Michel Houellebecq : Sérotonine - critique
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Certains font du sport pour sécréter de l’endorphine, d’autres prennent du Captorix pour augmenter leur taux de Sérotonine. L’avantage de la deuxième solution est qu’on peut rester dans son canapé à manger un Bic Mac supplément cheddar (ce qui augmentera également le niveau de dopamine, boostant la sensation de bonheur avant que n’arrivent les premières douleurs d’estomac).
Vous l’avez compris, Sérotonine de Houellebecq n’est pas un roman où le bonheur s'épanouit naturellement grâce à l’hygiène de vie irréprochable de dynamiques quadragénaires. Bien au contraire, Florent-Claude, dont le prénom annonce dès la naissance le destin d’une vie merdique, est comme tous les personnages houellebecquiens : parfaitement dépressif. Le Captorix l’aide à survivre, au prix de sa libido. De toute façon il ne baisait plus depuis longtemps, c’est donc une bonne affaire ! Le Captorix est comme les “putes qui ne choisissent pas leurs clients” et “donnent du plaisir à tous”, il suffit d’aller voir un psychologue peu déontologique pour partager quelques clopes et obtenir une ordonnance de six mois d’anti-dépresseurs.
Ce “petit comprimé blanc, ovale, sécable” accompagne les péripéties du personnage principal qui navigue dans une France en proie à une longue décadence. Houellebecq y décrit parfaitement le désarroi des campagnes, et notamment d’agriculteurs qui n’arrivent pas à vivre de leur activité (“aucune société humaine n’avait jamais été construite sur la rémunération du travail”).
L’absurdité du travail salarié dans les sociétés occidentales le résume à son utilité originelle, c’est-à-dire selon Hobbes de garantir la paix civile en évitant la propagation de la license. Heureusement, les moments tragiques sont parsemés de saillies humoristiques permettant d’alléger le récit et les digressions narratives permettent de détourner Florent-Claude de la poursuite maladive de ses anciens amours.
Comme dans Plateforme, Houellebecq regrette les amours perdus, souvent maladroitement, et qui condamnent à la solitude. Si en parfait positiviste Houellebecq cherche à retarder la mort grâce au Captorix, le véritable enjeu est de ne pas mourir seul. Le roman se ferme sur les regrets de Florent-Claude : “J’aurais pu rendre une femme heureuse” (et par là même se rendre heureux lui-même).
Malgré les signes évidents de l’amour - les papillons dans le ventre, les extases, l’accélération du rythme cardiaque - notre société nous incite à résister à ce qui s’apparente comme le dernier rempart face à la conquête de l’hyper rationalisme. Si les excuses ne manquent pas pour résister à l’amour, souhaitez-vous rejoindre les milliers de pleutres qui meurent chaque jour anesthésiés aux anti-dépresseurs, avec leurs regrets comme seule compagnie ? Pas moi.
Le livre : Sérotonine de Michel Houellebecq (Flammarion, 2019)
« Mes croyances sont limitées, mais elles sont violentes. Je crois à la possibilité du royaume restreint. Je crois à l’amour » écrivait récemment Michel Houellebecq.
Le narrateur de Sérotonine approuverait sans réserve. Son récit traverse une France qui piétine ses traditions, banalise ses villes, détruit ses campagnes au bord de la révolte. Il raconte sa vie d’ingénieur agronome, son amitié pour un aristocrate agriculteur (un inoubliable personnage de roman – son double inversé), l’échec des idéaux de leur jeunesse, l’espoir peut-être insensé de retrouver une femme perdue.
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Ce roman sur les ravages d’un monde sans bonté, sans solidarité, aux mutations devenues incontrôlables, est aussi un roman sur le remords et le regret.
« Sérotonine est un grand miroir brandi devant notre monde : et son reflet nous fait peur. »
Le Soir
« Houellebecq signe le grand roman romantique d'un type en train de mourir de chagrin, dans une civilisation en train de s'éteindre. »
Elle
« Un livre savoureux, urticant, dramatique et léger, qui met la politique au cœur de la vie d'un homme, dût-il s'appeler Florent-Claude. »
Marianne
« On a envie de faire, et refaire ce trajet, car tout est vrai. C’est d’un réalisme absolu, personne n’a jamais été aussi loin dans la représentation du réel. »
Michel Crépu, Le Masque et la plume, France Inter
- Nombre de pages : 352
- Prix : 22 euros
L'auteur : Michel Houellebecq
Romancier, essayiste, poète, considéré par de nombreux critiques comme l’écrivain français le plus marquant de notre époque, il est lu dans le monde entier depuis Extension du domaine de la lutte (1994). Michel Houellebecq a reçu le prix Goncourt pour son roman La Carte et le territoire, en 2010. Soumission, paru en 2015, a suscité admiration et polémique ; il a été un best-seller dans la plupart des pays européens.
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