’était dévoilée. Quel démon l’avait poussé à hausser les épaules, à faire ce sourire peureux ? Et maintenant, elle gardait l’image dégoûtante de ces deux balanceurs d’Orient qui crevaient de peur devant la fille d’Europe.Il effaça cette pensée, ne voulu pas savoir ce qu’il allait faire et ouvrit le tiroir. Mais elle fut plus prompte que lui, s’élança, saisit sa main, et le revolver qu’il tenait. La balle effleura le front qui saigna. Il s’abattit.La femme nue prit sur ses genoux l’homme nu. Elle baisa les deux plaies, le calma, le berça tout en songeant que la nuit, depuis si longtemps prévue par elle, était arrivée, nuit pareille aux nuits des hivers passés et des hivers qui viendraient lorsqu’elle ne serait plus.Elle regardait le beau corps blessé et il lui semblait tenir sur ses genoux un grand fils évanoui, irresponsable, frappé par les hommes, condamné, trop vivant, irrémédiablement vaincu. Elle pensait à sa propre vie manquée. Elle n’avait pas su se faire aimer. Elle n’avait jamais rien su. Peut-être la faute de son père et l’effroi qu’elle avait de lui dans son enfance ? Cette paralysie, cette passivité. Les autres, celles qui savaient se faire aimer, étaient superficielles. Elle aurait pu aussi, mais elle avait préféré la servitude. Servante, depuis le soir où l’adolescent était entré dans sa chambre jusqu’à cette dernière nuit. Et maintenant impossible de recommencer. C’était l’autre, Aude, qui l’aurait. Si l’autre ne l’empêchait pas de vaincre, tout était bien. Il deviendrait Solal et un grand homme. Mais personne ne viendrait confier à sa tombe les victoires de l’aimé. Tout de même, elle aurait su avant les autres. Avant les autres, elle avait deviné l’attente et l’espoir de cet homme si simple, si bon en réalité, si pur et qui cachait sa naïveté sous des rires et des étrangetés. Et si elle se trompait, s’il devait n’être qu’un homme comme les autres hommes, du moins elle garderait son illusion jusqu’à la fin et personne non plus ne viendrait la détromper
Albert Cohen — Solal – Éditions Gallimard 1930 -
Il faut bien sûr imaginer Paul, tout en force, le regard baissé déjouant pour l’instant la description, le menton saillant, la mâchoire prognathe, sa stature excédant la mienne, l’impossibilité dans laquelle il est toujours de faire oublier son corps en dépit des mouvements qui lui traversent l’âme, fréquemment d’ailleurs car Paul est un sensible, un sentimental, même, doublant chez lui le musculaire toujours trahi quelle que soit l’ampleur de la chemise, la coupe du pantalon, la délicatesse de certains gestes, passons sur certains gestes, le visage suscitant chez l’observateur un irrépressible besoin de poncifs, nez épais, lèvres fortes, sourire enfantin, gourmand, la manière dont ses mains battent l’air quand il s’échauffe, le verbe non point tant facile que haut, expéditif et désaccordé souvent, mais sincère, toujours, mieux vaut en rire, maintenant, et d’ailleurs il se tait, il ne répond pas, je dois répéter ma question, il lève enfin les yeux, de beaux yeux, surtout un beau garçon, non pas un beau regard, donc, c’est du reste dommage, avec un beau regard j’aurais compris que Sandra, je n’aurais sans doute rien eu à dire, je n’ai d’ailleurs rien dit, à quoi bon, que dire à une femme qui vous quitte pour un homme dont les yeux sont seulement beaux, on se prend à rêver au contraire d’un amant au charme secret, plus proche de celui qu’on croyait exercer, ou qu’on n’exerce plus, qu’importe, un homme qui puisse prétendre à quelque vraie relève, dont on puisse tirer sinon profit du moins fierté, mais non, c’est cet homme-là que Sandra avait choisi, contre tout attente, ou en réponse à son attente, comment savoir, un homme dont le poids s’aggravait maintenant de celui de son mensonge, peut-être plus pervers au fond que ce qu’on avait pensé, duplique derrière le muscle, noyant des trésors de rouerie dans l’eau bleutée de son regard.
Christian Oster — Paul au téléphone – Éditions de Minuit 1996 -
J'ai appris qu'il était mort depuis des années. C'était en mai 90, il y a donc un an maintenant. Je n'avais jamais pensé à sa mort.
Marguerite Duras — L'Amant de la Chine du Nord -
Il n’y a plus de honte maintenant à cela ; l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer. Aujourd’hui, la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et, quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement ; mais l’hypocrisie est un vice privilégié qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d’une impunité souveraine. On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. Qui en choque un, se les attire tous sur les bras ; et ceux que l’on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés, ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres ; ils donnent bonnement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions. Combien crois-tu que j’en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se font un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du monde ? On a beau savoir leurs intrigues, et les connaître pour ce qu’ils sont, ils ne laissent pas pour cela d’être en crédit parmi les gens ; et quelque baissement de tête, un soupir mortifié, et deux roulements d’yeux, rajustent dans le monde tout ce qu’ils peuvent faire. C’est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes ; mais j’aurai soin de me cacher, et me divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous. Enfin, c’est là le vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. Dès qu’une fois on m’aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais, et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je ferai le vengeur des intérêts du ciel ; et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d’impiété, et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront d’injures, et les damneront hautement de leur autorité privée. C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle.
Molière — Dom Juan -
« Elle était grise, pensait-il ; demain, ce sera une autre chanson. J’aurai les larmes ». Cette idée l’inquiéta, puis il se dit : « Ma foi, tant pis. Maintenant que je la tiens, je saurai bien la garder. »
Guy de Maupassant — Bel-Ami -
Merci, monsieur Relatif. Et maintenant, n’oubliez pas qu’on vous attend avec impatience.
Marcel Aymé — Les Maxibules -
Muni d'odeurs passeports valables, le 327e mâle traverse sans encombre leurs postes de filtrage. Les soldates sont calmes. On sent que les grandes guerres territoriales n'ont pas encore commencé. Tout près maintenant de son but, il présente ses identifications aux fourmis concierges puis pénètre dans l'ultime couloir menant à la loge royale. Sur le seuil il s'arrête, écrasé par la beauté qui se dégage de ce lieu unique. C'est une grande salle circulaire construite selon les règles architecturales et géométriques très précises que les reines mères transmettent à leurs filles d'antenne à antenne. La voûte principale mesure douze têtes de haut sur trente-six de diamètre (la tête est l'unité de mesure de la Fédération ; une tête équivaut à trois millimètres d'unité de mesure courante humaine). Des pilastres de ciments rares soutiennent ce temple insecte, qui, avec la forme concave de son sol, est conçu pour que les molécules odorantes émises par les individus rebondissent le plus longtemps possible sans imprégner les murs. C'est un remarquable amphithéâtre olfactif. Au centre repose une grosse dame. Elle est couchée sur le ventre et lance de temps en temps sa patte vers une fleur jaune. La fleur se referme parfois sèchement. Mais la patte est déjà retirée.
Bernard Werber — Les Fourmis -
Maintenant, moi, j'ai fait mon devoir; voyons si les autres feront le leur.
Meilhac — Halévy -
« Si monsieur le comte, avait dit Mme de Reybert en terminant, m'a jugée défavorablement sur la démarche que je me suis permise à l'insu de M. de Reybert, il doit être maintenant convaincu que nous avons obtenu ces renseignements sur son régisseur de la manière la plus naturelle… »
Honoré de Balzac — Un Début dans la vie -
La duchesse de Guise, presque évanouie ; le duc de Guise, suivi de Saint-Paul, et de plusieurs hommes.LE DUC DE GUISE, après un coup d’œil rapide. – Il sera descendu par cette fenêtre... Mais Mayenne était dans la rue avec vingt hommes, et le bruit des armes... Va, Saint-Paul ; vous, suivez-le. Va, et tu me diras si tout est fini. (Heurtant du pied la duchesse.) Ah ! c’est vous, madame. Eh bien, je vous ai ménagé un tête-à-tête.LA DUCHESSE DE GUISE. – Monsieur le duc, vous l’avez fait assassiner !LE DUC DE GUISE. – Laissez-moi, madame ; laissez-moi.LA DUCHESSE DE GUISE, à genoux, le prenant à bras-le-corps. – Non, je m’attache à vous.LE DUC DE GUISE. – Laissez-moi, vous dis-je !... ou bien, oui, oui. Venez ! à la lueur des torches, vous pourrez le revoir encore une fois. (Il la traîne jusqu’à la fenêtre.) Eh bien, Saint-Paul ?SAINT-PAUL, dans la rue. – Attendez ; il n’est pas tombé seul. Ah ! ah ! LE DUC DE GUISE. – Est-ce lui ? SAINT-PAUL. – Non, c’est le petit page. LA DUCHESSE DE GUISE. – Arthur ! Ah ! pauvre enfant ! LE DUC DE GUISE. – L’auraient-ils laissé fuir ?... Les misérables !... LA DUCHESSE DE GUISE, avec espoir. – Oh !... SAINT-PAUL. – Le voici. LE DUC DE GUISE. – Mort ? SAINT-PAUL. – Non, couvert de blessures, mais respirant encore. LA DUCHESSE DE GUISE. – Il respire ! On peut le sauver. Monsieur le duc, au nom du ciel... SAINT-PAUL. – Il faut qu’il ait quelque talisman contre le fer et contre le feu... LE DUC DE GUISE, jetant par la croisée le mouchoir de la duchesse de Guise. – Eh bien, serre-lui la gorge avec ce mouchoir ; la mort lui sera plus douce ; il est aux armes de la duchesse de Guise. LA DUCHESSE DE GUISE. – Ah ! (Elle tombe.) LE DUC DE GUISE, après avoir regardé un instant dans la rue. – Bien ! et maintenant que nous avons fini avec le valet, occupons-nous du maître.
Alexandre DUMAS — Henri III et sa cour -
...elle citait souvent, en prenant un air finaud « Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. » Le bonheur, c'était ici et maintenant qu'elle le voulait, palpable et dégustable; du bon bonheur du terroir à consommer sur place, parce que, celui de l'autre monde, on ignorait quelle consistance et quelle saveur il avait, et quelle part on en recevrait.
Sylvie Germain — Chanson des mal-aimants -
Dans la poussière soulevée on distinguait maintenant les rangs de quatre, le balancement des coupe-choux, des gibernes, des fusils à la bretelle. Le chasseur à pied descendit derrière le talus de l'Adige.
Jean Giono — Le bonheur fou -
Le Paysan. Oui, monseigneur. (Il sort.)Perdican. Maintenant à l’autre. Ah ! je suis au désespoir ! Holà ! Rosette, Rosette ! (Il frappe à une porte.)Rosette, ouvrant. C’est vous, monseigneur ! Entrez, ma mère y est.Perdican. Mets ton plus beau bonnet, Rosette, et viens avec moi.Rosette. Où donc ? Perdican. Je te le dirai ; demande la permission à ta mère, mais dépêche-toi.Rosette. Oui, monseigneur.(Elle entre dans la maison.)
Alfred de Musset — On ne badine pas avec l’amour -
On avait maintenant en plus de l’équipe du Frisé, le commissaire Mandru et sa brigade au train. Je nous voyais pas sortis de l’auberge !
A. Simonin — Le Petit Simonin illustré par l’exemple -
Maintenant, voyez-moi, j’ai cinquante-quatre ans et plus bon à rien, forcément. J’ai lâché mon métier de plombier, je tremble de partout, regardez mes mains, je sucre les fraises, les jambes qui grelottent, elles pèsent comme du plomb et à chaque instant la tête qui s’en va. Comment expliquez-vous ça ?
Marcel Aymé — Le passe-muraille -
Il ne s’agit pas cependant de détails secondaires et triviaux et même si c’était le cas, nous savons maintenant que « le diable est dans les détails ».
L’amitié Charles Péguy — L’amitié Charles Péguy -
Je levai les yeux du contrat que j’étudiais. Je laissai transparaître un peu d’impatience dans ma réponse.« Eh bien, pas maintenant. De nos jours, le diable se cache dans les détails ».Le vieil homme ricana.
T.M. Bilderback — Le diable se cache dans les détails – un Conte du Comté Sarsi -
Je ne sais pas si vous comprenez un petit peu mieux maintenant ce que je veux dire par ce que je viens de vous dire.
Gertrude Stein — Trois vies -
Alors lui me répondit avec un air de reproche triste « Au moins, vous savez bien, frère, que je suis changé maintenant et qu'il y a quelque chose qui est bien fini ce n'est pas de cela que vous voulez parler ? » Et, moi, je serrai la main de mon frère Yves, en essayant de sourire comme quelqu'un qui aurait tout à fait confiance.
Pierre Loti — Mon frère Yves -
Maintenant, les corbillards à tombeau grand ouvert / Emportent les trépassés jusqu’au diable Vauvert.
Georges Brassens — Les Funérailles d’antan -
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,Dont le doigt nous menace et nous dit : « Souviens-toi !Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroiSe planteront bientôt comme dans une cible,Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizonAinsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;Chaque instant te dévore un morceau du déliceA chaque homme accordé pour toute sa saison.Trois mille six cents fois par heure, la SecondeChuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voixD’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)Les minutes, mortel folâtre, sont des ganguesQu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !Souviens-toi que le Temps est un joueur avideQui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »
Charles Baudelaire — Les fleurs du mal -
Avant tout, il y a eu rencontre.Isabelle Leblanc et moi, assis chez Isabelle, dans la cuisine, autour d’une bouteille de champagne, parce que cela faisait trop longtemps que l’on ne s’était pas parlés. Pas vus. Pas regardés.Il y avait donc, avant tout, une fille un peu écoeurée, assise en face d’un type un peu perdu. Entre les deux (juste à côté de la bouteille maintenant à moitié vide), la soif des idées. C’est-à-dire le désir de se sortir, de s’extraire d’un monde qui cherchait trop à nous faire croire que l’intelligence était une perte de temps, la pensée un luxe, les idées une fausse route.Il y avait donc deux personnes, l’une en face de l’autre, qui avaient elles aussi une soif insatiable de l’infini, cette soif que les chiens de Lautréamont portent au fond de leurs gosiers.Puis il y a eut des comédiens et des concepteurs, des amis, des gens que nous aimions, qui nous bouleversaient, assis autour d’une table. Une question fut posée : « Nous voici arrivés à notre trentaine. De quoi avons-nous peur ? » Réfléchir autour de cette question, tenter, chacun son tour, d’élaborer un discours, une pensée pour nommer ce qui se trame au fond de notre âme, nous a permis de mettre le doigt sur certaines choses essentielles. Invariablement, nous avons parlé de l’amour, de la joie, de la peine, de la douleur, de la mort. Aussi, nous avons réalisé que, si nous avions peur d’aimer, nous n’avions pas peur de mourir, car la peur, en ce qui concerne la mort, tournait autour de nos parents, en ce sens que nous n’avions pas tant peur de notre propre mort que de la mort de ceux qui nous ont conduits à la vie, et dans la vie ; cela ne concernait pas uniquement nos parents naturel, mais aussi nos parents dans la création.
Wajdi Mouawad — Littoral – Éditions Actes Sud 1999 -
« Maintenant je sais ce qui me reste à faire », ajouta-t-elle confusément en ouvrant la porte du jardin, qu'elle referma violemment derrière elle.
André Gide — La porte étroite -
Il y a un très grand silence maintenant, un très grand vide, comme si la déflagration de la violence avait d’un seul coup épuisé toutes les forces de la terre. La poussière recouvre les feuilles des arbres, recouvre les traces des pas.
J. M. G. Le Clézio — Trois villes saintes -
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,Et de tous les côtés au soleil exposé,Six forts chevaux tiraient un Coche.Femmes, Moine, Vieillards, tout était descendu.L'attelage suait, soufflait, était rendu.Une Mouche survient, et des Chevaux s'approche ;Prétend les animer par son bourdonnement ;Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout momentQu'elle fait aller la machine,S'assied sur le timon, sur le nez du Cocher ;Aussitôt que le char chemine,Et qu'elle voit les gens marcher,Elle s'en attribue uniquement la gloire ;Va, vient, fait l'empressée ; il semble que ce soitUn Sergent de bataille allant en chaque endroitFaire avancer ses gens, et hâter la victoire.La Mouche en ce commun besoinSe plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin ; Qu'aucun n'aide aux Chevaux à se tirer d'affaire.Le Moine disait son Bréviaire ;Il prenait bien son temps ! une femme chantait ;C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait !Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles,Et fait cent sottises pareilles.Après bien du travail le Coche arrive au haut.Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt :J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.Ça, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine.Ainsi certaines gens, faisant les empressés,S'introduisent dans les affaires :Ils font partout les nécessaires,Et, partout importuns, devraient être chassés.
Jean de La Fontaine — Le Coche et la Mouche -
Je me rappelle le jour où j’ai compris que j’étais devenu adulte. Je vivais déjà avec Marie, nous avions Agustín depuis deux ou trois ans, je travaillais depuis des années comme je le fais toujours plus ou moins aujourd’hui, charpentier ici et là, bricoleur à droite et à gauche, électricien quand il faut, plombier ou même jardinier si on me le demande, ni trop souvent ni trop peu, juste ce qu’il faut pour maintenir le juste équilibre, rapporter à la maison ma part de revenus et me garder du temps à moi, ne pas me perdre tout entier en chantiers. Marie était déjà traductrice, traduisait déjà Lodoli et d’autres auteurs qu’elle aimait. C’est-à-dire que notre vie était déjà à peu près ce qu’elle est maintenant, et que nous en étions satisfaits, nous songions souvent que nous avions de la chance, nous nous plaisions à V., nous avions des amis, nous sentions que c’était un endroit où nous étions susceptibles de rester un bon moment encore, bref nous allions bien.Et un matin je me suis levé et je me suis dit que ça y est, tu es grand. J’ai réalisé qu’il fallait que j’arrête de me répéter ces mots, plus tard quand je serai grand. Que c’était fait : j’étais grand. Je l’étais devenus à mon insu. Sans que personne vienne me prévenir. J’ai compris qu’il n’y aurait pas d’épreuve. Pas de monstre à vaincre ni de noeud à trancher. Pas de coup de gong solennel. Pas de voix paternelle pour me souffler à l’oreille ces mots, c’est maintenant, t’y voilà. J’ai compris qu’il n’y aurait nulle ligne à franchir. Nul cap à passer. Nul obstacle à surmonter. Qu’être grand simplement désormais ce serait ça : la continuation de ce présent, de cette lente translation, de ce glissement presque imperceptible, seulement décelable à l’érosion de certaines de mes facultés, au grisonnement de mes tempes et de celles de Marie, à notre renoncement de plus en plus fréquent à telle ou telle folie qui autrefois nous aurait semblé le sel même de la vie, à la taille chaque année accrue d’Agustín, à son énergie toujours plus fascinante. À son appétit d’ogre lui aussi décidé à nous dévorer chaque jour un peu plus.J’ai réalisé qu’il ne se passerait rien. Qu’il n’y avait rien à attendre. Que toujours ainsi les semaines continueraient de passer, que le temps continuerait d’être cette lente succession d’années plus ou moins investies de projets, de désirs, d’enthousiasmes, de soirées plus ou moins vécues. De jours tantôt habités avec intensité, imagination, lumière, des jours pour ainsi dire pleins, comme on dit carton plein devant une cible bien truffée de plombs. Tantôt abandonnés de mauvais gré au soir venu trop tôt. Désertés par excès de fatigue ou de tracas. Perdus. Laissés vierges du moindre enthousiasme, De la moindre récréation, du moindre élan véritable. Jours sans souffle, concédés au soir trop tôt venu, à la nuit tombée malgré nos efforts pour différer notre défaite, et résignés alors nous marchons vers votre lit en nous jurant d’être plus rusés le lendemain – plus imaginatifs, plus éveillés, plus vivants.
Sylvain Prudhomme — Par les routes – L’Arbalète -
Ne cherche pas à connaître, il est défendu de le savoir, quelle destinée nous ont faite les Dieux, à toi et à moi, ô Leuconoé ; et n’interroge pas les Nombres Babyloniens. Combien le mieux est de se résigner, quoi qu’il arrive ! Que Jupiter t’accorde plusieurs hivers, ou que celui-ci soit le dernier, qui heurte maintenant la mer Tyrrhénienne contre les rochers immuables, sois sage, filtre tes vins et mesure tes longues espérances à la brièveté de la vie. Pendant que nous parlons, le temps jaloux s’enfuit. Cueille le jour, et ne crois pas au lendemain.
Horace — Odes -
Je m'assieds par terre, près de lui. « As-tu beaucoup souffert pendant la guerre ? Assez, dis-je. C'est fini, maintenant. La guerre est finie.
Anna Langfus — Le Sel et le Soufre -
Il n'avait pas pris la voie réservée aux employés qu'il empruntait chaque matin et qui était maintenant fermée par une grille, mais avait tourné à gauche cent mètres après l'hôtel, sur le chemin sableux menant à la plage publique.
Catherine Cusset — Amours transversales -
Un soir, étant entré au casino, le narrateur du présent récit entend, avec surprise, un bruit singulier, celui d'un craquement ou d'un claquement de doigts qui se brisent. Il s'approche de la table d'où lui parvient ce bruit. Zweig réussit merveilleusement bien à nous rendre l'atmosphère fébrile qui règne dans le casino et la tension particulière du joueur qu'il observe.C'étaient des mains d'une beauté très rare, extraordinairement longues, extraordinairement minces, et pourtant traversées de muscles extrêmement rigides - des mains très blanches, avec, au bout, des ongles pâles, aux dessus nacrés et délicatement arrondis. Je les ai regardées toute la soirée, oui, je les ai regardées avec une surprise toujours nouvelle, ces mains extraordinaires, vraiment uniques ; mais ce qui d'abord me surprit d'une manière si terrifiante, c'était leur fièvre, leur expression follement passionnée, cette façon convulsive de s'étreindre et de lutter entre elles. Ici, je le compris tout de suite, c'était un homme débordant de force qui concentrait toute sa passion dans les extrémités de ses doigts, pour qu'elle ne fît pas exploser son être tout entier. Et maintenant..., à la seconde où la boule tomba dans le trou avec un bruit sec et mat et où le croupier cria le numéro ..., à cette seconde les deux mains se séparèrent soudain l'une de l'autre, comme deux animaux frappés à mort d'une même balle.
Stefan Zweig — vingt-quatre heures dans la vie d’une femme -
Du rouge au vert tout le jaune se meurtQuand chantent les aras dans les forêt natalesAbatis de pihisIl y a un poème à faire sur l’oiseau qui n’a qu’une aileNous l’enverrons en message téléphoniqueTraumatisme géantIl fait couler les yeuxVoilà une jolie jeune fille parmi les jeunes TurinaisesLe pauvre jeune homme se mouchait dans sa cravate blancheTu soulèveras le rideauEt maintenant voilà que s’ouvre la fenêtre […]
Guillaume Apollinaire — Calligrammes -
Maintenant j'abandonne mes toilettes. D'ailleurs je suis une vieille femme. N'est-ce pas, Solange, que je suis une vieille femme ?
Jean Genet — Les Bonnes -
Leurs professeurs leur avaient dit qu’elles ne pouvaient pas viser trop haut, et leurs parents qu’elles devaient songer à faire de bonnes épouses plutôt qu’à essayer de s’exprimer. Pourtant maintenant, elles s’exprimaient à tire-larigot. Elles n’en étaient pas peu fières mais elles se sentaient toujours un peu déprimées, un peu défraîchies. Elles formaient la première vague.
Catherine Rihoit — Triomphe de l’amour -
LOUISE DE CHAULIEU À RENÉE DE MAUCOMBE.Janvier 1824.Comment, bientôt mariée ! mais prend-on les gens ainsi ? Au bout d’un mois, tu te promets à un homme, sans le connaître, sans en rien savoir. Cet homme peut être sourd, on l’est de tant de manières ! il peut être maladif, ennuyeux, insupportable. Ne vois-tu pas, Renée, ce qu’on veut faire de toi ? tu leur es nécessaire pour continuer la glorieuse maison de l’Estorade, et voilà tout. Tu vas devenir une provinciale. Sont-ce là nos promesses mutuelles ? À votre place, j’aimerais mieux aller me promener aux îles d’Hyères en caïque, jusqu’à ce qu’un corsaire algérien m’enlevât et me vendît au grand-seigneur ; je deviendrais sultane, puis quelque jour validé ; je mettrais le sérail c’en dessus dessous, et tant que je serais jeune et quand je serais vieille. Tu sors d’un couvent pour entrer dans un autre ! Je te connais, tu es lâche, tu vas entrer en ménage avec une soumission d’agneau. Je te donnerai des conseils, tu viendras à Paris, nous y ferons enrager les hommes et nous deviendrons des reines. Ton mari, ma belle biche, peut, dans trois ans d’ici, se faire nommer député. Je sais maintenant ce qu’est un député, je te l’expliquerai ; tu joueras très bien de cette machine, tu pourras demeurer à Paris et y devenir, comme dit ma mère, une femme à la mode. Oh ! je ne te laisserai certes pas dans ta bastide.
Honoré de Balzac — Mémoires de jeunes filles mariées -
Au début, il comptait ses allers-retours. Maintenant il oublie, il avance, concentré sur son seul mouvement. L'arrêt est toujours brutal.
Béatrice Commengé — Et il ne pleut jamais -
— Et… maintenant ? demanda-t-il.— Lisez, je vais vous avouer ce que je souhaiterais ; et vivement elle traça les premières lettres des mots : « Que vous puissiez pardonner et oublier. »
Léon Tolstoï — Anna Karénine -
Très cher fils,[…] je t’engage à employer ta jeunesse à bien progresser en savoir et en vertu. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Épistémon : l’un par un enseignement vivant et oral, l’autre par de louables exemples, peuvent te former.J’entends et je veux que tu apprennes parfaitement les langues : premièrement le grec, comme le veut Quintilien ; deuxièmement le latin ; puis l’hébreu pour les saintes Lettres, le chaldéen et l’arabe pour la même raison ; et que tu formes ton style sur celui de Platon pour le grec, sur celui de Cicéron pour le latin. Qu’il n’y ait d’étude scientifique que tu ne gardes présente en ta mémoire et pour cela tu t’aideras de l’Encyclopédie universelle des auteurs qui s’en sont occupés.Des arts libéraux : géométrie, arithmétique et musique, je t’en ai donné le goût quand tu étais encore jeune, à cinq ou six ans ; continue ; de l’astronomie, apprends toutes les règles, mais laisse-moi l’astrologie, comme autant d’abus et de futilités.Et quant à la connaissance de l’histoire naturelle, je veux que tu t’y adonnes avec zèle : qu’il n’y ait ni mer, ni rivière, ni source dont tu ignores les poissons ; tous les oiseaux du ciel, tous les arbres, arbustes, et les buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de tous les pays de l’Orient et du Midi, que rien ne te soit inconnu.Puis relis soigneusement les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les Talmudistes et les Cabalistes, et, par de fréquentes dissections, acquiers une connaissance parfaite de l’autre monde qu’est l’homme. Et pendant quelques heures du jour, va voir les saintes Lettres : d’abord en grec le Nouveau Testament et les épîtres des apôtres, puis, en hébreu, l’Ancien Testament.En somme, que je voie en toi un abîme de science car, maintenant que tu deviens homme et te fais grand, il te faudra quitter la tranquillité et le repos de l’étude pour apprendre la chevalerie et les armes afin de défendre ma maison, et de secourir nos amis dans toutes leurs difficultés causées par les assauts des malfaiteurs.Et je veux que, bientôt, tu mesures tes progrès ; cela, tu ne pourras mieux le faire qu’en soutenant des discussions publiques, sur tous les sujets, envers et contre tous, et qu’en fréquentant les gens lettrés tant à Paris qu’ailleurs.Mais – parce que, selon le sage Salomon, Sagesse n’entre pas en âme malveillante et que science sans conscience n’est que ruine de l’âme – tu dois servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en Lui toutes tes pensées et tout ton espoir ; […]Mon fils, que la paix et la grâce de Notre-Seigneur soient avec toi. Amen.D’Utopie, ce dix-septième jour du mois de mars,ton père, Gargantua.
François Rabelais — Pantagruel -
C'est étrange, maintenant que j'ai un mari. Je l'entends dormir et j'ai peur toute seule. Il ne me laisse pas pénétrer dans son for intérieur et cela m'afflige.
Simone de Beauvoir — Le deuxième sexe -
Maintenant que je vais en gagner, dit-il, j'ai moins honte de dépenser leurs sous. Je serai même peut-être bientôt en état de leur en donner. Je ne suis pas un ingrat et on a souvent besoin d'un plus petit que soi...
Jean Giono — Les Âmes fortes -
ANTIGONE. – Ô tombeau ! Ô lit nuptial ! Ô ma demeure souterraine !... (Elle est toute petite au milieu de la grande pièce nue. On dirait qu'elle a un peu froid. Elle s'entoure de ses bras. Elle murmure.) Toute seule…[Elle se décide à dicter une lettre d'adieu au garde.]Écris : « Mon chéri... »LE GARDE, qui a pris son carnet et suce sa mine. – C'est pour votre bon ami ?ANTIGONE. – Mon chéri, j'ai voulu mourir et tu ne vas peut-être plus m'aimer...LE GARDE, répète lentement de sa grosse voix en écrivant. – « Mon chéri, j'ai voulu mourir et tu ne vas peut-être plus m'aimer... »ANTIGONE. – Et Créon avait raison, c'est terrible, maintenant, à côté de cet homme, je ne sais plus pourquoi je meurs. J'ai peur...LE GARDE, qui peine sur sa dictée. – « Créon avait raison, c'est terrible... »ANTIGONE. – Oh ! Hémon, notre petit garçon. Je le comprends seulement maintenant combien c'était simple de vivre...LE GARDE, s'arrête. – Eh ! Dites, vous allez trop vite. Comment voulez-vous que j'écrive ? Il faut le temps tout de même...ANTIGONE. – Où en étais-tu ?LE GARDE, se relit. – « C'est terrible maintenant à côté de cet homme... »ANTIGONE. – Je ne sais plus pourquoi je meurs.LE GARDE, écrit, suçant sa mine. – « Je ne sais plus pourquoi je meurs... » On ne sait jamais pourquoi on meurt.ANTIGONE, continue. – J'ai peur... (Elle s'arrête. Elle se dresse soudain.) Non. Raye tout cela. Il vaut mieux que jamais personne ne le sache. C'est comme s'ils devaient me voir nue et me toucher quand je serais morte. Mets seulement : « Pardon. » [...] Pardon, mon chéri. Sans la petite Antigone, vous auriez tous été bien tranquilles. Je t'aime... [...]LE GARDE. – C'est une drôle de lettre.ANTIGONE. – Oui, c'est une drôle de lettre.
Jean Anouilh — Antigone -
De quelle émotion inconnue sens-je mon cœur atteint ! et quelle inquiétude secrète est venue troubler tout d'un coup la tranquillité de mon âme ? Ne serait-ce point aussi, ce qu'on vient de me dire, et sans en rien savoir, n'aimerais-je point ce jeune prince ? Ah ! si cela était, je serais personne à me désespérer : mais il est impossible que cela soit, et je vois bien que je ne puis pas l'aimer. Quoi ? je serais capable de cette lâcheté […] Les respects, les hommages et les soumissions n'ont jamais pu toucher mon âme, et la fierté et le dédain en auraient triomphé. J'ai méprisé tous ceux qui m'ont aimée, et j'aimerais le seul qui me méprise ? Non, non, je sais bien que je ne l'aime pas. Il n'y a pas de raison à cela : mais si ce n'est pas de l'amour que ce que je sens maintenant, qu'est-ce donc que ce peut être ? et d'où vient ce poison qui me court par toutes les veines, et ne me laisse point en repos avec moi-même ?
Molière — Les amants magnifiques