Langue française : que proposent les candidats à l'élection présidentielle ?
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Le thème de la langue française, au cours de cette course à la présidentielle 2022, est souvent réduit à la simple question de l’écriture inclusive. Pourtant, il est aussi question de francophonie, de l’hégémonie de l’anglais en Europe, du niveau du français à l’école ou encore de la défense des langues régionales. Entre le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron et les déclarations des principaux candidats : mise au point.
« Emmanuel Macron est un homme eurocentré qui ne comprend pas les enjeux liés à la francophonie », répondait l’équipe de Jean-Luc Mélenchon à notre question sur le bilan du quinquennat au sujet de la langue française (interview du 15/02/2022). Qu’a fait Emmanuel Macron pour la langue française – sur notre territoire et dans le monde – durant ses cinq années à la tête du pays ? Et quelles sont les prises de position des principaux candidats à la présidentielle sur ce sujet ?
Francophonie pour tous
En 2018, à Erevan, Emmanuel Macron (LREM) prononçait un discours à l’occasion du sommet de la francophonie. Il y affirmait vouloir défendre le plurilinguisme, mais aussi une langue plus inclusive (elle doit être « féministe » et davantage accessible aux pays francophones à travers le monde). La page officielle de l’Elysée se targue des nombreux projets mis en place par le gouvernement pendant ce quinquennat, notamment dans le domaine de l’éducation (programme APPRENDRE, plateforme Imaginécole – qui « vise à soutenir la continuité pédagogique d'urgence en Afrique francophone » ou encore la plateforme franceducation.fr). L’innovation numérique n’est pas en manque, avec le lancement du Dictionnaire des francophones en ligne.
La plupart des candidats à la présidentielle restent pour le moment assez discrets sur la place de la langue française dans les pays francophones1. À l’exception de Christiane Taubira qui, lors d’une rencontre avec les élèves du Lycée français de Singapour (entretien donné au site web Le Petit Journal, actualité des expatriés français et francophones) donnait son avis sur la francophonie : « Il s’agit d’un partage au sens où le français que l’on parle par exemple en République Démocratique du Congo est chargé des langues natives, chargé de toutes les cultures orales, des mythes, de tout ce qui fait le Congo dans sa longue histoire. » La candidate de gauche soutient donc une ouverture de la langue française à la diversité et au plurilinguisme, tout comme Jean-Luc Mélenchon (LFI) qui souhaite « l’émergence d’une véritable communauté politique francophone, non alignée, à la fois souveraine, altermondialiste et solidaire. »
En outre, tout n'a pas été parfait pendant ce quinquennat : le Sommet de la francophonie qui devait avoir lieu sur l’île de Djerba (Tunisie) en novembre 2021 a été reporté et l’inauguration de la Cité internationale de la langue française (à la suite des travaux de restauration du château de Villers-Cotterêts), prévue originellement pour mars 2022, tarde. Enfin, l’un des sujets-clés, souvent pointé du doigt par les adversaires d’Emmanuel Macron, est la place prépondérante prise par l’anglais, non seulement au niveau des institutions européennes et internationales, mais jusque dans certaines structures françaises (publicité, entreprises, divertissement).
L’hégémonie anglophone
« Non seulement, [Emmanuel Macron] n’a rien fait pour faire respecter la loi Toubon (qui désigne la langue française comme langue d’enseignement, du travail, des échanges et des services publics, ndlr) qui est quotidiennement foulée aux pieds dans le commerce, la télévision, la publicité, mais il a donné plus d’une fois le mauvais exemple. N’est-il pas le président qui entendait faire de la France une « start-up nation » ? Ce ralliement au tout anglais pose un problème majeur de démocratie », constate Fabien Roussel (PCF) devant le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron.
Prépondérance de l’anglais au Conseil de l’Union Européenne, à la Commission européenne, au Parlement européen, dans les groupes et réunion de travail informelles ; anglicismes et franglais dans les entreprises, les mairies, les universités, dans la publicité, sur les réseaux… Bien que la langue française soit la cinquième langue la plus parlée sur terre « par le nombre de ses locuteurs et la seule, avec l’anglais, à être présente sur cinq continents », selon l’Observatoire de la francophonie, force est de constater que l’usage de l’anglais progresse, jusque dans les paroles des responsables politiques.
Face à ce constat, l’Académie française réagit vivement. Après avoir exigé le retrait des mentions anglaises sur la nouvelle carte d’identité française, l’Académie met en garde contre la perte de clarté due à cette utilisation abusive de l’anglais dans les communications institutionnelles, dans un rapport rendu public le 15 février 2022.
Qu’en disent les candidats ? Éric Zemmour (Reconquête) est catégorique : « Le français doit redevenir la langue de l’Union Européenne », déclarait-il déjà en février 2021 sur CNews. Position qu’il n’a eu de cesse de réaffirmer depuis. Jean-Luc Mélenchon (LFI), quant à lui, affirme vouloir exiger « l’utilisation du français dans les institutions internationales où il est l’une des langues officielles. » On peut noter que Valérie Pécresse (LR) milite elle pour l’entrée de Molière au Panthéon… Enfin, Marine Le Pen (RN) se dit favorable à un usage exclusif du français dans la communication et la publicité (Le Monde).
Occitan, langue d’oïl & cie
Le gouvernement d’Emmanuel Macron a pris la défense de l’enseignement des langues régionales en assurant qu’elles étaient « un trésor national. Toutes, qu’elles soient issues de nos régions en métropole ou de nos territoires d’outre-mer, ne cessent d’enrichir notre culture française » (Le Monde) : en témoigne le vote de la loi Molac, en mai 2021, qui est censée assurer la protection et la promotion des langues régionales. Cependant, un débat subsiste au sujet de l’enseignement dit « immersif », que la loi Molac rejette.
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Devenir premiumJean Lassalle (Résistons) et Yannick Jadot (EELV) sont de fervents défenseurs de l'enseignement dans une autre langue que le français. Le candidat EELV se dit prêt à changer la Constitution (« La langue de la République est le français », art. 2) afin d’assurer « la diversité linguistique » (Ouest France). Jean-Luc Mélenchon, comme la plupart des candidats, défend de façon plus modérée la survie des langues régionales qui font partie du patrimoine français, en désirant « permettre à chaque élève l'accès à un large choix de langues étrangères, régionales (en fonction des académies) et anciennes dans les établissements publics. »
Par ailleurs, EELV et LFI défendent le FALC (Facile à lire et à comprendre)2. L’école semble en effet être le terrain par excellence du débat au sujet de la langue française, dans laquelle l’écriture inclusive a tenté de s’immiscer.
Pour une langue « féministe » ?
L’écriture inclusive est loin d’être un sujet consensuel. Alors qu’Emmanuel Macron évite de s’en servir lors de ses déclarations écrites et que Jean-Michel Blanquer a interdit son utilisation dans les écoles en mai 2021, une ligne de division assez nette apparaît chez les candidats. La droite crie haro sur une possible généralisation de son utilisation dans les documents administratifs et au sein des institutions, alors qu’au sein de la gauche, son utilisation est bien plus acceptée, voire revendiquée.
Ainsi, Marine Le Pen (RN) déclarait à Villers-Cotterêts (Aisne), en février 2022 : « Nous interdirons l'écriture inclusive à l'école, à l'université et dans les administrations ». Une position partagée par Valérie Pécresse mais aussi Éric Zemmour qui, à Nîmes en octobre 2021, affirmait vouloir « conserver notre langue, la plus belle du monde, la plus claire, nous voulons la protéger de l’influence américaine, maghrébine et de l’écriture inclusive. »
De l’autre côté, Yannick Jadot et Anne Hidalgo (PS) sont partisans de son utilisation, comme le détaille un article du Figaro. Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, adopte une voie médiane : « Si ce type d’écriture permet de contrer l’invisibilisation des femmes et de permettre à des personnes de mieux s’approprier leur langue, alors elle est utile. Néanmoins, nous comprenons les problèmes que cela peut poser, notamment pour les personnes en situation de handicap ou les personnes dyslexiques et dysorthographiques. »
Toujours est-il que le grand défi de la langue française, au cœur de cette campagne présidentielle, dépasse la simple question de l’écriture inclusive – qui reste encore, nous le rappelons, minoritaire et cause de nombreuses complications pratiques. En effet, la défense de la francophonie est une gageure tout autant culturelle que politique : il s’agit, pour la langue française, de faire contrepoids à l’inflation de l’hégémonie anglophone, notamment au sein d’une puissance telle que l’Union Européenne.
Fut un temps (en 1887 exactement), Louis-Lazare Zamenhof, sous le pseudonyme de Doktoro Esperanto, avait proposé une alternative avec l'espéranto, avec pour ambition d’en faire un langage universel (le programme EELV prévoit d’ailleurs de remettre l’espéranto au goût du jour en proposant son enseignement à l’école). Aujourd’hui, c’est au tour de l’Académie latine de soumettre son projet : le Nove Latina, un latin simplifié pour donner une langue commune, riche et égalitaire à l’Europe. Alea jacta est ?
(1) Certains candidats, qui se présentent à nouveau en 2022, s’étaient déjà prononcés en 2017 sur le sujet. Jean Lassalle, et son mouvement Résistons, avait déclaré : « Notre langue, partagée avec les pays francophones, entretient un cousinage culturel précieux. Nous devons demain redevenir des partenaires et des alliés, dans un même dessein enfin apaisé ». Philippe Poutou (NPA), quant à lui, affirmait : « On ne peut pas faire table rase des cultures communes, de la langue ».
(2) Le facile à lire et à comprendre (FALC) est une méthode qui a pour but de traduire un langage classique en langage compréhensible par tous. Le texte ainsi simplifié peut être compris par les personnes handicapées mentales, mais aussi par d’autres comme les personnes dyslexiques, malvoyantes, les personnes âgées, les personnes qui maîtrisent mal le français. » (Mon Parcours Handicap)
Bonsoir,
Une petite précision sur l'orthographe d'un mot dans le chapitre "Francophonie pour tous" : un " e" final est-il nécessaire à "bémol"?
D'autre part, le verbe entacher s'applique-t'il bien à cette action sur le tableau du quinquennat. Un bémol " met une ombre ", ou tout autre terme caractérisant l'action de baisser un terme d'un demi-ton (et non de souiller, salir ).
Je sais : il s'agit là d'une broutille, mais nous sommes sur un site qui se doit d'être la perfection dans la langue française ( d'où le titre du site ).
Bien amicalement
André Gouttin