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Il y a 48 citations sur le triste.
J’ai fait un voyage sur le plus beau bateau qui ait jamais été construit ; particularité étrange, à bord de ce transatlantique, passagers et hommes d’équipage étaient à cheval !Le capitaine, cavalier émérite, montait un pur-sang de courses, il portait un costume de chasse et sonnait du cor pour diriger la manœuvre, quant à moi, ayant horreur de l’équitation, j’avais pu obtenir de passer mes journées sur le cheval de bois de la salle de gymnastique. Nous débarquâmes sur une terre nouvelle où les chevaux étaient inconnus ; les indigènes prirent pour un animal à deux têtes les passagers montés de notre navire, ils n’osèrent s’en approcher en proie à la terreur ; moi seul, reconnu semblable à ces êtres primitifs, je fus fait prisonnier par eux. C’est de la prison ou l’on m’enferma que j’écrivis les lignes qui vont suivre. Cette prison était une île absolument déserte le jour, mais la nuit, les habitants d’une grande ville continentale ou le mariage et l’union libre étaient également défendus, s’y donnaient rendez-vous pour faire d’amour, j’ai pù ainsi rapporter de mon exil la plus splendide collection de peignes de femmes qui soit au monde, depuis le triste celluloïd jusqu’à l’écaille la plus transparente, couverte de pierres précieuses. J’ai offert cette collection à l’un de mes oncles, conchyliologiste distingué, chez lequel elle fait pendant à une vitrine de coquillages indiens. Francis Picabia — Jésus-Christ Rastaquouère
La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivresD’être parmi l’écume inconnue et les cieux !Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeuxNe retiendra ce coeur qui dans la mer se trempeÔ nuits ! ni la clarté déserte de ma lampeSur le vide papier que la blancheur défendEt ni la jeune femme allaitant son enfant.Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,Lève l’ancre pour une exotique nature !Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufragesPerdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots…Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots ! Stéphane Mallarmé — Brise marine
Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmuresEt d’un grand crucifix décoré seulement, Où la prière en pleurs s’exhale des orduresEt d’un rayon d’hiver traversé brusquement Baudelaire — Phares
Le printemps maladif a chassé tristementL’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide,Et, dans mon être à qui le sang morne présideL’impuissance s’étire en un long bâillement.Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâneQu’un cercle de fer serre ainsi qu’un vieux tombeauEt triste, j’erre après un rêve vague et beau,Par les champs où la sève immense se pavanePuis je tombe énervé de parfums d’arbres, las,Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,Mordant la terre chaude où poussent les lilas,J’attends, en m’abîmant que mon ennui s’élève…– Cependant l’Azur rit sur la haie et l’éveilDe tant d’oiseaux en fleur gazouillant au soleil. Mallarmé — Renouveau
Deux royaux cors de chasse ont encore un duo Aux échos, Quelques fusées reniflent s’étouffer là-haut !Allez, allez, gens de la noce, Qu’on s’ en donne une fière bosse !Et comme le jour naît, que bientôt il faudra, A deux bras, Peiner, se recrotter dans les labours ingrats,Allez, allez, gens que vous êtes, C’est pas tous les jours jour de fête !Ce violon incompris pleure au pays natal, Loin du bal, Et le piston risque un appel vers l’idéal…Mais le flageolet les rappelle Et allez donc, mâl’s et femelles !Un couple erre parmi les rêves des grillons, Aux sillons ; La fille écoute en tourmentant son médaillon.Laissez, laissez, ô cors de chasse, Puisque c’est le sort de la race.Les beaux cors se sont morts; mais cependant qu’au loin, Dans les foins, Crèvent deux rêves niais, sans maire et sans adjoint.Pintez, dansez, gens de la terre, tout est un triste et vieux mystère.-Ah ! Le premier que prit ce besoin insensé De danser Sur ce monde enfantin dans l’inconnu lancé !Ô terre, ô terre, ô race humaine, Vous me faites bien de la peine. Jules Laforgue — « Complainte du soir des comices agricoles »
Elle était gaie, jolie, intelligente, et surtout, surtout, elle avait une voix charmante, j'ai toujours été sensible à la voix. Je n'ai pas d'oreille et il y a entre moi et la musique un malentendu triste et résigné. Mais je suis étrangement sensible aux voix de femmes. Romain Gary — La promesse de l'aube
Voici venir les temps où vibrant sur sa tigeChaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ;Valse mélancolique et langoureux vertige !Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige ;Valse mélancolique et langoureux vertige !Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige,Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,Du passé lumineux recueille tout vestige !Le soleil s’est noyé dans son sang qui se figeTon souvenir en moi luit comme un ostensoir ! Charles Baudelaire — Harmonie du soir
Elle savait qui achetait sa marchandise pour l'hôpital ou pour le cimetière, ou pour les parents, surtout à la Sainte-Marie et à la Saint-Jean, ou pour une belle, ou par gaieté parce qu'il faisait beau, ou au contraire parce qu'il faisait triste, ou parfois même par amour des fleurs. Elle aimait le petit bar où elle buvait à midi un café express et où on lui laissait sortir d'un journal sa nourriture odorante. Marguerite Yourcenar — Denier du rêve
Il reste à parler d'un état de l'âme qui, ce nous semble, n'a pas encore été bien observé : c'est celui qui précède le développement des passions, lorsque nos facultés, jeunes, actives, entières, mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes, sans but et sans objet. Plus les peuples avancent en civilisation, plus cet état du vague des passions augmente ; car il arrive alors une chose fort triste : le grand nombre d'exemples qu'on a sous les yeux, la multitude de livres qui traitent de l'homme et de ses sentiments rendent habile sans expérience. On est détrompé sans avoir joui ; il reste encore des désirs, et l'on n'a plus d'illusions. L'imagination est riche, abondante et merveilleuse ; l'existence pauvre, sèche et désenchantée. On habite avec un cœur plein un monde vide, et sans avoir usé de rien on est désabusé de tout. Chapitre IX — 2e partie
Qu'il ne m'eût pas donné, par ce triste attentat / Un gage trop certain des malheurs de l'Etat / Son crime seul n'est pas ce qui me désespère. Racine — Britannicus
Alors lui me répondit avec un air de reproche triste « Au moins, vous savez bien, frère, que je suis changé maintenant et qu'il y a quelque chose qui est bien fini ce n'est pas de cela que vous voulez parler ? » Et, moi, je serrai la main de mon frère Yves, en essayant de sourire comme quelqu'un qui aurait tout à fait confiance. Pierre Loti — Mon frère Yves
Je fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d’une grive perchée sur la plus haute branche d’un bouleau. À l’instant, ce son magique fit reparaître à mes yeux le domaine paternel ; j’oubliai les catastrophes dont je venais d’être le témoin, et, transporté subitement dans le passé, je revis ces campagnes où j’entendis si souvent siffler la grive. Quand je l’écoutais alors, j’étais triste de même aujourd’hui ; mais cette première tristesse était celle qui naît d’un désir vague de bonheur, lorsqu’on est sans expérience ; la tristesse que j’éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et jugées. Le chant de l’oiseau dans les bois de Combourg m’entretenait d’une félicité que je croyais atteindre ; le même chant dans le parc de Montboissier me rappelait des jours perdus à la poursuite de cette félicité insaisissable. Je n’ai plus rien à apprendre, j’ai marché plus vite qu’un autre, et j’ai fait le tour de la vie. François René de Chateaubriand — Mémoires d’outre-tombe
RODRIGUE — Percé jusques au fond du cœurD’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,Misérable vengeur d’une juste querelle,Et malheureux objet d’une injuste rigueur,Je demeure immobile, et mon âme abattueCède au coup qui me tue.Si près de voir mon feu récompensé,Ô Dieu, l’étrange peine !En cet affront mon père est l’offensé,Et l’offenseur le père de Chimène !Que je sens de rudes combats !Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse :Il faut venger un père, et perdre une maîtresse :L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,Ou de vivre en infâme,Des deux côtés mon mal est infini.Ô Dieu, l’étrange peine !Faut-il laisser un affront impuni ?Faut-il punir le père de Chimène ? Pierre Corneille — Le Cid
Qu'un vain scrupule à ma flamme s'oppose,Je ne le puis souffrir aucunement,Bien que chacun en murmure et nous glose;Et c'est assez pour perdre votre amant.Si j'avais bruit de mauvais garnement,Vous me pourriez bannir à juste cause;Ne l'ayant point, c'est sans nul fondementQu'un vain scrupule à ma flamme s'oppose.Que vous m'aimiez, c'est pour moi lettre close;Voire on dirait que quelque changementA m'alléguer des raisons vous dispose:Je ne le puis souffrir aucunement.Bien moins pourrais vous conter mon tourment,N'ayant pas mis au contrat cette clause;Toujours ferai l'amour ouvertement,Bien que chacun en murmure et nous glose.Ainsi s'aimer est plus doux qu'eau de rose:Souffrez-le donc, Philis, car, autrement,Loin de vos yeux je vais faire une pose,Et c'est assez pour perdre votre amant.Pourriez-vous voir ce triste éloignement?De vos faveurs doublez plutôt la dose.Amour ne veut tant de raisonnement:Ce point d'honneur, ma foi, n'est autre choseQu'un vain scrupule. Jean de La Fontaine — Rondeau redoublé
À la poste d’hier tu télégraphieras que nous sommes bien morts avec les hirondelles. Facteur triste facteur un cercueil sous ton bras va-t’en porter ma lettre aux fleurs à tire d’elle. La boussole est en os mon cœur tu t’y fieras. Quelque tibia marque le pôle et les marelles pour amputés ont un sinistre aspect d’opéras. Que pour mon épitaphe un dieu taille ses grêles ! C’est ce soir que je meurs, ma chère Tombe-Issoire, Ton regard le plus beau ne fut qu’un accessoire de la machinerie étrange du bonjour. Adieu ! Je vous aimai sans scrupule et sans ruse, ma Folie-Méricourt, ma silencieuse intruse. Boussole à flèche torse annonce le retour. Robert Desnos — Les Gorges froides
Il était une fois un meunier qui possédait un moulin, un âne et un chat et avait trois fils. Lorsqu’il mourut, il laissa en testament le moulin à son fils ainé, l’âne au second, et le chat au plus jeune. Ce dernier se sentait défavorisé et se demandait bien ce qu’il ferait avec seulement un chat.Le chat, qui entendait cela lui dit d’un air posé et sérieux : Ne soyez pas triste, mon maître ; vous n’avez qu’à me donner un sac et me faire faire une paire de bottes pour aller aux champs, et vous verrez que vous n’êtes pas si mal lotis que vous le croyez. Charles Perrault — Le Chat Botté
Ô souvenirs ! printemps ! aurore !Doux rayon triste et réchauffant !- Lorsqu'elle était petite encore,Que sa sœur était tout enfant... - Connaissez-vous, sur la collineQui joint Montlignon à Saint-Leu,Une terrasse qui s'inclineEntre un bois sombre et le ciel bleu ? Victor Hugo — Ô souvenirs ! printemps ! aurore !
Moi j’ai des cheveux blancs au front, et je vous dis :C’est bien. L’homme est viril et fort qui se décideA changer sa fin triste en un fier suicide ;Qui sait tout abdiquer, hormis son vieil honneur ; Victor Hugo — L'Année terrible
Elle se demanda ce qu’elle allait faire maintenant, cherchant une occupation pour son esprit, une besogne pour ses mains. Elle n’avait point envie de redescendre au salon auprès de sa mère qui sommeillait ; et elle songeait à une promenade, mais la campagne semblait si triste qu’elle sentait en son cœur, rien qu’à la regarder par la fenêtre, une pesanteur de mélancolie.Alors elle s’aperçut qu’elle n’avait plus rien à faire, plus jamais rien à faire. Toute sa jeunesse au couvent avait été préoccupée de l’avenir, affairée de songeries. La continuelle agitation de ses espérances emplissait, en ce temps-là, ses heures sans qu’elle les sentît passer. Puis, à peine sortie des murs austères où ses illusions étaient écloses, son attente d’amour se trouvait tout de suite accomplie. L’homme espéré, rencontré, aimé, épousé en quelques semaines, comme on épouse en ces brusques déterminations, l’emportait dans ses bras sans la laisser réfléchir à rien.Mais voilà que la douce réalité des premiers jours allait devenir la réalité quotidienne qui fermait la porte aux espoirs indéfinis, aux charmantes inquiétudes de l’inconnu. Oui, c’était fini d’attendre.Alors plus rien à faire, aujourd’hui, ni demain ni jamais. Elle sentait tout cela vaguement à une certaine désillusion, à un affaissement de ses rêves.Elle se leva et vint coller son front aux vitres froides. Puis, après avoir regardé quelque temps le ciel où roulaient des nuages sombres, elle se décida à sortir.Étaient-ce la même campagne, la même herbe, les mêmes arbres qu’au mois de mai ? Qu’étaient donc devenues la gaieté ensoleillée des feuilles, et la poésie verte du gazon où flambaient les pissenlits, où saignaient les coquelicots, où rayonnaient les marguerites, où frétillaient, comme au bout de fils invisibles, les fantasques papillons jaunes ? Et cette griserie de l’air chargé de vie, d’arômes, d’atomes fécondants n’existait plus.Les avenues, détrempées par les continuelles averses d’automne, s’allongeaient, couvertes d’un épais tapis de feuilles mortes, sous la maigreur grelottante des peupliers presque nus. Les branches grêles tremblaient au vent, agitaient encore quelque feuillage prêt à s’égrener dans l’espace. Et sans cesse, tout le long du jour, comme une pluie incessante et triste à faire pleurer, ces dernières feuilles, toutes jaunes maintenant, pareilles à de larges sous d’or, se détachaient, tournoyaient, voltigeaient et tombaient. Maupassant — Une vie
Il faut aimer l’art poétique de Boileau, sinon pour les préceptes, du moins pour le style. Un écrivain qui a quelque souci de la postérité cherchera sans cesse à purifier sa diction, sans effacer toutefois le caractère particulier par lequel son expression révèle l’individualité de son esprit. Le néologisme n’est d’ailleurs qu’une triste ressource pour l’impuissance. Des fautes de langue ne rendront jamais une pensée, et le style est comme le cristal : sa pureté fait son éclat. Victor Hugo — préface des Odes et Ballades