Arthur Rimbaud, Illuminations : Michel et Christine
Illuminations est publié dans son intégralité, à titre posthume, en 1895. Il reste des zones d'ombre sur ce que Verlaine a appelé « de superbes fragments ». Ces textes auraient été composés vers 1872-1875, selon le récit de Verlaine, mais, il n'y a pas de manuscrit proprement dit, uniquement des feuillets détachés, sans pagination, réunis à l'occasion de publication.
Pour citer l'œuvre : Les Illuminations (1886) , Texte établi par Félix Fénéon , Publications de la Vogue, 1886 (p. 91-93).
MICHEL ET CHRISTINE
Zut, alors, si le soleil quitte ces bords !
Fuis, clair déluge ! Voici l’ombre des routes.
Dans les saules, dans la vieille cour d’honneur,
L’orage d’abord jette ses larges gouttes.
Ô cent agneaux, de l’idylle soldats blonds,
Des aqueducs, des bruyères amaigries,
Fuyez ! plaine, déserts, prairie, horizons
Sont à la toilette rouge de l’orage !
Chien noir, brun pasteur dont le manteau s’engouffre
Fuyez l’heure des éclairs supérieurs ;
Blond troupeau, quand voici nager ombre et soufre,
Tâchez de descendre à des retraits meilleurs.
Mais moi, Seigneur ! voici que mon esprit vole,
Après les deux glacés de rouge, sous les
Nuages célestes qui courent et volent
Sur cent Solognes longues comme un railway.
Voilà mille loups, mille graines sauvages
Qu’emporte, non sans aimer les liserons,
Cette religieuse après-midi d’orage
Sur l’Europe ancienne où cent hordes iront !
Après, le clair de lune ! partout la lande,
Rougis et leurs fronts aux deux noirs, les guerriers
Chevauchent lentement leurs pâles coursiers !
Les cailloux sonnent sous cette fière bande !
— Et verrai-je le bois jaune et le val clair,
L’Épouse aux yeux bleus, l’homme au front rouge, ô Gaule,
Et le blanc Agneau pascal, à leurs pieds chers,
— Michel et Christine. — et Christ ! —fin de l’idylle.
Commentaire de texte d'Arthur Rimbaud : Michel et Christine
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L'auteur : Arthur Rimbaud
Arthur Rimbaud est un poète français, né le 20 octobre 1854 à Charleville et mort le 10 novembre 1891 à Marseille. Bien que brève, la densité de son œuvre poétique fait d'Arthur Rimbaud une des figures premières de la littérature française.
Ce poème de Rimbaud m’a toujours particulièrement plu, par sa puissance évocatrice. Je me suis récemment intéressé à la généalogie de ce texte. Depuis Etiemble, il est admis avec une rare unanimité par tous les spécialistes que « Michel et Christine » est bien le fameux « titre de vaudeville qui dressait des épouvantes » chez le poète, comme l’écrivait, AR, dans « Une saison en enfer » (partie « Alchimie du Verbe »). De façon assez étonnante, la critique n’a jamais cherché plus loin que la référence donnée il y a un lustre par Etiemble, à savoir le vaudeville en 1 acte de Scribe, intitulé de fait « Michel et Christine ».
La simple lecture du vaudeville de Scribe démontre pourtant que cette référence ne peut être la bonne, aucun lien évident entre les 2 oeuvres, sinon, comme le défend Brunel et le reprennent, sans plus d’arguments, tant d’autres après lui, le thème vague et général de « l’idylle ». J’ai toujours trouvé cet argument assez spécieux et plutôt court : l’idylle est le thème central de tant de vaudevilles, pourquoi Rimbaud aurait il choisi celui de Scribe plutôt qu’un autre ?
Un esprit un peu plus critique, une recherche un peu plus poussée auraient permis de découvrir une bien meilleure piste. C’est à ce jeu de pistes que je vous invite sur mon blog : https://rimbaudetaitunautre.home.blog
Le « trésor » est au bout de la quête ! En effet, pour la première fois, nous nous trouvons en présence du texte qui a inspiré Rimbaud dans l’écriture de l’un de ses poèmes (hors les pastiches zutistes, bien entendu). Pour la première fois nous ressentons, de façon sensorielle, la création en marche, son génie d’évocateur d’images !
Circeto