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Le temps est un grand maître. Le malheur est qu'il tue ses élèves. Bouddha
Le petit Hans avait beaucoup d'amis, mais le plus dévoué de tous était le grand Hugh le meunier. Vraiment, le riche meunier était si dévoué au petit Hans qu'il ne serait jamais allé à son jardin sans se pencher sur les plates-bandes, sans y cueillir un gros bouquet ou une poignée de salades succulentes ou sans y remplir ses poches de prunes ou de cerises selon la saison. - De vrais amis possèdent tout en commun, avait l'habitude de dire le meunier. Et le petit Hans approuvait de la tête, souriait et se sentait tout fier d'avoir un ami qui pensait de si nobles choses. Parfois, cependant, le voisinage trouvait étrange que le riche meunier ne donnât jamais rien en retour au petit Hans, quoi qu'il eut cent sacs de farine emmagasinés dans son moulin, six vaches laitières et un grand nombre de bêtes à laine ; mais Hans ne troubla jamais sa cervelle de semblables idées. Rien ne lui plaisait davantage que d'entendre les belles choses que le meunier avait coutume de dire sur la solidarité des vrais amis. Oscar Wilde — Le prince heureux, le géant égoïste et autres contes
L'homme qui est resté longtemps absent et qui revient de loin sain et sauf, ses parents, ses amis, ses alliés lui souhaitent la bienvenue quand il arrive. Il en est de même de l'être qui a fait le bien; lorsqu'il s'en est allé de ce monde dans l'autre, ses mérites l'accueillent comme des parents un être cher à son retour. Bouddha — Le Bouddha Dhammapada - Les stances de la loi
Les yeux du Prince Heureux étaient emplis de larmes, et des larmes coulaient le long de ses joues d'or. Sous la lumière de la lune, son visage était si beau que le petit martinet se sentit envahi de pitié. «Qui êtes-vous ? demanda-t-il. - Je suis le Prince Heureux. - Alors pourquoi pleurez-vous ? demanda le Martinet. Vous m'avez complètement trempé. - Lorsque j'étais en vie et que je possédais un cœur d'homme, répondit la statue, j'ignorais ce que c'était que les larmes car je vivais au palais de Sans-Souci, où le chagrin n'a pas le droit de pénétrer. Pendant le jour je jouais dans le jardin avec mes compagnons, le soir je menais le bal dans le Grand Salon. Le jardin était ceint d'un mur fort imposant, mais jamais je ne me souciai de demander ce qui se trouvait derrière. Tout était si beau autour de moi ! Mes courtisans m'appelaient le Prince Heureux, et si le bonheur n'est rien d'autre que le plaisir, oui, j'étais heureux. Ainsi je vécus, ainsi je mourus. Et maintenant que je suis mort, on m'a installé ici, tellement haut que je peux voir toute la laideur et toute la misère de ma ville. Mon cœur a beau être fait de plomb, comment ne pleurerais-je ?» Oscar Wilde — Le prince heureux, le géant égoïste et autres contes
Tout comme sa sœur sanskrite, la poésie pâli se définit par des mètres et des figures de style, mais le caractère le plus saillant par rapport à la prose est sans doute le recours à la comparaison. Indiquée mais pas toujours par des opérateurs spécifiques au premier rang desquels la particule "va" (sanskrit "iva", comme), la comparaison obéit à des conventions qui en définissent le caractère: le comparé et le comparant doivent être grammaticalement de même genre, de même nombre, de même cas, si la figure doit être pleine; que l'un de ses caractères manque, elle est "lupta", déficiente, etc. - des exigences qui contraignent le traducteur français, mais pas le traducteur allemand ou anglais, à recourir à la périphrase "l'astre lunaire", masculin, pour éviter la Lune, lorsque celle-ci est le comparant d'un être masculin (§172, §173, §208, §413 du Dhammapada) Bouddha — Le Bouddha Dhammapada - Les stances de la loi
Comme tous les gens qui cherchent à épuiser un sujet, il épuisa ses auditeurs. Oscar Wilde — Le portrait de Dorian Gray
Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence. Sans aliénation, vivez autant que possible en bons termes avec toutes personnes. Dites doucement mais clairement votre vérité. Ecoutez les autres, même les simples d'esprit et les ignorants: ils ont eux aussi leur histoire. Evitez les individus bruyants et agressifs: ils sont une vexation pour l'esprit. Ne vous comparez avec personne : il y a toujours plus grands et plus petits que vous. Jouissez de vos projets aussi bien que de vos accomplissements. Ne soyez pas aveugle en ce qui concerne la vertu qui existe. Soyez vous-même, j Surtout n'affectez pas l'amitié. Non plus ne soyez cynique en amour car il est, en face de tout désenchantement, aussi éternel que l'herbe. Prenez avec bonté le conseil des années en renonçant avec grâce à votre jeunesse. Fortifiez-vous une puissance d'esprit pour vous protéger en cas de malheur soudain. Mais ne vous chagrinez pas avec vos chimères. De nombreuses peurs naissent de la fatigue et de la solitude. Au-delà d'une discipline saine, soyez doux avec vous-même. Vous êtes un enfant de l'univers. Pas moins que les arbres et les étoiles. Vous avez le droit d'être ici. Et, qu 'il vous soit clair ou non, l'univers se déroule sans doute comme il le devait. Quels que soient vos travaux et vos rêves, gardez, dans le désarroi bruyant de la vie, la paix de votre cœur. Avec toutes ses perfidies et ses rêves brisés, le monde est pourtant beau. Texte Anonyme Jean d'Ormesson — Comme un chant d'espérance
Et il se jetait sur le gazon, plongeait son visage dans ses mains et pleurait. - Pourquoi pleure-t-il ? demandait un petit lézard vert, comme il courait près de lui, sa queue en l'air. - Mais pourquoi ? disait un papillon qui voletait à la poursuite d'un rayon de soleil. - Mais pourquoi donc ? murmura une pâquerette à sa voisine d'une douce petite voix. - Il pleure à cause d'une rose rouge. - À cause d'une rose rouge. Comme c'est ridicule ! Et le petit lézard, qui était un peu cynique, rit à gorge déployée. Mais le rossignol comprit le secret des douleurs de l'étudiant, demeura silencieux sur l'yeuse et réfléchit au mystère de l'amour. ("Le rossignol et la rose") Oscar Wilde — Le prince heureux, le géant égoïste et autres contes
Il était le second Adam. Le premier avait légué au monde le péché originel. Lui portait sur ses épaules le poids écrasant du péché perpétuel. p174 Jean d'Ormesson — Histoire du Juif errant
Non, vous ne le croyez pas encore. Un jour, lorsque vous serez vieux, flétri, laid, lorsque la pensée aura creusé ses rides sur votre front, que les jeux horribles de la passion auront brûlé vos lèvres, alors vous le comprendrez, vous le sentirez cruellement. Maintenant, où que vous alliez, vous enchantez le monde. En sera-t-il toujours ainsi ?... Vous avez un visage merveilleusement beau, M. Gray. Ne protestez pas. C'est la vérité. Et la beauté est une forme de génie, elle est même supérieure au génie, puisqu'elle se passe d'explication. Elle est une des grandes merveilles du monde, comme l'éclat du soleil, la naissance du printemps ou le reflet, dans les eaux de la nuit, de cette conque d'argent que nous nommons la lune. On ne saurait la mettre en question. Elle est souveraine de droit divin. Ceux qui la possèdent sont princes. Vous souriez ? Ah, quand vous l'aurez perdue vous ne sourirez plus... On dit souvent que la beauté n'est que superficielle. C'est possible. Mais du moins, elle n'est pas aussi superficielle que la pensée. Pour moi, la beauté est la merveille des merveilles. Il n'y a que les esprits légers pour ne pas juger selon les apparences. Le vrai mystère du monde, c'est le visible et non l'invisible... Oui, M. Gray, les dieux ont été bons pour vous. Mais les dieux reprennent vite leurs dons. Vous n'avez que quelques années à vivre, réellement, pleinement, intensément. Votre jeunesse s'en ira, votre beauté aussi, et alors s'ouvrira l'ère des triomphes médiocres. Le souvenir de votre passé vous les rendra plus amers que des défaites. Chaque mois qui s'écoule vous rapproche de quelque chose d'effroyable. Le temps est jaloux de vous, et s'acharne sur vos lys et vos roses. Votre teinte jaunira, vos joues se creuseront, votre regard s'éteindra. Vous souffrirez horriblement... Ah ! réalisez votre jeunesse aussi longtemps qu'elle est à vous. Ne gaspillez pas l'or de vos jours à écouter des fadaises, à tenter de soulager une misère irrémédiable. Ne consacrez pas votre vie à des individus ignorants, communs et vulgaires. Défiez-vous des aspirations malsaines, des faux idéaux de notre temps. Vivez ! Vivez la vie merveilleuse qui est en vous. Ne laissez rien perdre de vos possibilités. Soyez toujours à la recherche de sensations nouvelles. N'ayez peur de rien... Un nouvel hédonisme, voilà ce qu'il faut à notre siècle. Vous pouvez en devenir le vivant symbole. Il n'est rien que votre personnalité ne vous permette d'accomplir : le monde est à vous pour une saison. Dès l'instant où je vous ai rencontré, j'ai compris que vous ignoriez vos dons et leurs immenses possibilités. Tant de choses me charmaient en vous qu'il me fallait vous entretenir de vous-même. J'ai pensé qu'il serait tragique de vous laisser ainsi perdre votre jeunesse, car elle durera peu de temps. Les simples fleurs des collines se fanent mais fleuriront de nouveau. Ce cytise sera aussi doré en juin prochain que maintenant. Dans un mois, cette clématite se couvrira d'étoiles pourpres qui tous les ans illumineront de nouveau la nuit vert sombre de ses feuilles. Mais votre jeunesse ne recommencera pas. Le rythme joyeux de nos vingt ans s'évanouit insensiblement. Nos membres faiblissent, nos sens s'épuisent. Nous dégénérons en d'horribles pantins, hantés par le souvenir de passions effrayantes, de tentations adorables auxquelles nous n'avons pas osé céder. Jeunesse ! Il n'est rien au monde que la jeunesse ! p. 46 Edition Pocket Classiques Oscar Wilde — Le portrait de Dorian Gray
Et, jouant avec la vieille canne, décolorée par le temps, entamée par la vie, qu'il faisait rouler entre ses mains noueuses, il se remit à parler. Et, soir après soir, dans le plus beau salon du monde, sous les étoiles de la nuit qui jetaient leur lueur sur le bassin de Saint-Marc et le palais des Doges, il nous raconta, à Marie et à moi, tout ce que je viens de vous raconter. Et tout ce que je vais encore, si vous avez un peu de temps pour écouter des fables qui ressemblent à des choses vraies, ou peut-être plutôt des choses vraies qui ressemblent à des fables, vous raconter maintenant. p176 Jean d'Ormesson — Histoire du Juif errant
- Lord Henry, je voudrais que vous m'appreniez à redevenir jeune. Il réfléchit un instant. - Vous rappelez-vous, madame, quelque grave erreur que vous auriez commise dans votre jeune temps ? lui demanda-t-il en la regardant par-dessus la table. - Des quantités, je le crains, s'écria-t-elle. - Eh bien, recommencez, dit-il sérieusement. Pour retrouvez sa jeunesse, il suffit de réitérer ses folies. Oscar Wilde — Le portrait de Dorian Gray
Il y a quelque chose de mieux que de s'agiter : c'est de s'ennuyer. J'écrirais volontiers un éloge de la paresse et de l'ennui. L'ennui est cet état béni où l'esprit désoccupé aspire à faire sortir du néant quelque chose d'informe et déjà d'idéal qui n'existe pas encore. L'ennui est la marque en creux du talent, le tâtonnement du génie. Voyager n'est pas mal. Le succès, c'est très bien. Etre heureux, qui ne le souhaite? S'ennuyer est bien mieux. C'est quand vous êtes perdu que vous commencez à être sauvé. La vie la plus banale, allumer un feu dans une cheminée, se promener dans les bois - Rousseau avait besoin de marcher pour aiguiser ses idées -, ronger son frein et son coeur parce qu'on n'est bon à rien, maudire le monde autour de soi, s'abandonner aux songes, ou,mieux encore ne rien faire du tout, ou, en tout cas le moins possible - avant, bien sûr de se jeter dans le travail à corps perdu -, peut mener autrement loin. Jean d'Ormesson — Qu'ai-je donc fait ?
Un beau jour vous regarderez votre jeune ami et vous trouverez que ses lignes ne sont pas aussi harmonieuses, ou bien vous n’aimerez plus sa nuance, ou un autre détail. Vous lui en voudrez amèrement, au fond de votre cœur, et vous serez convaincu qu’il a fort mal agi envers vous. A sa prochaine visite, vous serez parfaitement froid et indifférent. Ce sera bien dommage, car vous aurez changé. Oscar Wilde — Le portrait de Dorian Gray
Phrases trouvées dans un reportage : - Voilà ce que je suis, un miracle à des milliards et des milliards d'exemplaires. - Tant qu'il y aura des livres, des gens pour en écrire et des gens pour en lire tout ne sera pas perdu dans ce monde qu'en dépit de ses tristesses et de ses horreurs nous avons tant aimé. - Mourir ne me dérange pas. Je suis juste ennuyé par la perspective de ne plus pouvoir savoir ce qui va se passer. Jean d'Ormesson
Et maintenant, dit Bouddha à ses disciples, au moment de mourir : "A l'avenir, soyez votre propre lumière, votre propre refuge. N'allez en quête de refuge qu'auprès de vous-même. Ne vous occupez pas des façons de penser des autres. Tenez-vous bien dans votre île à vous. Collés à la contemplation Bouddha
L'argent tombe sur le monde, comme une vérole sur le pauvre peuple, bien après la pensée, bien après l'émotion, le cri, le rire, la parole, et après l'écriture. Maintenant qu'il est là, et bien là, il est difficile de s'en passer. Sa suppression entraînerait des souffrances plus grandes que ses excès. Qu'on le veuille ou non, il est devenu une espèce de malédiction âprement recherchée. Poussons le bouchon un peu loin : il est la forme prise par le mal pour se faire adorer. L'argent, écrit Cioran, a ruiné le monde. Pendant des milliards d'années, il n'y a pas de mal dans l'univers. Le mal naît avec la pensée. Il prospère avec l'argent. Jean d'Ormesson — Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit
— C'est une charmante chose, m'écriai-je, mais quel est ce merveilleux jeune homme dont l’art nous a si heureusement conservé la beauté ? — C’est le portrait de monsieur W. H., dit Erskine avec un triste sourire. Ce peut être un effet de lumière dû au hasard, mais il me sembla que des larmes brillaient dans ses yeux. — Monsieur W. H. ! m’écriai-je. Qui donc est monsieur W. H. ? — Ne vous souvenez-vous pas ? répondit-il. Regardez le livre sur lequel reposent ses mains. — Je vois qu’il y a là quelque chose d’écrit, mais je ne puis le lire, répliquai-je. — Prenez cette loupe grossissante et essayez, dit Erskine sur les lèvres de qui se jouait toujours le même sourire de tristesse. Je pris la loupe et approchant la lampe un peu plus près, je commençai à épeler l’âpre écriture du seizième siècle : "À l’unique acquéreur des sonnets ci-après". — Dieu du ciel ! m’écriai-je. C’est le monsieur W. H., de Shakespeare. — Cyril Graham prétendait qu’il en était ainsi, murmura Erskine. — Mais il n’a pas la moindre ressemblance avec lord Pembroke, répondis-je. Je connais très bien les portraits de Penhurst. J’ai demeuré tout près de là il y a quelques semaines. — Alors vous croyez vraiment que les sonnets sont adressés à lord Pembroke ? demanda-t-il. Oscar Wilde — Le portrait de Mr. W.H.
Beaucoup de définitions ont été données du bourgeois. Il est réservé et il a des réserves. Il ne s'engage jamais tout entier. Il a plus d'intérêts que d'idéal. Il aime le confort et il est conformiste. Il est prudent, sûr de lui, parfois chafouin, affolé de culture, près de ses sous. Il se réclame d'un passé d'ailleurs plutôt récent, d'un art souvent moderne pour essayer de donner le change, de la tradition, de la beauté. Il tente toujours de passer pour audacieux, mais il craint l'avenir, les artistes et l'amour. Il est plus familier des banques et des assurance que de l'agriculture et de la pêche en haute mer. Tout tient en seul mot : l'argent. Jean d'Ormesson — Et moi, je vis toujours
Le petit prince, qui assistait à l'installation d'un bouton énorme, sentait bien qu'il en sortirait une apparition miraculeuse, mais la fleur n'en finissait pas de se préparer à être belle, à l'abri de sa chambre verte. Elle choisissait avec soin ses couleurs. Chapitre VIII. Antoine de Saint-Exupéry — Le Petit Prince