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Parler la langue de bois : définition et origine de l’expression

Discours creux, mensonges, propos évasifs… Autant de termes qui viennent à l’esprit lorsqu’on évoque l’expression « parler la langue de bois ».

Omniprésente dans les débats politiques, les échanges médiatiques ou même les conversations de comptoir, « la langue de bois » est souvent synonyme d’agacement, de frustration, voire d’exaspération pour ceux qui l’entendent. Mais pourquoi donc agace-t-elle autant ? 

Pour le comprendre, découvrons ensemble la définition et l’origine de l’expression « parler la langue de bois » — et promis, pas de la langue de bois dans cet article !

Définition de l’expression « parler la langue de bois »

« Parler la langue de bois », ou « faire de la langue de bois » signifie prononcer un discours figé, préconçu, truffé de stéréotypes et de formules creuses.

Loin de répondre aux questions posées, « la langue de bois » contourne les sujets sensibles par des propos vagues et des euphémismes. Figure rhétorique ou manipulation langagière, elle reflète en tout cas une volonté de tromper l’auditoire, et d’empêcher toute réflexion critique.

Cette expression s’emploie fréquemment dans le domaine politique, où elle caractérise un discours vide de sens, dénué d’idées novatrices, destiné à masquer une absence de vision ou d’engagement concret. Mais la langue de bois peut imprégner bien d’autres sphères, dès lors qu’il s’agit de contourner un sujet sensible par un flot de paroles futiles.

On parle parfois de « politiquement correct » lorsqu’on parle de langue de bois, ou de xyloglossie, mot d’origine grecque pour désigner, de manière plus pédante, la langue de bois (vient du grec ancien ξύλον, xúlon qui signifie « bois », et γλώσσα, glốssa, désignant la « langue »).

Citons par ailleurs quelques expressions voisines ou termes synonymes de l’expression « parler la langue de bois » :

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  • Raconter des histoires à dormir debout : raconter des histoires incroyables, invraisemblables ou absurdes, que personne ne peut croire.
  • Endormir quelqu’un : manipuler quelqu’un en lui racontant des mensonges ou des histoires trompeuses.
  • Faire de fausses promesses : promettre quelque chose sans intention réelle de tenir ses engagements.
  • Noyer le poisson : contourner un sujet tabou ou difficile, dans le but de le faire oublier à son interlocuteur.
  • Logorrhée : flux de paroles abondant et incontrôlé, souvent jugé excessif et peu pertinent.
  • Parler pour ne rien dire : parler beaucoup, sans apporter d’informations ou de contenu pertinent.
  • Faire, raconter du bla-bla : se perdre en discussions superficielles ou inutiles.
  • Parler la novlangue : utiliser un langage ambigu et manipulateur, souvent pour masquer la vérité ou manipuler l’opinion publique. Le terme « novlangue » provient du roman 1984 de George Orwell.
  • Faire du verbiage : utiliser des mots en grande quantité, mais sans réelle valeur ou clarté, souvent pour impressionner ou embrouiller l’auditoire.

Origine de l’expression « parler la langue de bois »

Si les historiens peinent à dater précisément l’apparition de l’expression « parler la langue de bois », la plupart s’accordent sur ses origines géographiques : elle aurait germé dans les pays de l’Est.

D’après Gilles Guilleron dans son livre Langue de bois, on parlait déjà de « langue de chêne » en Russie tsariste, pour épingler la rigidité et la lourdeur du langage administratif. Une critique qui s’amplifiera sous le régime soviétique, dont la propension aux discours flous et trompeurs sera souvent pointée du doigt.

La métaphore du bois, matériau pesant et figé, apparait en Pologne avec la formule « nowo mowa », tandis qu’en Allemagne, on parle la « langue de béton ». En Chine, c’est le plomb, autre matériau immuable, qui sert d’image pour traduire la lourdeur des mots dépourvus de sincérité.

C’est dans les années 1950 que la formule « langue de bois » fait son apparition en France, pour qualifier le parler des élites intellectuelles, artistiques et politiques. On les dit alors « bilingues en langue de bois », maniant avec talent cet art de parler pour ne rien dire.

L’expression semble ensuite prendre son essor à partir des années 70. La première occurrence de « langue de bois » sur Gallica intervient en 1978 dans Mai retrouvé : contribution à l’histoire du mouvement révolutionnaire du 3 mai au 16 juin 1968, par Jacques Baynac.

Fréquence d'usage de langue de bois
Fréquence d’usage de l’expression langue de bois depuis 1900. Source : Google Ngram / Gallicagram

Exemples de l’usage de l’expression « parler la langue de bois »

Elle ne témoignait pas, ce faisant, d’un goût douteux pour le fascisme, mais d’un dégoût profond pour la langue de bois antifasciste. Rien ne serait toutefois plus dangereux que de jeter l’antifascisme lui-même avec la langue de bois.

Alain Finkielkraut, Comment peut-on être croate ? 

Sans regrets car jusqu’au bout ils avaient été minables, ce pot de départ devant tout le personnel de la société, quand la langue de bois des chefs peut pousser les employés au meurtre, typique des obsèques de personnalités, foule à l’église et désert au cimetière, à la fin il s’était retrouvé seul.

Pierre Assouline, État limite

Il fallait remuer ce qu’ils avaient refusé de remuer, ce qu’ils appelaient les horreurs, la boue car ils avaient opté pour la stérile « langue de bois ».

Diane de Margerie, Dans la spirale

Faire un rapport, bien sûr, mais pour conclure comment ? Une cassette t’en dira plus long, mon pauvre ami ! Oh ! tu auras ton rapport, dans les formes, c’est-à-dire que le plus important sera noyé dans le style langue de bois de règle chez nous.

Boileau-Narcejac, Le Bonsaï

Faire un rapport, bien sûr, mais pour conclure comment ? Une cassette t’en dira plus long, mon pauvre ami ! Oh ! tu auras ton rapport, dans les formes, c’est-à-dire que le plus important sera noyé dans le style langue de bois de règle chez nous.

Boileau-Narcejac, Le Bonsaï
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Nicolas Lafarge-Debeaupuis

Nicolas Lafarge-Debeaupuis

Nicolas Lafarge-Debeaupuis est rédacteur indépendant, et prête ses mots à différents médias et entreprises. Se décrivant volontiers comme « un geek avec une plume », il se sent dans son élément naturel lorsqu’il écrit sur des sites web tels que La langue française.

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Commentaires

Ioan-Cristian Premium

Bonjour,

Merci pour cet article ! Je trouve intéressante l'origine du mot, surtout le fait de voir « bois » remplacé par d'autres matériaux selon la zone géographique. Dans un monde où la quantité importe sur la qualité, le langage de bois est de plus en plus présent dans toutes les couches de la société. On peut renverser cette tendance par un apprentissage approfondi de la langue française. En ce sens, votre site Internet est d'une grande aide. Je tiens par cette occasion de vous remercier pour tous vos efforts !

Bien à vous,
Ioan-Cristian CÎRSTEA

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La langue française Premium

Bonjour Ioan-Cristian,
Merci beaucoup pour votre commentaire très encourageant. C'est toujours un plaisir de voir que nos articles sont utiles ;)

À bientôt,
Nicolas

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