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Citations sur le leur
Il y a 274 citations sur le leur.
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Et puisque mes sens me prouvent la vie mortelle des hommes qui m'entourent, pourquoi mon intelligence n'aperçoit-elle pas de même la vie immortelle de ceux qui viennent d'y entrer par leur mort visible ?
Senancour — Rêveries -
Père UbuMerdre.Mère UbuOh ! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.Père UbuQue ne vous assom’je, Mère Ubu !Mère UbuCe n’est pas moi, Père Ubu, c’est un autre qu’il faudrait assassiner.Père UbuDe par ma chandelle verte, je ne comprends pas.Mère UbuComment, Père Ubu, vous estes content de votre sort ?Père UbuDe par ma chandelle verte, merdre, madame, certes oui, je suis content. On le serait à moins : capitaine de dragons, officier de confiance du roi Venceslas, décoré de l’ordre de l’Aigle Rouge de Pologne et ancien roi d’Aragon, que voulez-vous de mieux ?Mère UbuComment ! après avoir été roi d’Aragon vous vous contentez de mener aux revues une cinquantaine d’estafiers armés de coupe-choux, quand vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d’Aragon ?Père UbuAh ! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.Mère UbuTu es si bête !Père UbuDe par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant ; et même en admettant qu’il meure, n’a-t-il pas des légions d’enfants ?Mère UbuQui t’empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur place ?Père UbuAh ! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à l’heure par la casserole.Mère UbuEh ! pauvre malheureux, si je passais par la casserole, qui te raccommoderait tes fonds de culotte ?Père UbuEh vraiment ! et puis après ? N’ai-je pas un cul comme les autres ?Mère UbuÀ ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône. Tu pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent de l’andouille et rouler carrosse par les rues.Père UbuSi j’étais roi, je me ferais construire une grande capeline comme celle que j’avais en Aragon et que ces gredins d’Espagnols m’ont impudemment volée.Mère UbuTu pourrais aussi te procurer un parapluie et un grand caban qui te tomberait sur les talons.Père UbuAh ! je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si jamais je le rencontre au coin d’un bois, il passera un mauvais quart d’heure.Mère UbuAh ! bien, Père Ubu, te voilà devenu un véritable homme.Père UbuOh non ! moi, capitaine de dragons, massacrer le roi de Pologne ! plutôt mourir !Mère Ubu (à part).Oh ! merdre ! (Haut.) Ainsi tu vas rester gueux comme un rat, Père Ubu.Père UbuVentrebleu, de par ma chandelle verte, j’aime mieux être gueux comme un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat.Mère UbuEt la capeline ? et le parapluie ? et le grand caban ?Père UbuEh bien, après, Mère Ubu ? (Il s’en va en claquant la porte.)Mère Ubu (seule).Vrout, merdre, il a été dur à la détente, mais vrout, merdre, je crois pourtant l’avoir ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans huit jours serai-je reine de Pologne.
Alfred Jarry — Ubu Roi -
Pourquoi ne pas demander des volontaires ? On l'a fait, mais les résultats ont été maigres. On l'a fait par la voie officielle, un peu sans y croire. Ce qui leur manque, c'est l'imagination.
Albert Camus — La Peste -
Quel motif les amène auprès de moi, chétive et faible femme, tombée en disgrâce ? Je n'augure rien de bon de leur visite, toute réflexion faite. Ils devraient être des hommes justes ; tous leurs actes devraient être vertueux ; mais l'habit ne fait pas le moine.
William Shakespeare — Henry VIII -
Un homme bienfaisant se présentait, le banquier Stilbing, qui offrait de partager le différend entre les parties, de leur compter à chacun deux cent cinquante millions et de ne prendre à titre de commission que l’excédent du demi-milliard, soit vingt-sept millions.
Jules Verne — Les 500 millions de la Bégum -
... il est difficile de frôler dans une ville de brouillard et de granit ces costauds de la Flotte de guerre, balancés, bousculés par et pour des manœuvres que nous voulons dangereuses, ces épaules, ces profils, ces boucles, ces croupes houleuses, coléreuses, ces gars souples et forts, sans qu'on les imagine capables d'un meurtre qui se justifie par leur intervention puisqu'ils sont dignes d'en accomplir avec noblesse tous les mouvements
Jean Genet — Querelle de Brest -
Il fallait juste qu’elle passe chez elle avant. Ses parents l’attendaient pour dîner. Sa mère avait préparé de la choucroute au poisson, son plat préféré. Elle ne pouvait pas leur faire faux bond. Elle repartirait après, par la fenêtre de sa chambre, pour ne pas avoir à leur dire qu’elle sortait.
Franz-Olivier Giesbert — L’abatteur -
On fixa ensuite le moment où seraient livrés les otages et où les légions, privées de leurs armes, passeraient sous le joug. (...) Tous courbèrent donc ainsi la tête sous le joug, et, ce qui était en quelque sorte plus accablant, passèrent sous les yeux des ennemis. Lorsqu'ils furent sortis du défilé, quoique, pareils à des hommes arrachés des enfers, il leur semblât voir la lumière pour la première fois, cette lumière même, leur découvrant à quel point était humiliant l'état de l'armée, leur fut plus insupportable que tous les genres de mort.
Tite-Live — Histoire romaine -
Cette comparaison permettra de dégager ce que la condition du vieillard comporte d'inéluctable, dans quelle mesure, à quel prix on pourrait en pallier les difficultés, et quelle est donc à leur égard la part de responsabilité du système dans lequel nous vivons.
Simone de Beauvoir — La Vieillesse -
En raison du contexte sanitaire dû à la Covid-19, des aménagements sont mis en place dans les lycées pour les élèves de terminale, qui passeront leur bac en 2021, et ceux actuellement inscrits en première.
Le Figaro — Les règles du bac 2021 sont modifiées à cause de la Covid-19 -
Ce n'est pas pour se donner licence de vendre leur marchandise au plus offrant qu'ils ont considéré comme un métier la littérature, mais, au contraire, pour se replacer, sans humilité ni orgueil, dans une société laborieuse.
Sartre — Qu'est-ce que la littérature ? -
MADAME,Ce n’est pas sans sujet que je mets votre illustre nom à la tête de cet ouvrage. Et de quel autre nom pourrais-je éblouir les yeux de mes lecteurs, que de celui dont mes spectateurs ont été si heureusement éblouis ? On savait que VOTRE ALTESSE ROYALE avait daigné prendre soin de la conduite de ma tragédie ; on savait que vous m’aviez prêté quelques-unes de vos lumières pour y ajouter de nouveaux ornements ; on savait enfin que vous l’aviez honorée de quelques larmes dès la première lecture que je vous en fis. […] Pardonnez-moi, MADAME, si j’ose me vanter de cet heureux commencement de sa destinée. Il me console bien glorieusement de la dureté de ceux qui ne voudraient pas s’en laisser toucher. Je leur permets de condamner l’Andromaque tant qu’ils voudront, pourvu qu’il me soit permis d’appeler de toutes les subtilités de leur esprit au cœur de VOTRE ALTESSE ROYALE.Mais, MADAME, ce n’est pas seulement du cœur que vous jugez de la bonté d’un ouvrage, c’est avec une intelligence qu’aucune fausse lueur ne saurait tromper. Pouvons-nous mettre sur la scène une histoire que vous ne possédiez aussi bien que nous ? pouvons-nous faire jouer une intrigue dont vous ne pénétriez tous les ressorts ? et pouvons-nous concevoir des sentiments si nobles et si délicats qui ne soient infiniment au-dessous de la noblesse et de la délicatesse de vos pensées ?
Racine — Andromaque -
Cependant pour beaucoup la liberté ne prend encore que la figure de la licence, les orgies et les crimes des grandes dames et des courtisanes italiennes sont demeurés légendaires. Cette licence est aussi la principale liberté qu'on rencontre dans les siècles suivants parmi les femmes que leur rang ou leur fortune affranchissent de la morale courante [...]
Simone de Beauvoir — Le deuxième sexe -
Il n’y a plus de honte maintenant à cela ; l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer. Aujourd’hui, la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et, quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement ; mais l’hypocrisie est un vice privilégié qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d’une impunité souveraine. On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. Qui en choque un, se les attire tous sur les bras ; et ceux que l’on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés, ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres ; ils donnent bonnement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions. Combien crois-tu que j’en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se font un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du monde ? On a beau savoir leurs intrigues, et les connaître pour ce qu’ils sont, ils ne laissent pas pour cela d’être en crédit parmi les gens ; et quelque baissement de tête, un soupir mortifié, et deux roulements d’yeux, rajustent dans le monde tout ce qu’ils peuvent faire. C’est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes ; mais j’aurai soin de me cacher, et me divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous. Enfin, c’est là le vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. Dès qu’une fois on m’aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais, et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je ferai le vengeur des intérêts du ciel ; et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d’impiété, et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront d’injures, et les damneront hautement de leur autorité privée. C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle.
Molière — Dom Juan -
Chaque trait de son visage garde une extraordinaire fixité. Rêve-t-elle? Délire-t-elle? Mais les mains qu’elle croise et décroise avec une anxiété grandissante parlent, à leur manière, un autre langage.
Bernanos — M. Ouine -
ACTE I - SCENE PREMIEREDORANTE.Ce mage, qui d'un mot renverse la nature,N'a choisi pour palais que cette grotte obscure.La nuit qu'il entretient sur cet affreux séjour,N'ouvrant son voile épais qu'aux rayons d'un faux jour,De leur éclat douteux n'admet en ces lieux sombresQue ce qu'en peut souffrir le commerce des ombres.N'avancez pas : son art au pied de ce rocherA mis de quoi punir qui s'en ose approcher ;Et cette large bouche est un mur invisible,Où l'air en sa faveur devient inaccessible,Et lui fait un rempart, dont les funestes bordsSur un peu de poussière étalent mille morts.Jaloux de son repos plus que de sa défense,Il perd qui l'importune, ainsi que qui l'offense ;Malgré l'empressement d'un curieux désir,Il faut, pour lui parler, attendre son loisir :Chaque jour il se montre, et nous touchons à l'heureOù pour se divertir il sort de sa demeure.PRIDAMANT.J'en attends peu de chose, et brûle de le voir.J'ai de l'impatience, et je manque d'espoir.Ce fils, ce cher objet de mes inquiétudes,Qu'ont éloigné de moi des traitements trop rudes,Et que depuis dix ans je cherche en tant de lieux,A caché pour jamais sa présence à mes yeux.Sous ombre qu'il prenait un peu trop de licence,Contre ses libertés je roidis ma puissance ;Je croyais le dompter à force de punir,Et ma sévérité ne fit que le bannir.Mon âme vit l'erreur dont elle était séduite :Je l'outrageais présent, et je pleurai sa fuite ;Et l'amour paternel me fit bientôt sentirIl l'a fallu chercher : j'ai vu dans mon voyageLe Pô, le Rhin, la Meuse, et la Seine, et le Tage :Toujours le même soin travaille mes esprits ;Et ces longues erreurs ne m'en ont rien appris.Enfin, au désespoir de perdre tant de peine,Et n'attendant plus rien de la prudence humaine,Pour trouver quelque borne à tant de maux soufferts,J'ai déjà sur ce point consulté les enfers.J'ai vu les plus fameux en la haute scienceDont vous dites qu'Alcandre a tant d'expérience :On m'en faisait l'état que vous faites de lui,Et pas un d'eux n'a pu soulager mon ennui.L'enfer devient muet quand il me faut répondre,Ou ne me répond rien qu'afin de me confondre.[…]
Corneille — L'illusion comique -
Mis en marche, remontés, portés où les sons roulants du ciel soudain évidé les portaient, automates qui se croyaient libres, David, Lili, Day, les bras écartés en croix, couraient hors de la commune. Comment avaient-ils passé, suite à une telle prise d'élan, leur après-midi ?
Eva Almassy — Tous les jours -
Quand les Scythes enterroyent leur Roy, ils estrangloyent sur son corps la plus favorie de ses concubines, son eschançon, escuyer d’escuirie, chambellan, huissier de chambre et cuisinier.
Montaigne — Essais -
LE MILAN ET LE ROSSIGNOLAprès que le Milan, manifeste voleur,Eut répandu l'alarme en tout le voisinageEt fait crier sur lui les enfants du village,Un Rossignol tomba dans ses mains, par malheur.Le héraut du printemps lui demande la vie :« Aussi bien que manger en qui n'a que le son ?Écoutez plutôt ma chanson ;Je vous raconterai Térée et son envie.— Qui, Térée ? est-ce un mets propre pour les Milans ?— Non pas, c'était un Roi dont les feux violentsMe firent ressentir leur ardeur criminelle :Je m'en vais vous en dire une chanson si belleQu'elle vous ravira : mon chant plaît à chacun. »Le Milan alors lui réplique :« Vraiment, nous voici bien : lorsque je suis à jeun,Tu me viens parler de musique.— J'en parle bien aux Rois. — Quand un roi te prendra,Tu peux lui conter ces merveilles.Pour un Milan, il s'en rira :Ventre affamé n'a point d'oreilles.
Jean de La Fontaine — Fables -
Depuis le départ nocturne, ils avaient tissé, tissé inlassablement leur fil d’Ariane à travers le labyrinthe des glaces, des couloirs sonores, des parois verglacées. C’était comme un lien sûr et réconfortant qui n’avait cessé de les rattacher au monde vivant.
Samivel — L’amateur d’abîmes -
S’ils avaient eu un bébé la seconde année de leur mariage, il serait probablement en cinquième. Ses parents se partageraient la besogne latin, mathématiques, langues vivantes, pour lui faire répéter ses leçons en fin de journée. Un fils de onze ans. Pauline avait souvent imaginé son visage lèvre supérieure retroussée en chapeau de gendarme, cheveux hérissés, dents écartées (les dents du bonheur), taches de rousseur.
Thérèse de Saint Phalle — Le Tournesol -
(…) la moitié des officiers sont condamnés à chômer, ne pouvant prendre leur part d’un service qui souvent pèse lourdement sur l’officier de marine. Or, les mécaniciens ne demanderaient pas mieux que d’être admis à ce partage. Mais ils ne savent ni faire le quart, ni faire le point, ni commander l’exercice du canon ou des petites armes ;
Ministère de la marine et des colonies — La revue maritime et coloniale -
À midi, les officiers se dispensèrent de faire le point. Ils connaissaient leur situation par l’estime, et la terre devait être signalée avant peu.
Jules Verne — Une ville flottante -
Le clair de lune semblait comme un doux magnésium continu permettant de prendre une dernière fois des images nocturnes de ces beaux ensembles comme la place Vendôme, la place de la Concorde, auxquels l’effroi que j’avais des obus qui allaient peut-être les détruire donnait, par contraste, dans leur beauté encore intacte, une sorte de plénitude, comme si elles se tendaient en avant, offrant aux coups leurs architectures sans défense.
Marcel Proust — Le Temps retrouvé -
Je vois que vous avez toujours des craintes en province ; vous avez beaucoup plus peur que nous n’avons à Paris… J’ai parcouru les divers points de l’émeute, rues Saint-Jacques, Saint-Martin, Saint-Antoine, le Petit Pont, la Belle Jardinière ; j’ai vu les maisons criblées de balles et trouées de boulets. Dans la longueur de ces rues, on peut suivre la trace des boulets qui brisaient et écorniflaient balcons, enseignes, corniches sur leur passage ; c’est un spectacle affreux, et qui néanmoins rend encore plus incompréhensibles ces assauts dans les rues !
Lettre du 17 juillet 1848 à son père — Correspondance familiale -
Au milieu de cette existence enragée par la misère, Gervaise souffrait encore des faims qu'elle entendait râler autour d'elle. Ce coin de la maison était le coin des pouilleux, où trois ou quatre ménages semblaient s'être donné le mot pour ne pas avoir du pain tous les jours. Les portes avaient beau s'ouvrir, elles ne lâchaient guère souvent des odeurs de cuisine. Le long du corridor, il y avait un silence de crevaison, et les murs sonnaient creux, comme des ventres vides. Par moments, des danses s'élevaient, des larmes de femmes, des plaintes de mioches affamés, des familles qui se mangeaient pour tromper leur estomac. On était là dans une crampe au gosier générale, bâillant par toutes ces bouches tendues ; et les poitrines se creusaient, rien qu'à respirer cet air, où les moucherons eux-mêmes n'auraient pas pu vivre, faute de nourriture. Mais la grande pitié de Gervaise était surtout le père Bru, dans son trou, sous le petit escalier. Il s'y retirait comme une marmotte, s'y mettait en boule, pour avoir moins froid ; il restait des journées sans bouger, sur un tas de paille. La faim ne le faisait même plus sortir, car c'était bien inutile d'aller gagner dehors de l'appétit, lorsque personne ne l'avait invité en ville. Quand il ne reparaissait pas de trois ou quatre jours, les voisins poussaient sa porte, regardaient s'il n'était pas fini. Non, il vivait quand même, pas beaucoup, mais un peu, d'un oeil seulement ; jusqu'à la mort qui l'oubliait ! Gervaise, dès qu'elle avait du pain, lui jetait des croûtes.
Émile Zola — L’Assommoir -
Et pourtant il est bien forcé de constater qu’ils ont un mal de chien à fixer leur attention plus d’une vingtaine de minutes sur un exercice ou une lecture.
Jean-Marie Alfroy — Le professeur est nu -
Pour ma part, je ne voyais pas Anselma d’un mauvais œil. Mais du moment qu’on est pauvre, n’est-ce pas ? on ne vous regarde même pas. Le plus drôle, c’est qu’à force de ménager la chèvre et le chou, elles n’auront rien au tout. Elles étaient aussi pressées que si leur pot avait senti le roussi, croyant déjà tenir le maître.
Mariano Azuela — Mauvaise graine -
Vous voyez comme il nous la représente souveraine, faisant tout, disposant de tout, réglant tout, jém’y tiens : voilà ce que j’en crois ; et si, en tournant le Feuillet, ils veulent dire le contraire pour ménager la chèvre et les choux, je les traiterai sur cela comme ces ménageurs politiques ; ils ne me feront pas changer, je suivrai leur exemple, car ils ne changent pas d’avis pour changer de note.
Mme de Sévigné — Lettres choisies -
À ce second orateur, un troisième succéda, qui remercia les deux autres d’avoir si bien tracé ce qu’il appela la théorie de leur programme
Gide — Faux-monnayeurs. -
Après en avoir tiré tout ce qu’ils pouvaient, les deux reporters l’abandonnèrent à Bournadel, leur photographe de choc, qui, dès qu’il l’avait vue en était tombé totalement amoureux, en tant qu‘homme et en tant que photographe.
René Barjavel — La peau de César -
Elle leur a servi le café comme les autres jours.
Bernanos — M. Ouine -
Avant de les faire cuire, elle leur ôte le gésier.
Giono — Regain -
Et avec ses outils ses fils hériteront, ses enfants hériteront. Ce qu'il leur a donné, ce que nul ne pourrait leur ôter.
Péguy — Porche Myst. -
Maintenant, moi, j'ai fait mon devoir; voyons si les autres feront le leur.
Meilhac — Halévy -
Mon frère, mon frère, la malédiction de nos enfants est épouvantable; ils peuvent appeler de la nôtre , mais la leur est irrévocable.
Balzac — E. Grandet -
Ils partageraient leur temps entre la rédaction de leur livre, le jardinage et la peinture murale.
Simone de Beauvoir — Mandarins -
Tailleurs, cordonniers, forgerons, fabricants de fleurs artificielles, les artisans travaillaient sur le seuil de leurs échoppes, les femmes s'asseyaient devant leurs portes pour épouiller leurs enfants, laver leur linge, vider leurs poissons, tout en surveillant les bassines de tomates écrasées qu'elles exposaient au bleu lointain du ciel.
Simone de Beauvoir — La force de l'âge -
— Et comment les préparerez-vous ? demandai-je au Canadien.— En fabriquant avec leur pulpe une pâte fermentée qui se gardera indéfiniment et sans se corrompre. Lorsque je voudrai l’employer, je la ferai cuire à la cuisine du bord, et malgré sa saveur un peu acide, vous la trouverez excellente.
Jules Vernes — Vingt mille lieues sous les mers -
Ils oublient tout, tout au monde, leur maison, leur famille, leurs enfants, leurs affaires, leurs soucis pour regarder dans les remous ce petit flotteur qui bouge.
Maupassant — Contes et nouvelles -
Depuis que j’écris ces pages, je me dis qu’il y a un moyen, justement, de lutter contre l’oubli. C’est d’aller dans certaines zones de Paris où vous n’êtes pas retourné depuis trente, quarante ans et d’y rester un après-midi, comme si vous faisiez le guet. Peut-être celles et ceux dont vous vous demandez ce qu’ils sont devenus surgiront au coin d‘une rue, ou dans l’allée d’un parc, ou sortiront de l’un des immeubles qui bordent ces impasses désertes que l’on nomme « square » ou « villa ». Ils vivent de leur vie secrète, et cela n’est possible pour eux que dans des endroits silencieux, loin du centre. Pourtant, les rares fois où j’ai cru reconnaître Dannie, c’était toujours dans la foule. Un soir, Gare de Lyon, quand je devais prendre un train, au milieu de la cohue des départs en vacances. Un samedi de fin d’après-midi, au carrefour du boulevard et de la Chaussée d’Antin dans le flot de ceux qui se pressaient aux portes des grands magasins. Mais, chaque fois, je m’étais trompé.Un matin d’hiver, il y a vingt ans, j’avais été convoqué au tribunal d’instance du treizième arrondissement, et vers onze heures, à la sortie du tribunal, j’étais sur le trottoir de la place d’Italie. Je n’étais pas revenu sur cette place depuis le printemps de 1964, une période où je fréquentais le quartier. Je me suis aperçu brusquement que je n’avais pas un sou en poche pour prendre un taxi ou le métro et rentrer chez moi. J’ai trouvé un distributeur de billets dans une petite rue derrière la mairie, mais après avoir composé le code une fiche est tombée à la place des billets. Il y était écrit : « Désolé. Vos droits sont insuffisants. » De nouveau, j’ai composé le code, et la même fiche est tombée avec la même inscription : « Désolé. Vos droits sont insuffisants. » J’ai fait le tour de la mairie et de nouveau j’étais sur le trottoir de la place d’Italie.Le destin voulait me retenir par ici et il ne fallait pas le contrarier. Peut-être ne parviendrais-je plus jamais à quitter le quartier, puisque mes droits étaient insuffisants. Je me sentais léger à cause du soleil et du ciel bleu de janvier. Les gratte-ciel n’existaient pas en 1964, mais ils se dissipaient peut à peu dans l’air limpide pour laisser place au café du Clair de lune et aux maisons basses du boulevard de la Gare. Je glisserais dans un temps parallèle où personne ne pourrait plus m’atteindre.Les paulownias aux fleurs mauves de la place d’Italie… Je me répétais cette phrase et je dois avouer qu’elle me faisait monter les larmes aux yeux, ou bien était-ce le froid de l’hiver ? En somme, j’étais revenu au point de départ et, si les distributeurs de billets avaient existé vers 1964, la fiche aurait été la même pour moi : Droits insuffisants. Je n’avais à cette époque aucun droit ni aucune légitimité. Pas de famille ni de milieu social bien défini. Je flottais dans l’air de Paris.
Patrick Modiano — L'Herbe des nuits -
Tout en lui était hors norme, depuis ses lectures et connaissances prolixes jusqu'à ces immenses mains baladeuses qui, après le premier verre, faisaient sursauter toutes les dames passant à leur portée.
Mario Vargas Llosa — Le langage de la passion