Accueil > Citations > Citations sur le rien
Il y a 260 citations sur le rien.
Mais parce que je n'avais rien compris à ce qu'il disait il était à moitié dans le coaltar, l'estropié, s'est énervée Suzie, en se rencognant contre la vitre. Tu me déçois, Aimé, tu me déçois tellement. François Chrétien — L'infortune des Lavertue
Alors, je dis "non" à tout le reste ! Un homme qui a un métier à exercer ne doit pas s'en laisser distraire pour aller faire la mouche du coche dans les affaires auxquelles il n'entend rien. Moi, j'ai un métier. J'ai à résoudre des problèmes précis, limités, qui sont de mon ressort, et dont souvent dépend l'avenir d'une vie humaine d'une famille, quelquefois. Roger Martin du Gard — Les Thibault
Je ne sais pas très bien, parce que les jeunes filles ça ne sait pas ce que ça veut, ça doit être pour ça, ça veut tout et rien, les choses et leur contraire à la fois. Marguerite Duras — Les petits chevaux de Tarquinia
Je crains l’entre chien et loup quand on ne cause point, et je me trouve mieux dans ces bois que dans une chambre toute seule : c’est ce qui s’appelle se mettre dans l’eau de peur de la pluie ; et je m’accommode mieux de la solitude que de l’ennui d’une chaise. Ne craignez point le serein, ma fille il n’y en a point dans les vieilles allées, ce sont des galeries ; ne craignez que la pluie extrême, car en ce cas il faut revenir, et je ne puis rien faire qui ne me fasse mal aux yeux. C’est pour conserver ma vue que je vais à ce que vous appelez le serein ; ne soyez en aucune peine de ma santé, je suis dans la très-parfaite. Madame de Sévigné — Lettre à Madame de Grignan
Et c’est fini, pour rien au monde nous n’entrerions plus, à l’heure qu’il est, entre chien et loup, dans ces maisons épouvantablement muettes, où l’on fait trop de macabres rencontres… Pierre Loti — Les derniers jours de Pékin
D'abord pour tout dire j’étais au taquet, je ne sentais plus rien justement. Comme le lecteur peut-être, je ne cherche pas à gonfler. J'avais besoin d'exaltation. Je pris par l'escalier dit du sous-sol. Collectif — La Nouvelle Revue Française
Je me rappelle le jour où j’ai compris que j’étais devenu adulte. Je vivais déjà avec Marie, nous avions Agustín depuis deux ou trois ans, je travaillais depuis des années comme je le fais toujours plus ou moins aujourd’hui, charpentier ici et là, bricoleur à droite et à gauche, électricien quand il faut, plombier ou même jardinier si on me le demande, ni trop souvent ni trop peu, juste ce qu’il faut pour maintenir le juste équilibre, rapporter à la maison ma part de revenus et me garder du temps à moi, ne pas me perdre tout entier en chantiers. Marie était déjà traductrice, traduisait déjà Lodoli et d’autres auteurs qu’elle aimait. C’est-à-dire que notre vie était déjà à peu près ce qu’elle est maintenant, et que nous en étions satisfaits, nous songions souvent que nous avions de la chance, nous nous plaisions à V., nous avions des amis, nous sentions que c’était un endroit où nous étions susceptibles de rester un bon moment encore, bref nous allions bien.Et un matin je me suis levé et je me suis dit que ça y est, tu es grand. J’ai réalisé qu’il fallait que j’arrête de me répéter ces mots, plus tard quand je serai grand. Que c’était fait : j’étais grand. Je l’étais devenus à mon insu. Sans que personne vienne me prévenir. J’ai compris qu’il n’y aurait pas d’épreuve. Pas de monstre à vaincre ni de noeud à trancher. Pas de coup de gong solennel. Pas de voix paternelle pour me souffler à l’oreille ces mots, c’est maintenant, t’y voilà. J’ai compris qu’il n’y aurait nulle ligne à franchir. Nul cap à passer. Nul obstacle à surmonter. Qu’être grand simplement désormais ce serait ça : la continuation de ce présent, de cette lente translation, de ce glissement presque imperceptible, seulement décelable à l’érosion de certaines de mes facultés, au grisonnement de mes tempes et de celles de Marie, à notre renoncement de plus en plus fréquent à telle ou telle folie qui autrefois nous aurait semblé le sel même de la vie, à la taille chaque année accrue d’Agustín, à son énergie toujours plus fascinante. À son appétit d’ogre lui aussi décidé à nous dévorer chaque jour un peu plus.J’ai réalisé qu’il ne se passerait rien. Qu’il n’y avait rien à attendre. Que toujours ainsi les semaines continueraient de passer, que le temps continuerait d’être cette lente succession d’années plus ou moins investies de projets, de désirs, d’enthousiasmes, de soirées plus ou moins vécues. De jours tantôt habités avec intensité, imagination, lumière, des jours pour ainsi dire pleins, comme on dit carton plein devant une cible bien truffée de plombs. Tantôt abandonnés de mauvais gré au soir venu trop tôt. Désertés par excès de fatigue ou de tracas. Perdus. Laissés vierges du moindre enthousiasme, De la moindre récréation, du moindre élan véritable. Jours sans souffle, concédés au soir trop tôt venu, à la nuit tombée malgré nos efforts pour différer notre défaite, et résignés alors nous marchons vers votre lit en nous jurant d’être plus rusés le lendemain – plus imaginatifs, plus éveillés, plus vivants. Sylvain Prudhomme — Par les routes – L’Arbalète
JULIETTE. – Ô Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet.ROMÉO, à part. – Dois-je l’écouter encore ou lui répondre ?JULIETTE. – Ton nom seul est mon ennemi. Tu n’es pas un Montague3, tu es toi-même. Qu’est-ce qu’un Montague ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d’un homme… Oh ! sois quelque autre nom ! Qu’y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s’appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu’il possède… Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière.ROMÉO. – Je te prends au mot ! Appelle-moi seulement ton amour et je reçois un nouveau baptême : désormais je ne suis plus Roméo.JULIETTE. – Quel homme es-tu, toi qui, ainsi caché par la nuit, viens de te heurter à mon secret ?ROMÉO. – Je ne sais par quel nom t’indiquer qui je suis. Mon nom, sainte chérie, m’est odieux à moi-même, parce qu’il est pour toi un ennemi : si je l’avais écrit là, j’en déchirerais les lettres.JULIETTE. – Mon oreille n’a pas encore aspiré cent paroles proférées5 par cette voix, et pourtant j’en reconnais le son. N’es-tu pas Roméo et un Montague ?ROMÉO. – Ni l’un ni l’autre, belle vierge, si tu détestes l’un et l’autre.JULIETTE. — Comment es-tu arrivé jusqu’ici, dis-le moi, et qu’y viens-tu faire? Les murs du verger sont élevés et difficiles à escalader. Songe qui tu es; ces lieux sont pour toi la mort si quelqu’un de mes parents vient à t’y rencontrer.ROMÉO. — Des ailes légères de l’amour j’ai volé sur le haut de ces murailles; car des barrières de pierre ne peuvent exclure l’amour; et tout ce que l’amour peut faire, l’amour ose le tenter: tes parents ne sont donc point pour moi un obstacle.JULIETTE. — S’ils te voient, ils te tueront. William Shakespeare — Roméo et Juliette
Assieds-toi. Sois patient. Et les bombes ? Assieds-toi. Nous ne pouvons plus rien faire. Albert Camus — Les Justes
« Cet homme a raison, il n'y a rien au-dessus de la jouissance, peu importe la façon de se la procurer. » Voilà qui paraît terriblement immoral et, en effet, n'est guère autre chose au fond cette formule revient au Carpe diem du poète, qui proclame l'incertitude de la vie et la vanité du renoncement au nom de la vertu. Sigmund Freud — Le Mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient
Le roi des colombesLes colombes se cherchaient un seigneur.Comme roi, elles choisirent un autour,afin qu’il leur causât moins de mauxet qu’il les protégeât des autres.Mais, quand il fut devenu leur seigneuret qu’il eut obtenu tout pouvoir sur elles,il se mit à tuer et dévorertoutes celles qui s’approchaient de lui.Voilà pourquoi une des colombes prit la paroleet dit ainsi à ses compagnes :« Quelle grave erreur, dit-elle, nous avons commisequand nous avons choisi l’autour comme roi,lui qui nous tue jour après jour.Mieux aurait valu rester pour toujourssans seigneur plutôt que d’avoir celui-ci.Auparavant, nous nous méfiions soigneusement de luiet n’avions à redouter que ses pièges ;depuis que nous l’avons fait venir parmi nous,c’est au grand jour qu’il a commisles actes qu’il faisait auparavant en cachette. »Cette fable s’adresse à la plupart,qui choisissent des seigneurs mauvais.Il commet une grave erreurcelui qui se place sous la couped’un homme cruel ou sans parole :il n’en retirera rien sinon du déshonneur. Marie de France — Le roi des colombes (Traduit par Baptiste Laïd)
En une demi-heure, elle me raconte sa vie : russe, jamais mariée, nombreux voyages, toute l’Europe ou presque. (Apollinaire m’apparaît soudain ayant hérité en imagination de ce vagabondage). Apollinaire né à Rome. Elle ne me dit rien du père. Elle me parle de l’homme avec lequel elle vit depuis vingt-cinq ans, son ami, un Alsacien, grand joueur, tantôt plein d’argent, tantôt sans un sou […] Elle me dépeint Apollinaire comme un fils un peu tendre, intéressé, souvent emporté… Paul Léautaud — Journal
Un écrivain, à ce niveau-là, c'est une catastrophe pour les foyers, c'est-à-dire l'Ecole, c'est-à-dire l'Etat, c'est-à-dire la politique du sommeil en tas. Que peut la littérature? Rien en termes de progrès et d'arrangements, tout en termes de vérité. Philippe Sollers — Théorie des exceptions
Pendant trente ans il a caressé le rêve insensé de vivre aux champs, de posséder des terres où il ferait bâtir le château de ses songes. Rien ne lui a coûté pour contenter son caprice de grand seigneur ; il s’est imposé les plus dures privations : on l’a vu, pendant trente ans, se refuser une prise de tabac et une tasse de café, empilant gros sous sur gros sous. Aujourd’hui, il a assouvi sa passion. Il vit un jour sur sept dans l’intimité de la poussière et des cailloux. Il mourra content. Émile Zola — Les Parisiens en villégiature
Sans doute faudra-t-il reparcourir le chemin en arrière, revenir aux après-midi éperdus de vos dix ans – vos premières embuscades, vos premiers coups. Vos secrets serrés dans de petits papiers. Rebrousser chemin vers ce noir impalpable de l’enfance qui vous fait pleurer sans bruit. Recoller une à une les images de tout petits morceaux de vies, vibrations au ralenti : balançoire, trahison, chute, léger vertige, juxtaposition de certitudes dégrafées au réel. Au final, il ne vous reste dans la main presque rien, une poignée de souvenirs, quelques lieux, deux trois prénoms – au milieu quelque part se trouve votre nom, chuchoté tout bas. Ce nom-là ne vous appartient pas, vous ne le connaissez pas. Il nous fonde et vous traverse. Certains appellent ça l’inconscient. D’autres encore n’y croient pas. Vous croyez l’entrevoir, mais c’est lui qui vous regarde. Anne Dufourmantelle — Éloge du risque
Ce salaud d’Arthur ! C’était bien la faute d’Arthur si elle était là. Elle aurait beau se dorer la pilule, c’était du chantage, et rien d’autre. Elle eut un accès de panique et songea à reprendre le chemin de l’hôtel, où un type sympathique l’attendait au bar. Day Keene — Le poil roussi
Ils ne se sont jamais rencontrés, ne sont pas fichés par ailleurs, inconnus des services de police, enfin rien ne paraît faire sens. Mais rien ne paraît faire sens, depuis le début, dans ce dossier. Michel Houellebecq — Anéantir
En guise de programme nocturne, je pilai deux Lexomil. J’appelai Édouard avant de me les enfiler. C’était mon meilleur ami et je ne lui avais encore rien dit. Ce n’était pas logique tout ça. J’étais allé faire le petit chez mes parents et Édouard se dorait encore la pilule sous la fausse idée de mon bonheur. Était-ce encore mon meilleur ami ? Pourquoi le voyais-je moins ? David Foenkinos — Inversion de l’idiotie
[…] il se mit en condition avec la même concentration mentale qu'avant un combat, et lorsqu'ils descendirent du train, à Brick Church Station, ce dimanche-là, il alla jusqu'à mobiliser les formules qu'il se psalmodiait presque magiquement dans les secondes précédant le gong « La tâche à accomplir, rien que la tâche. Ne faire qu'un avec la tâche. Interdit de penser à autre chose. » Philip Roth — La tache
A Puréesiana les murs ont des oreilles et rien n’est plus drôle que d’entendre les artistes se débiner les uns les autres dans les loges : c’est l’hôpital qui se moque de la charité. L’Art lyrique et le music-hall (revue) — 1896