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Œil au beurre noir : définition et origine de l’expression

Voilà une expression plus amusante que la réalité qu’elle dépeint : « l’œil au beurre noir » désigne la marque laissée autour de l’œil à la suite d’un coup ou d’un choc violent. C’est une blessure douloureuse et humiliante, qui survient le plus souvent dans des circonstances désagréables ou dramatiques, à mille lieues de la métaphore culinaire que la formule semble évoquer.

Alors, pourquoi parle-t-on de « beurre noir » pour désigner cette trace sinistre faite au visage ? D’où provient cette image, comment s’est-elle imposée dans la langue française, et comment a-t-elle traversé les époques jusqu’à nos jours ? Réponses dans notre analyse sur la définition, l’origine et l’usage de l’expression « œil au beurre noir ».

Définition de l’expression « œil au beurre noir » 

Un « œil au beurre noir », c’est un œil qui a subi un coup ou un choc particulièrement intense, autour duquel la peau s’est teintée de noir ou de violet. La blessure met plusieurs jours à disparaître, et se révèle un témoin particulièrement tangible du traumatisme subi. 

L’expression est si bien connue qu’elle est entrée dans le langage courant : elle s’emploie désormais comme synonyme des mots « ecchymose » ou « hématome ». On utilise aussi le nom « cocard » (aussi orthographié « coquard » ou « coquart ») pour désigner le même phénomène.

Attention à l’orthographe de « l’œil » : celui-ci prend toujours un « e dans l’o », soit le signe « œ ». Cette marque est également applicable lorsque le mot prend une majuscule : on écrit alors « Œil au beurre noir ».

Origine de l’expression « œil au beurre noir » 

Sans grande surprise, l’expression « œil au beurre noir » est un jeu de mots, s’amusant de la ressemblance sonore et orthographique entre les mots « œil » et « œuf » ; « yeux » et « œufs ». Dès la fin du XVIe siècle, on désigne le cocard avec l’expression « un œil poché au beurre noir ».

En cuisine, l’œuf poché est un œuf qui cuit, sans sa coquille, dans un liquide frémissant. Lorsqu’on passe l’œuf à la poêle, dans du beurre, ce dernier a tendance à noircir si on le laisse cuire trop longtemps, de sorte que le blanc de l’œuf prend à son tour une teinte plus sombre. La plaisanterie, de mauvais goût, veut que cet œuf noirci par le beurre ressemble à un œil tuméfié par un coup de poing.

Au XIXe siècle, l’adjectif « poché » disparait et la formule « œil au beurre noir » subsiste. Elle demeure, depuis lors, une expression du langage courant.

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Exemples de l’usage de l’expression « œil au beurre noir » 

Mariée depuis longtemps, Zina avait continué à habiter rue de La Tour-d’Auvergne avec son mari qui était garagiste. Plus tard il s’installa à Belleville, et elle se partagea entre son foyer et celui de Camille. Mais au cours de ses crises éthyliques, il arrivait de plus en plus souvent que Camille la frappât violemment. Un jour elle vint nous ouvrir la porte avec un œil au beurre noir. Elle finit par s’en aller.

Simone de Beauvoir, Tout compte fait

Ce fut le lendemain matin de l’escapade de son mari que l’étonnement d’Apolline commença vraiment. La veille, elle avait bien marqué quelque surprise de le voir rentrer à minuit avec un visage tuméfié, mais il avait répondu « J’ai fait différentes choses » et le sens de ses paroles lui avait paru tout aussi reposant que s’il eût dit : « J’ai fait un billard avec Germain ». Sans doute, il avait un œil au beurre noir, mais puisqu’il était là, on ne l’avait ni écrasé, ni assassiné.

Aller retour, Marcel Aymé

Il n’a rien du petit claqué, Patron, tu sais ? Il a d’autres séductions qu’une petite gueule de quatre sous et des yeux au beurre noir.

Colette, Œuvres 

Mais la vieille futée se sauva dans la rue. Elle n’était pas belle à voir avec sa robe dégrafée par-derrière, ses bas qui retombaient, ses mèches qui flottaient, un œil au beurre noir, le visage flapi et, sans dentier, la bouche flasque. Les gens se retournaient sur son passage.

Blaise Cendrars, Emmène-moi au bout du monde

(…) le ton montait et, presque chaque fois, il la battait. « Corrigeait », disait Maryse qui ajoutait, histoire de ne rien nous épargner du calvaire de notre chère Madeleine « Que de fois elle s’est réfugiée chez moi, les yeux au beurre noir, le visage tuméfié. Mais toujours faut qu’elle y retourne. Je dois dire à sa décharge que quand il est à jeun, il est doux et gentil, comme un agneau. Mais c’est elle à présent qui l’entraîne à boire. »

Anne Wiazemsky, Hymnes à l’amour
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Nicolas Lafarge

Nicolas Lafarge

Nicolas Lafarge est rédacteur indépendant, et prête ses mots à différents médias et entreprises. Se décrivant volontiers comme « un geek avec une plume », il se sent dans son élément naturel lorsqu’il écrit sur des sites web tels que La langue française.

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