Accueil > Citations > Citations sur la poésie
Il y a 93 citations sur la poésie.
Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire dans le progrès. Nous ne nous occupons, avec amusement, que de l’aujourd’hui. Nous voulons être des mystiques du détail, des taraudeurs et des clairvoyants, des anti-conceptionnistes et des râleurs littéraires. Nous voulons supprimer le désir pour toute forme de beauté, de culture, de poésie, pour tout raffinement intellectuel, toute forme de goût, socialisme, altruisme et synonymisme. Hugo Ball et Richard Huelsenbeck — Manifeste littéraire
Je persiste à penser que le poème n’est accompli que s’il se fait chant, parole et musique en même temps. La diction dite expressive à la mode, à la manière du théâtre ou de la rue, est l’anti-poème. Comme si le rythme n’était pas, sous sa variété, monotonie, qui traduit le mouvement substantiel des Forces cosmiques de l’Eternel !… Il est temps d’arrêter le processus de désagrégation du monde moderne, et d’abord de la poésie. Il faut restituer celle-ci à ses origines, au temps qu’elle était chantée – et dansée. Comme en Grèce, en Israël, surtout dans l’Egypte des Pharaons. Comme aujourd’hui en Afrique noire. « Toute maison divisée contre elle-même », tout art ne peut que périr. La poésie ne doit pas périr. Car alors, où serait l’espoir du Monde ? Léopold Sédar Senghor — Comment les lamantins vont boire à la source »
Ouvrons un dictionnaire aux mots « Littérature Potentielle.» Nous n’y trouverons rien. Fâcheuse lacune. […]L’humanité doit-elle se reposer et se contenter, sur des pensers nouveaux de faire des vers antiques ? Nous ne le croyons pas. Ce que certains écrivains ont introduit dans leur manière, avec talent (voire avec génie), mais les uns occasionnellement (forgeage de mots nouveaux), d’autres avec prédilection (contrerimes), d’autres avec insistance mais dans une seule direction (lettrisme), l’Oulipo entend le faire systématiquement et scientifiquement. […]Un mot, enfin, à l’intention des personnes particulièrement graves qui condamnent sans examen et sans appel toute œuvre où se manifeste quelque propension à la plaisanterie. Lorsqu’ils sont le fait de poètes, divertissements, farces et supercheries appartiennent encore à la poésie. La littérature potentielle reste donc la chose la plus sérieuse du monde. C.Q.F.D. Jean-François Le Lionnais — Manifeste de l’Oulipo
Le but de la poésie est de dire l’aventure singulière du ON singulier, de désengloutir ou d’amener à, de restituer cette part le plus souvent omise pour des raisons peu avouables. Phantomas — 1968
À la fin tu es las de ce monde ancienBergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matinTu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaineIci même les automobiles ont l’air d’être anciennesLa religion seule est restée toute neuve la religionEst restée simple comme les hangars de Port-AviationSeul en Europe tu n’es pas antique ô ChristianismeL’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie XEt toi que les fenêtres observent la honte te retientD’entrer dans une église et de t’y confesser ce matinTu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout hautVoilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journauxIl y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policièresPortraits des grands hommes et mille titres diversJ’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nomNeuve et propre du soleil elle était le claironLes directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographesDu lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passentLe matin par trois fois la sirène y gémitUne cloche rageuse y aboie vers midiLes inscriptions des enseignes et des muraillesLes plaques les avis à la façon des perroquets criaillentJ’aime la grâce de cette rue industrielleSituée à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Ternes[…] Apollinaire — Zone
J’évoque Gabriela Mistral et Rubén Dario comme des bardes chiliens et en fêtant mes cinquante ans de poète, je veux reconnaître en eux l’âge éternel de la poésie authentique. Pablo Neruda — Né pour naître
Les beaux-arts et la poésie, dans toute une partie essentielle, sont et doivent être des industries singulières et par un coin secrètes, des initiations, à certains égards, d’esprits merveilleux, des savoir-faire dédaliens, où n’atteint pas le grand nombre, mais à quoi il finit par croire, sur la foi de son impression sans doute, mais de son impression dirigée et quelquefois créée par les critiques et connaisseurs. Sainte-Beuve — Écrivains critiques et historiens littéraires de la France
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout hautVoilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux. Guillaume Apollinaire — Le poète d’Alcools
La science n’a d’ennemis que ceux qui jugent la vérité inutile et indifférente, et ceux qui, tout en conservant à la vérité sa valeur transcendante, prétendent y arriver par d’autres voies que la critique et la recherche rationnelle. Ces derniers sont à plaindre, sans doute, comme dévoyés de la droite méthode de l’esprit humain ; mais ils reconnaissent au moins le but idéal de la vie ; ils peuvent s’entendre et jusqu’à un certain point sympathiser avec le savant. Quant à ceux qui méprisent la science comme ils méprisent la haute poésie, comme ils méprisent la vertu, parce que leur âme avilie ne comprend que le périssable, nous n’avons rien à leur dire. Ils sont d’un autre monde, ils ne méritent pas le nom d’hommes, puisqu’ils n’ont pas la faculté qui fait la noble prérogative de l’humanité. Aux yeux de ceux-là, nous sommes fiers de passer pour des gens d’un autre âge, pour des fous et des rêveurs ; nous nous faisons gloire d’entendre moins bien qu’eux la routine de la vie, nous aimons à proclamer nos études inutiles ; leur mépris est pour nous ce qui les relève. Les immoraux et les athées, ce sont ces hommes, fermés à tous les airs venant d’en haut. L’athée, c’est l’indifférent, c’est l’homme superficiel et léger, celui qui n’a d’autre culte que l’intérêt et la jouissance. L’Angleterre, en apparence un des pays du monde les plus religieux, est en effet le plus athée car c’est le moins idéal. Je ne veux pas faire comme les déclamateurs latins le convicium seculi. Je crois qu’il y a dans les âmes du XIXe siècle tout autant de besoins intellectuels que dans celles d’aucune autre époque, et je tiens pour certain qu’il n’y a jamais eu autant d’esprits ouverts à la critique. L'Avenir de la science — Ernest Renan
Ut pictura poesis : erit quae, si propius stes,Te capiat magis; et quaedam, si longius abstes :Haec amat obscurum; volet haec sub luce videri,Judicis argutum quae non formidat acumen ;Haec placuit semel, haec decies repetita placebit.La poésie est comme la peinture : telle œuvre, c'est de prèsQu'elle te séduira, et telle autre, de loin.L'une aime le clair-obscur et l'autre exige la pleine lumière,Sans craindre du tout l'œil acéré du critique.Celle-ci n'aura plu qu'une seule fois, quand celle-là, vue dix fois, plaira toujours. Horace — Art poétique
Loti a écrit des livres simples, beaux et vides comme la vie, et il y a dans Le Pêcheur d’Islande, en même temps que l’amour de la vérité, un souci de plein air, un grand souffle de poésie agreste et maritime. Mirbeau — revue Gil Blas
Éduqué par les jansénistes qui avaient le théâtre en horreur, il s’empressa de courir après la gloire procurée par la poésie dramatique [le théâtre]. Puis, l’ayant obtenue, et avec elle la richesse, il chercha à faire oublier qu’il avait été un poète profession, […]. Georges Forestier — Jean Racine
Cette première pièce exhale une odeur sans nom dans la langue, et qu’il faudrait appeler l’odeur de pension. Elle sent le renfermé, le moisi, le rance ; elle donne froid, elle est humide au nez, elle pénètre les vêtements ; elle a le goût d’une salle où l’on a dîné ; elle pue le service, l’office, l’hospice. Peut-être pourrait-elle se décrire si l’on inventait un procédé pour évaluer les quantités élémentaires et nauséabondes qu’y jettent les atmosphères catarrhales et sui generis de chaque pensionnaire, jeune ou vieux. Eh bien, malgré ces plates horreurs, si vous le compariez à la salle à manger, qui lui est contiguë, vous trouveriez ce salon élégant et parfumé comme doit l’être un boudoir. Cette salle, entièrement boisée, fut jadis peinte en une couleur indistincte aujourd’hui, qui forme un fond sur lequel la crasse a imprimé ses couches de manière à y dessiner des figures bizarres. Elle est plaquée de buffets gluants sur lesquels sont des carafes échancrées, ternies, des ronds de moiré métallique, des piles d’assiettes en porcelaine épaisse, à bord bleus, fabriquées à Tournai. Dans un angle est placée une boîte à cases numérotées qui sert à garder les serviettes, ou tachées ou vineuses de chaque pensionnaires. Il s’y rencontre de ces meubles indestructibles, proscrits partout, mais placés là comme le sont les débris de la civilisation aux Incurables. Vous y verriez un baromètre à capucin qui sort quand il pleut, des gravures exécrables qui ôtent l’appétit, toutes encadrées en bois noir verni à filets dorés ; un cartel en écaille incrustée de cuivre ; un poêle vert, des quinquets d’Argand où la poussière se combine avec l’huile, une longue table couverte en toile cirée assez grasse pour qu’un facétieux externe y écrive son nom en se servant de son doigt comme de style, des chaises estropiées, de petits paillassons piteux en sparterie qui se déroule toujours sans se perdre jamais, puis des chaufferettes misérables à trous cassés, à charnières défaites, dont le bois se carbonise. Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une description qui retarderait trop l’intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas. Le carreau rouge est plein de vallées produites par le frottement ou par les mises en couleur. Enfin, là règne la misère sans poésie ; une misère économe, concentrée, râpée. Si elle n’a pas de fange encore, elle a des taches ; si elle n’a ni trous ni haillons, elle va tomber en pourriture. Balzac — Le Père Goriot
Elle se demanda ce qu’elle allait faire maintenant, cherchant une occupation pour son esprit, une besogne pour ses mains. Elle n’avait point envie de redescendre au salon auprès de sa mère qui sommeillait ; et elle songeait à une promenade, mais la campagne semblait si triste qu’elle sentait en son cœur, rien qu’à la regarder par la fenêtre, une pesanteur de mélancolie.Alors elle s’aperçut qu’elle n’avait plus rien à faire, plus jamais rien à faire. Toute sa jeunesse au couvent avait été préoccupée de l’avenir, affairée de songeries. La continuelle agitation de ses espérances emplissait, en ce temps-là, ses heures sans qu’elle les sentît passer. Puis, à peine sortie des murs austères où ses illusions étaient écloses, son attente d’amour se trouvait tout de suite accomplie. L’homme espéré, rencontré, aimé, épousé en quelques semaines, comme on épouse en ces brusques déterminations, l’emportait dans ses bras sans la laisser réfléchir à rien.Mais voilà que la douce réalité des premiers jours allait devenir la réalité quotidienne qui fermait la porte aux espoirs indéfinis, aux charmantes inquiétudes de l’inconnu. Oui, c’était fini d’attendre.Alors plus rien à faire, aujourd’hui, ni demain ni jamais. Elle sentait tout cela vaguement à une certaine désillusion, à un affaissement de ses rêves.Elle se leva et vint coller son front aux vitres froides. Puis, après avoir regardé quelque temps le ciel où roulaient des nuages sombres, elle se décida à sortir.Étaient-ce la même campagne, la même herbe, les mêmes arbres qu’au mois de mai ? Qu’étaient donc devenues la gaieté ensoleillée des feuilles, et la poésie verte du gazon où flambaient les pissenlits, où saignaient les coquelicots, où rayonnaient les marguerites, où frétillaient, comme au bout de fils invisibles, les fantasques papillons jaunes ? Et cette griserie de l’air chargé de vie, d’arômes, d’atomes fécondants n’existait plus.Les avenues, détrempées par les continuelles averses d’automne, s’allongeaient, couvertes d’un épais tapis de feuilles mortes, sous la maigreur grelottante des peupliers presque nus. Les branches grêles tremblaient au vent, agitaient encore quelque feuillage prêt à s’égrener dans l’espace. Et sans cesse, tout le long du jour, comme une pluie incessante et triste à faire pleurer, ces dernières feuilles, toutes jaunes maintenant, pareilles à de larges sous d’or, se détachaient, tournoyaient, voltigeaient et tombaient. Maupassant — Une vie
Je suis le premier qui ai fait descendre la poésie du Parnasse, et qui ai donné à ce qu’on nommait la muse, au lieu d’une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du cœur de l’homme, touchées et émues par les innombrables frissons de l’âme et de la nature. Alphone de Lamartine — Les Méditations poétiques
Le thème personnel et ses variations trop répétées ont épuisé l’attention ; l’indifférence s’en est suivie à juste titre ; mais s’il est indispensable d’abandonner au plus vite cette voie étroite et banale, encore ne faut-il s’engager en un chemin plus difficile et dangereux, que fortifié par l’étude et l’initiation. Ces épreuves expiatoires une fois subies, la langue poétique une fois assainie, les spéculations de l’esprit, les émotions de l’âme, les passions du cœur, perdront-elles de leur vérité et de leur énergie, quand elles disposeront de formes plus nettes et plus précises ? Rien, certes, n’aura été délaissé ni oublié ; le fonds pensant et l’art auront recouvré la sève et la vigueur, l’harmonie et l’unité perdues. Et plus tard, quand les intelligences profondément agitées se seront apaisées, quand la méditation des principes négligés et la régénération des formes auront purifié l’esprit et la lettre, dans un siècle ou deux, si toutefois l’élaboration des temps nouveaux n’implique pas une gestation plus lente, peut-être la poésie redeviendra-t-elle le verbe inspiré et immédiat de l’âme humaine. En attendant l’heure de la renaissance, il ne lui reste qu’à se recueillir et à s’étudier dans son passé glorieux.L’art et la science, longtemps séparés par suite des efforts divergents de l’intelligence, doivent donc tendre à s’unir étroitement, si ce n’est à se confondre. L’un a été la révélation primitive de l’idéal contenu dans la nature extérieure ; l’autre en a été l’étude raisonnée et l’exposition lumineuse. Mais l’art a perdu cette spontanéité intuitive, ou plutôt il l’a épuisée ; c’est à la science de lui rappeler le sens de ses traditions oubliées, qu’il fera revivre dans les formes qui lui sont propres. Leconte de Lisle — Poèmes antiques
Devant le péril aujourd’hui couru par l’homme, des poètes nous sont venus de tous les points de l’horizon français. Une fois de plus, la poésie mise au défi se regroupe, retrouve un sens précis à sa violence latente, crie, accuse, espère. Paul Eluard — L’Honneur des poètes
Son premier amour pour la poésie se convertit en une aversion profonde. Il se sevrait rigoureusement de toute lecture enivrante pour être certain de tuer en lui son inclination rebelle… Sainte-Beuve — Lettres de Sainte-Beuve à Victor Hugo et à Madame Victor Hugo
Accidents du mystère et fautes de calculs Célestes, j’ai profité d’eux, je l’avoue. Toute ma poésie est là : je décalque L’invisible (invisible à vous). J’ai dit : « inutile de crier, haut les mains ! » Au crime déguisé en costume inhumain ; J’ai donné le contour à des charmes informes ; Des ruses de la mort la trahison m’informe ; J’ai fait voir, en versant mon encre bleue en eux, Des fantômes soudain devenus arbres bleus. Jean Cocteau — Opéra
Vivement frappés du sentiment poétique qui y domine et de la teinte originale et religieuse de cette poésie, nous avons pensé que le public les accueillerait avec intérêt. […] Nous savons aussi qu’il y a au fond de l’âme humaine un besoin imprescriptible d’échapper aux tristes réalités de ce monde et de s’élancer dans les régions supérieures de la poésie et de la religion. Eugène Genoude — Avertissement au lecteur des Méditations poétiques