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Mon rêve familier, Verlaine : commentaire de texte

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

Paul Verlaine, Poèmes saturniens, « Mon rêve familier »

Introduction

Poèmes saturniens est le premier recueil publié par Verlaine. Le thème de la fuite du temps y occupe une place centrale. Mais le poète y évoque aussi l’amour impossible. La relation amoureuse est souvent désincarnée, idéalisée, comme dans « Mon rêve familier ». Ce poème mystérieux marque aussi un désir affirmé de modernité poétique. La dimension symboliste confère sa tonalité particulière au texte.

En quoi la musicalité soutient-elle une vision onirique de la femme ? C’est ce que nous examinerons en nous penchant sur l’univers singulier de ce poème. Nous analyserons la figure centrale de la femme et les significations associées. Enfin, nous montrerons comment Verlaine utilise la versification pour créer une musicalité envoûtante.

I – Un univers onirique singulier et mystérieux

Verlaine présente son poème comme le récit d’un rêve qui le hante. L’univers onirique qu’il revendique permet une prise de recul : le texte nous plonge dans un monde étrange et mystérieux, mais ce monde est irréel. La dimension répétitive de l’expérience suggère le caractère obsédant du rêve.

Une expérience qui se répète

Verlaine s’appuie sur une réalité : il arrive que nos rêves nous hantent et que certains motifs ou certaines figures fassent l’objet de plusieurs expériences oniriques. L’adverbe « souvent », au vers 1, marque cette répétition. La fréquence du rêve a pour conséquence de le rendre « familier », comme le suggère le titre. Le début du poème souligne par conséquent la permanence de l’expérience onirique.

Cette expérience est profondément personnelle, comme le souligne l’adjectif possessif « mon » dans le titre du poème. On retrouve la première personne à l’entame de la première strophe : « je fais ». L’expression, placée en début de poème, est d’une grande importance. Elle souligne la dimension profondément personnelle de l’expérience. Le poème se veut fondamentalement lyrique.

Mais la proposition « je fais » rappelle aussi la permanence, à l’aide du présent. Au moment où Verlaine écrit « Mon rêve familier », il est encore visité dans ses songes par la mystérieuse figure féminine qu’il évoque ici. L’impression dominante est celle de l’intemporalité de l’expérience.

Etrangeté et mystère

La dimension temporelle est, nous venons de le voir, d’une grande importance : le poème se place dans un présent intemporel. L’expérience se déroule dans un monde en marge de la temporalité habituelle, comme dans un éternel présent. Le moment du rêve s’en trouve magnifié. Cette étrangeté temporelle se reflète dans l’atmosphère de mystère. Le rêve, au vers 1, est qualifié à la fois « d’étrange » et de « pénétrant ». Peut-être est-ce d’ailleurs en raison de son étrangeté qu’il se fixe dans la mémoire du poète.

L’univers onirique qu’évoque Verlaine relève du paradoxe. C’est ce que nous montre le vers 2. La femme est « inconnue », mais le poète « l’aime » et est aimé en retour. On retrouve d’autres paradoxes dans la suite du poème, par exemple dans cette femme qui n’est « ni tout à fait la même », « ni tout à fait une autre ». Pour souligner ces paradoxes oniriques, Verlaine mise sur les parallélismes de construction. Ils sont nombreux dans la première strophe, dont ils marquent le rythme : « et m’aime et me comprend ».

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La femme elle-même est énigmatique à souhait. Le poète la compare aux défunts, ces « aimés que la vie exila » ou encore à une statue, dans la dernière strophe. L’univers du rêve se rapproche du fantastique, les codes et les repères sont bouleversés. Le poème s’achève sur une vision de l’autre monde, suggérée par « les voix chères qui se sont tues ». 

*

Le rêve de Verlaine évoque un univers inspiré de la littérature fantastique. On y ressent une inquiétude diffuse, mais elle est peu appuyée. On la devine plutôt dans l’étrangeté de l’évocation ou les références au thème de la mort. Cette étrangeté est justifiée par l’évocation d’un rêve. La langue poétique semble particulièrement adaptée pour faire revivre les expériences oniriques de l’écrivain. « Mon rêve familier » apparaît d’emblée comme un poème très personnel, dans lequel les symboles occupent une place centrale.

II – La figure centrale de la femme

Le poème est centré sur la figure de la femme. Cette dernière, comme nous l’avons vu, est auréolée de mystère. Elle semble incarner une énigme, et c’est ce qui explique la présence des paradoxes.

Une apparition onirique

La figure de la femme est présentée comme une apparition mystérieuse. Elle semble en relation avec le monde des morts. D’ailleurs, son apparence physique importe peu. Le portrait en est particulièrement vague : « Est-elle brune, blonde ou rousse ? ». Le poète nous explique qu’il « l’ignore ». On comprend que ces détails physiques, pourtant caractéristiques de la féminité, lui sont indifférents. C’est pour Verlaine le moyen de nous faire entrevoir une figure féminine qui semble désincarnée.

La femme se définit plutôt par ses sentiments et la relation sentimentale qu’elle entretient avec le poète. Elle « aime » le poète, mais surtout, elle le « comprend ». Ce verbe fait la liaison entre la première et la deuxième strophe du sonnet. Nous découvrons une conception particulière et personnelle de l’amour, qui peut se définir comme la capacité à comprendre l’autre. En ce sens, la figure idéalisée de la femme rencontrée en rêve renvoie à la profonde solitude de Verlaine, qui aspire à être compris et donc aimé pour ce qu’il est vraiment.

Le poète emploie de nombreuses fois le connecteur « et » dans son texte. Tout se passe comme s’il rassemblait les morceaux d’une énigme, en emboîtant les informations sur la mystérieuse figure féminine de son rêve : « et que j’aime / et qui m’aime / et qui n’est / et m’aime / et me comprend (strophe 1). L’utilisation de « et est plus diffuse dans la suite du poème, pour revenir en force dans le dernier tercet : « et, pour sa voix / et calme / et grave. »

Interprétation de la figure féminine

Plutôt que par son physique, la femme se définit par les sentiments, mais aussi par des impressions auditives : son nom « est doux et sonore », deux adjectifs qui peuvent aussi renvoyer aux sonorités du poème, avec une accumulation de consonnes sourdes contrastant avec des consonnes sonores. En d’autres termes, la femme tend à se confondre avec la création poétique. Elle suggère les mots et elle y parvient d’autant plus aisément qu’elle « comprend » le poète. La première interprétation possible de la femme consiste donc à la voir comme une muse et une inspiratrice, plutôt qu’une femme réelle.

Néanmoins, la femme rappelle aussi la mère. Il s’agit d’une figure maternelle que Verlaine évoque dans le deuxième quatrain de son sonnet. Le poète semble avoir la fièvre, comme l’indique la référence aux « moiteurs de son front blême ». Il semble un enfant malade que la femme vient consoler : « elle seule les sait rafraîchir, en pleurant ». La femme s’apparente à une figure double, à la fois amante et mère. Elle est consolatrice et transforme le réel, en mettant fin au « problème » du poète. 

Pour évoquer cette dimension de la femme, Verlaine utilise des sonorités douces et berçantes, avec des allitérations en « m » et en « l ». La répétition du son « on », dans « mon front, blonde, nom » rappelle un ronronnement bienfaisant. Figure de la mère et de la muse, la femme évoque aussi l’idéal. C’est en cela qu’il s’agit d’un rêve. Elle se caractérise par l’unicité (« elle seule »). Dans la deuxième moitié du poème, elle rappelle aussi une figure fantastique, revenue de l’au-delà.

*

Le symbolisme attaché à la femme est donc multiple. Elle évoque à la fois le souvenir d’une personne réelle, décédée, qui manque au poète, et l’inspiratrice, une muse poétique qui accompagne l’émergence d’une écriture originale.

III – Une écriture poétique envoûtante qui joue avec les codes de la versification

Nous avons montré que le rêve se répète dans le temps. Cet aspect se reflète dans les nombreuses répétitions présentes dans le poème. Verlaine reprend les mots clés de son expérience, en particulier le verbe « aimer » et le pronom personnel « elle ». Les reprises confèrent au poème un rythme de mélopée envoûtant. 

La permanence dans le changement

Verlaine suggère la permanence associée au changement. Nous avons vu qu’il développe différents paradoxes. En voici un autre. La femme est associée à la permanence, par le biais des répétitions et de la récurrence des thèmes oniriques. Mais la répétition elle-même n’exclut pas l’évolution ou les nuances, ce que résume le parallélisme « ni tout à fait la même / ni tout à fait une autre ».

Le poète en déduit ses choix poétiques. Ainsi, il inscrit son évocation dans le cadre strict du sonnet. Il emprunte donc une forme traditionnelle, tout en veillant à la modifier et à s’en libérer. L’originalité de Verlaine se lit dans la recherche de la musicalité et les effets de rythme. La répétition de « et », que nous avons déjà analysée sur le plan du sens, a aussi une fonction musicale, puisqu’elle rythme la première strophe et souligne la régularité.

La deuxième strophe est quant à elle rythmée par la répétition de « elle seule » (trois fois) et l’anaphore de « pour elle ». La strophe est construite autour d’un jeu d’écho. La permanence du même rêve n’est donc qu’apparente, tout comme l’utilisation d’une forme poétique traditionnelle donne lieu à des variations qui introduisent une floraison de nuances.

La musicalité du poème : jeux de sonorités et apaisement

Le rythme du poème évoque souvent celui d’une berceuse, ce qui rappelle la thématique de la mère. Il est doublé par une recherche sur les sonorités, dont la fonction est de créer l’atmosphère onirique. Aux vers 2 et 3, Verlaine utilise des homophones : « m’aime » et « même ». Le caractère obsédant de l’expérience se ressent dans l’emploi du son « an » : « souvent, étrange, pénétrant, comprend ». L’effet est d’autant plus appuyé que la sonorité se retrouve à la rime dans les deux quatrains.

Toujours à la rime, « aime » et « même » contrastent avec « problème » et « blême ». Ces quatre termes, rapprochés par les sons et la musicalité, apparaissent comme des clés du poème. On note le souhait de stabilité et la recherche de l’amour, contrastant avec la souffrance évoquée dans le deuxième quatrain. Dans les tercets, on retrouve cette opposition sonore, avec deux rimes aux sonorités graves et assourdies (« ores » et « ues »), contrastant avec une sonorité aiguë : « a ».

S’agit-il d’un rêve, comme le suggère le titre du poème, ou plutôt d’un souvenir qui se confond avec les expériences oniriques ? On peut se le demander. Le passé, évoqué par deux verbes, le passé simple « exila » et le passé composé « se sont tues », revit en rêve. L’expérience rêvée est exprimée au présent : « je me souviens ». L’oubli est associé à l’étrangeté inquiétante et à la mort. On comprend dès lors que les sonorités choisies par le poète visent à apaiser la crainte et le sentiment de perte. La poésie elle-même est un antidote à l’oubli et à la solitude.

Conclusion

« Mon rêve familier » est l’une des pièces les plus connues du premier recueil poétique de Verlaine, Poèmes saturniens. Ce poème lyrique explore une expérience onirique répétitive centrée autour d’une femme idéale, à la fois maternelle et inspiratrice. Le rêve apparaît comme un refuge pour le poète, qui veut échapper à une réalité douloureuse et inquiétante. 

Verlaine explore les thèmes de l’oubli et du temps. Il crée une écriture poétique nouvelle, à partir d’anciens motifs et réinvente les effets de la versification. A travers un parallélisme entre le rêve et la poésie, il explore les enjeux de l’écriture. Le texte lui-même n’est pas sans rappeler certains thèmes de Baudelaire et plus particulièrement le poème « A une passante ».

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Commentaires

L'air Doux

Un commentaire composé

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, héla ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
"


Introduction

Dans son sonnet intitulé Mon rêve familier faisant partie des poèmes saturniens, et s’inscrivant spécialement dans le registre des poèmes appelé MELANCHOLIA, appartenant au 19ème siècle, Paul Verlaine, à travers son poème, nous dresse le portait d’une femme exceptionnelle, une femme qui revient quotidiennement dans son rêve. Ne serait-il pas l’effet d’un certain traumatisme du poète, qui serait dû à une mauvaise expérience vécue avec les femmes ! Alors, comment parvient-il à peindre sa femme onirique ? Et quelles sont donc les moyens stylistiques employés dans ce cadre ? Pour analyser ce poème, il serait judicieux de suivre le modèle ci-dessous :

Plan 

A/Un rêve source du bien et du mal
a/Une femme idéale
b/Un rêve accablant
B/La femme et la déception du poète
a/Une femme chimérique
b/Une mélancolie montante

A/Un rêve source du bien et du mal

Le poète avait tellement souhaité voir la vraie femme qui assouvie sa passion, avec des caractéristiques exceptionnelles qui répondent à sa tendance amoureuse ; son souhait, par bonheur, se réalise enfin quoique tardivement et à travers des rêves seulement. Mais l’expérience était éprouvante, mêlée d’angoisses et de souffrance, à cause de ce rêve.

a/ Une femme idéale

Paul Verlaine emploie un ensemble d’outils stylistiques, afin de montrer la concordance existant entre son cœur et l’âme de sa bien aimée. Ainsi ,à partir du premier quatrain, le fait de revoir la même femme plusieurs fois serait synonyme de satisfaction d’entente entre les deux , traduisant en quelque sorte une parfaite compréhension de la femme envers ce dernier ; cela apparaît nettement déjà dans le titre via l’adjectif « familier » soulignant l’idée de la répétition du rêve .Cela est rendu également dans le vers1: « je fais souvent» par le présent de l’habitude, et l’adverbe de temps , souvent , qui favorisent la signification de la durée et l’habitude .Par ailleurs , l’allitération de la même consonne, relevée dans le verbe « aimer », vacillant avec les pronoms « je  » et «me » montre cet amour réciproque : «  que j’aime et  qui m’aime ». (les vers 2 et 4). 
La raison de l’admiration de Verlaine est dû principalement à une compréhension surprenante de la femme pour lui : « et me comprend »(v.4 ) ;illustrée par la conjonction de cause « car »( v. 5) ;et la restriction de cette compréhension est un privilège, lié seulement à la femme de Verlaine : elle est mise en valeur par le biais de l’anaphore « pour elle seule » ,employée successivement (dans les vers 6 et 7), qui a pour but stylistique l’insistance sur une femme onirique unique dans son caractère, un être seul sachant consoler le poète, non pas seulement par les paroles ; mais par l’intermédiaire de ses larmes qui sont l’expression du cœur, l’expression la plus sincère et la plus consolatrice qui puisse exister chez les femmes. Du début jusqu’à la fin du poème, on constate qu’il n’arrive à s’aimer, et être compris et même soulagé de ses peines, que par cette femme. S’il nous est difficile de trouver des femmes identiques à nous ! Combien fut-il inconcevable pour un poète ayant un passé si douloureux avec sa femme, de vouloir discerner une étoile au milieu d’un ciel assez sombre ! Ainsi, le cœur de sa bien aimée, semble inclus dans celui du poète : c’est un amour fabuleux, partant du principe, qu’il est invraisemblable de trouver une amante qui puisse comprendre son amant ou rafraîchir ses peines comme, si c’était le poète lui même.

b/Un rêve accablant

Ces redondances qui ponctuent le poème, d’ordre stylistiques, dégagées surtout dans la première et la deuxième strophe, sont aussi bien synonymes d’une trouvaille fortuite d’une femme idéale, traduisant d’une manière ou d’une autre la joie du poète de tomber sur celle qui puisse assouvir son goût ; lequel était toujours voué à l’échec , vu sa défaite psychique après sa séparation avec son épouse; aussi bien des signes alarmants d’une douleur qui s’installe petit à petit dans son cœur : le poète nous l’explique par un procédé stylistique appelé la résonance imitant en quelque sorte le rythme du rêve ainsi que le balancement du chagrin et de monotonie :Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant.v.1).En fait, notre poète a été hanté, même dans ses rêves, par son amour. La femme est devenue un cauchemar troublant ces moments de paix, même dans son sommeil.C’était, en réalité, un rêve qui traverse toute sa pensée ; tant par sa continuité que montre le présent et l’adverbe, souvent, ainsi que par l’étrangeté du rêve , puisqu' ils sont à double signification montrant encore l'ennui et l’amertume du poète (vers 1).
Le poète montre également l’incohérence de cette femme via l’enjambement de l’adjectif « inconnue » source du chagrin , qui est mis en valeur dans le vers 2, marquant la contradiction de sa signification avec un amour proportionnel entre deux êtres, dans la 2ème partie du même vers : (« et que j'aime, et qui m'aime»). Par ailleurs, l’incohérence de l’image et l’incapacité de la fixer exactement, expliquées par l’adverbe de négation (les vers 3et4), contraste avec l’amour et la compréhension de la femme pour notre poète. Enfin, ce rêve est encore douloureux ; car la femme n’est plus la même, comme ce n’est plus une autre ! D’où l’étrangeté du rêve.
Finalement , on se rend compte de la complexité de ce rêve à double tranchant qui , comme il est source de satisfaction du poète ; il est encore , à cause de son étrangeté et sa pénibilité, une source du malheur.

B/Une femme chimérique décevante

Cette femme onirique complexe traduit la mélancolie et la déception du poète.

a/Une femme chimérique

Si du point de vue sentimental, la femme onirique semble idéale, il n’en demeure pas moins vrai qu’en tant que forme et traits physiques, la femme reste toujours floue et vague. Le poète n’a jamais connu une créature aussi vague et indéfinie que celle-ci. Par ailleurs, il ignore sa couleur (Tercet 1,v.1).Il se rappelle seulement son nom ; non pas concrètement ses lettres ou ses syllabes, mais juste l’effet de celui-ci (tercet 1, v.2). Sa femme ne fut plus alors concrète : Elle était plutôt d’une nature fabuleuse ; elle se réfère à un monde de bonheur et d’extase .Paul Verlaine fait appel à une figure stylistique de comparaison, puisqu'elle est une forme très connue, rapprochant leur amour  « à ceux des aimés que la vie exila » (tercet 1, v.3). C'est-à-dire : ceux lus seulement dans les contes d’amour exemplaire et qu’on a souvent souhaité vivre comme eux ! ceux que la mort, au lieu de les faire oublier les uns les autres,   intensifie leur amour d’avantage! La femme onirique devient donc une image allégorique d’un amour parfait, existant dans son ultime forme, dans ses limites extrêmes qui n’apparaissent donc que dans les symboles ou les statues (tercet 2 v.1.), avec un regard comparé au regard des statues : un regard féminin suggérant tout et pouvant tout signifier , comblant son goût ; Contrairement au regard figé de la réalité qui est plus ou moins vicieux. De même, il insiste sur l’idée de la distance à l’aide d’une sorte d’énumération mettant en relief, entre deux virgules, l’adjectif lointaine .C’est la voix de celui qui rêve ou une voix émanant d’un monde étrange  pour signifier sa dépendance au poète : « Pour sa voix, lointaine, et calme, et grave.. ». ( tercet 2, vers2). Dans ce vers avec une sorte de polysyndète répétant la conjonction de coordination « et », le poète explique les caractéristiques de cette voix lointaine ressemblant à l’écho, via l’adjectif « calme » qui inspire admiration, et crédibilité, et confiance ! l’adjectif grave est associée donc au terme précédent pour montrer l'effet de la distance de cette voix sur son âme. Quoique une voix grave est rarement trouvée chez les femmes ordinaires  ; Verlaine nous fait rappeller en quelque sorte l’Opéra de contralto, chaude et profonde et ronde , chantée à la disparation des aimés  pour montrer que ces deux adjectifs sont là pour définir les sentiments qu’inspire cette voix lointaine. Il s’agit donc d’une espèce de représentation symbolique de l’amour par la mélodie de la voix.
La femme devient alors dans ce paragraphe insaisissable contrairement à la première et la deuxième strophe, elle appartient donc au royaume des morts, elle est juste une âme qui aurait rejoint celle du poète dans ses rêves . Une femme qui perd petit à petit son existence aux derniers tercets‚ ne pourrait que perturber sur son émotionnel.

b/Une mélancolie montante

Le poète commece à exprimer sa déception envers cette femme dès le début , puisque le poète n’arrive jamais à la connaître! Hélas, dit le poète, regrettant que la femme qui arrive à le rafraîchir, appartienne à un monde irréel .Il est perturbé par sa forme qui change à chaque fois, sans qu’il fût une autre. Il est bouleversé encore par sa couleur qui est insaisissable: tantôt rousse, tantôt blonde, tantôt brune. Dommage que son nom exprime toute la beauté; alors qu'elle fut insaisissable! En plus quelque doux et sonore que puisse paraître son nom , ces adjectifs montrent ici l’ultime expression du charme perdu, un bonheur spirituel introuvable (tercet2.v.2). Quant au vers3 du tercet2, il enjambe sur le vers 2 pour accentuer le genre de voix qui est assimilé aux voix les plus chères au cœur de Verlaine, déjà entendues, mais ,disparues de sa vie ,il y a belle lurette : le passé simple sonne ici la cruelle séparation des amants, par la mort.Quant à sa voix ,elle est déjà tue, cependant son inflexion résonne encore aux oreilles du poète, vu l’emploi du passé composé qui a un rapport avec le présent ,insistant si bien sur cet effet via l’enjambement du vers :« L'inflexion des voix chères qui se sont tues. » (Tercet 2, v.3) ; sollicitant le retour à l’amertume de la vie réelle.
A la fin de cette partie nous remarquons que la femme devient de plus en plus difficile à connaître,encore difficile à contenir, voire même inexistante en chair et en os ; elle est assimilée aux morts qui sont déjà disparues il y longtemps: cela est rendu par le biais du passé simple ; ce qui évapore toutes les chances du poète et le déçoit complètement.

Conclusion

Dans ce poème, à l’instar des Poèmes Saturniens de Paul Verlaine, on remarque le renforcement de la fugitivité de l’amour, et l’éphémérité de la beauté, en mettant l’accent sur la métamorphose de la femme, pareillement à la plupart des poèmes saturniens dont le poème femme et chatte en est un exemple : on a souvent constaté que la femme, qui était sujet du désir au début du poème, se métamorphose à la fin du poème en être décevant ,en animal sauvage, à l’aide d’un vocabulaire hétérogène pour mieux ressortir les contrastes. De même, le portrait de cette femme onirique s’avère contradictoire. Nous avons tantôt l’image de la femme idéale, sujet de recherche et d'admiration du poète, tantôt celle d’un être chimérique irréelle ou abstraite. La vraie femme, ne serait-ce pas alors le fruit de son rêve qui le martyre chaque nuit! On a déjà souligné qu’au fur et mesure qu’on arrive aux deux tercets derniers, on découvre que la femme qui le comprend, s’évapore progressivement. Ne serai-ce donc pas la transcendance de son âme ,ainsi que les palpitations de son cœur qui apparaissent pendant le rêve qui sont à l’origine de cette compréhension et peut- être le secret de cet amour chimérique ?

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