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Citations sur le ces
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Vers le matin, en tout cas, les premiers jours, une vapeur épaisse et nauséabonde planait sur les quartiers orientaux de la ville. De l'avis de tous les médecins, ces exhalaisons, quoique désagréables, ne pouvaient nuire à personne.
Albert Camus — La Peste -
Mais le contact de ce corps raidi, de ces bras crispés, lui communiqua la secousse de son indicible torture. L’énergie et la force dont elle retenait avec ses doigts et avec ses dents la toile gonflée de plumes sur sa bouche, sur ses yeux et sur ses oreilles pour qu’il ne la vît point et ne lui parlât pas, lui firent deviner, par la commotion qu’il reçut, jusqu’à quel point on peut souffrir. Et son coeur, son simple coeur, fut déchiré de pitié. Il n’était pas un juge, lui, même un juge miséricordieux, il était un homme plein de faiblesse et un fils plein de tendresse. Il ne se rappela rien de ce que l’autre lui avait dit, il ne raisonna pas et ne discuta point, il toucha seulement de ses deux mains le corps inerte de sa mère, et ne pouvant arracher l’oreiller de sa figure, il cria, en baisant sa robe : « Maman, maman, ma pauvre maman, regarde-moi ! » Elle aurait semblé morte si tous ses membres n’eussent été parcourus d’un frémissement presque insensible, d’une vibration de corde tendue. Il répétait : « Maman, maman, écoute-moi. Ça n’est pas vrai. Je sais bien que ça n’est pas vrai. » Elle eut un spasme, une suffocation, puis tout à coup elle sanglota dans l’oreiller. Alors tous ses nerfs se détendirent, ses muscles raidis s’amollirent, ses doigts s’entrouvrant lâchèrent la toile ; et il lui découvrit la face. Elle était toute pâle, toute blanche, et de ses paupières fermées on voyait couler des gouttes d’eau.
Maupassant — Pierre et Jean (1888) -
C'est encore ces gogos-là qui seront les dindons de la farce, comme dit Robert-Macaire.
Eugène Sue — Les Mystères de Paris -
Vous avez empoigné les crins de la DéesseAvec un tel poignet, qu’on vous eût pris, à voirEt cet air de maîtrise et ce beau nonchaloir, Pour un jeune ruffian terrassant sa maîtresse.L’œil clair et plein du feu de la précocité, Vous avez prélassé votre orgueil d’architecteDans des constructions dont l’audace correcteFait voir quelle sera votre maturité.Poëte, notre sang nous fuit par chaque pore ;Est-ce que par hasard la robe de Centaure, Qui changeait toute veine en funèbre ruisseau, Était teinte trois fois dans les baves subtilesDe ces vindicatifs et monstrueux reptilesQue le petit Hercule étranglait au berceau ?
Baudelaire — Les Fleurs du mal -
Le thème personnel et ses variations trop répétées ont épuisé l’attention ; l’indifférence s’en est suivie à juste titre ; mais s’il est indispensable d’abandonner au plus vite cette voie étroite et banale, encore ne faut-il s’engager en un chemin plus difficile et dangereux, que fortifié par l’étude et l’initiation. Ces épreuves expiatoires une fois subies, la langue poétique une fois assainie, les spéculations de l’esprit, les émotions de l’âme, les passions du cœur, perdront-elles de leur vérité et de leur énergie, quand elles disposeront de formes plus nettes et plus précises ? Rien, certes, n’aura été délaissé ni oublié ; le fonds pensant et l’art auront recouvré la sève et la vigueur, l’harmonie et l’unité perdues. Et plus tard, quand les intelligences profondément agitées se seront apaisées, quand la méditation des principes négligés et la régénération des formes auront purifié l’esprit et la lettre, dans un siècle ou deux, si toutefois l’élaboration des temps nouveaux n’implique pas une gestation plus lente, peut-être la poésie redeviendra-t-elle le verbe inspiré et immédiat de l’âme humaine. En attendant l’heure de la renaissance, il ne lui reste qu’à se recueillir et à s’étudier dans son passé glorieux.L’art et la science, longtemps séparés par suite des efforts divergents de l’intelligence, doivent donc tendre à s’unir étroitement, si ce n’est à se confondre. L’un a été la révélation primitive de l’idéal contenu dans la nature extérieure ; l’autre en a été l’étude raisonnée et l’exposition lumineuse. Mais l’art a perdu cette spontanéité intuitive, ou plutôt il l’a épuisée ; c’est à la science de lui rappeler le sens de ses traditions oubliées, qu’il fera revivre dans les formes qui lui sont propres.
Leconte de Lisle — Poèmes antiques -
Vous me condamnez à rester dans l'histoire comme un de ces personnages abjects, odieux, qui ont gravement offensé les écrivains et que la littérature voue aux gémonies…
Jean-Marie Rouart — Nous ne savons pas aimer -
Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais : Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres.Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre. On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir. Il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité, que les peuples d'Asie, qui font les eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une façon plus marquée.On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d'une si grande conséquence, qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.Une preuve que les nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui, chez les nations policées, est d'une si grande conséquence.Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.De petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains. Car, si elle était telle qu'ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions, d'en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié ?
Montesquieu — De l’Esprit des lois. -
Il ne croit pas, ce geôlier, que j’aie à me plaindre de lui et de ses sous-geôliers. Il a raison. Ce serait mal à moi de me plaindre ; ils ont fait leur métier, ils m’ont bien gardé ; et puis ils ont été polis à l’arrivée et au départ. Ne dois-je pas être content ? Ce bon geôlier, avec son sourire bénin, ses paroles caressantes, son œil qui flatte et qui espionne, ses grosses et larges mains, c’est la prison incarnée, c’est Bicêtre qui s’est fait homme. Tout est prison autour de moi ; je retrouve la prison sous toutes les formes, sous la forme humaine comme sous la forme de grille ou de verrou. Ce mur, c’est de la prison en pierre ; cette porte, c’est de la prison en bois ; ces guichetiers, c’est de la prison en chair et en os. La prison est une espèce d’être horrible, complet, 129 indivisible, moitié maison, moitié homme. Je suis sa proie ; elle me couve, elle m’enlace de tous ses replis. Elle m’enferme dans ses murailles de granit, me cadenasse sous ses serrures de fer, et me surveille avec ses yeux de geôlier. Ah ! misérable ! que vais-je devenir ? qu’estce qu’ils vont faire de moi ?
Victor Hugo — Le dernier jour d’un condamné -
C’est une chose étrange à la fin que le mondeUn jour je m’en irai sans en avoir tout ditCes moments de bonheur ces midi d’incendieLa nuit immense et noire aux déchirures blondes […]Il y aura toujours un couple frémissantPour qui ce matin-là sera l’aube premièreIl y aura toujours l’eau le vent la lumièreRien ne passe après tout si ce n’est le passant […]Malgré tout je vous dis que cette vie fut telleQu’à qui voudra m’entendre à qui je parle iciN’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merciJe dirai malgré tout que cette vie fut belle
Louis Aragon — Les Yeux et la mémoire -
Quand j’essaye de faire le compte de ce que je dois au côté de Méséglise, des humbles découvertes dont il fut le cadre fortuit ou le nécessaire inspirateur, je me rappelle que c’est cet automne-là, dans une de ces promenades, près du talus broussailleux qui protège Montjouvain, que je fus frappé pour la première fois de ce désaccord entre nos impressions et leur expression habituelle.
Marcel Proust — Du côté de chez Swann -
Mais un bon averti en vaut deux ; ces injures il les a repoussées du pied, ajouta-t-il plus énergiquement encore, et avec un regard si farouche que nous cessâmes un instant de manger. Comme dit un beau proverbe arabe « Les chiens aboient, la caravane passe. » Après avoir jeté cette citation, M. de Norpois s’arrêta pour nous regarder et juger de l’effet qu’elle avait produit sur nous.
Marcel Proust — À la recherche du temps perdu -
« Eh après tout, vous n’avez qu ’à vous répéter le proverbe arabe “Les chiens aboient, la caravane passe.” » Ce conseil que m’avait donné Gide m’est revenu bien des fois à la mémoire. Et à l’occasion je me représente (sur le mode romantique le plus désuet) comme un vagabond à l’échelle de la planète, un de ces voyageurs en train d’errer la nuit au milieu du désert, et passant près de campements désolés aux feux éteints, où de farouches natifs sont tapis (…)
Truman Capote — Les chiens aboient -
Le séjour que j’ai fait en ce lieu et l’attention soutenue que j’ai portée à ce qui s’y passait ont compté grandement dans ma vie et ont eu sans doute une influence décisive sur le déroulement de ma pensée. C’est là (…) que j’ai pu expérimenter sur les malades les procédés d’investigation de la psychanalyse, en particulier l’enregistrement (…) des rêves et des associations d’idées incontrôlées. On peut déjà observer en passant que ces rêves, ces catégories d’associations constitueront, au départ, presque tout le matériel surréaliste.
André Breton — Entretiens -
Le 4 octobre dernier [1926], à la fin d’un de ces après-midi tout à fait désœuvrés et très mornes, comme j’ai le secret d’en passer, je me trouvais rue Lafayette : après m’être arrêté quelques minutes devant la vitrine de la librairie de L’Humanité et avoir fait l’acquisition du dernier ouvrage de Trotski, sans but je poursuivais ma route dans la direction de l’Opéra. Les bureaux, les ateliers commençaient à se vider, du haut en bas des maisons des portes se fermaient, des gens sur le trottoir se serraient la main, il commençait tout de même à y avoir plus de monde. J’observais sans le vouloir des visages, des accoutrements, des allures. Allons, ce n’étaient pas encore ceux-là qu’on trouverait prêts à faire la Révolution. Je venais de traverser ce carrefour dont j’oublie ou ignore le nom, là, devant une église. Tout à coup, alors qu’elle est peut-être encore à dix pas de moi, venant en sens inverse, je vois une jeune femme, très pauvrement vêtue, qui, elle-aussi, me voit ou m’a vu. Elle va la tête haute, contrairement à tous les autres passants. Si frêle qu’elle se pose à peine en marchant.
André Breton — Nadja -
En un sens, j’ai fait chou blanc, dit Panici. Chat échaudé craint l’eau froide et les Croates qu’on a vus hier leur ont fait peur. Cette compagnie qui fouillait les buissons cherchait la bande d’un nommé Carmine Crocco qui tient les bois dans ces parages. C’est un paysan qui s’est dit « Pourquoi pas moi ? ».
Jean Giono — Le bonheur fou -
Je ne répondais plus à aucune invitation en week-end. Ce n’était pas que ces vastes maisons à la campagne ne me faisaient pas envie, mais comme on dit, chat échaudé craint l’eau froide. Une grange, une étable même m’auraient très bien convenu, mais seule, tranquille. Je grognais toujours dans mon sommeil, une fois même je dois avouer que j’ai uriné sous moi.
Marie Darrieussecq — Truismes -
[…] [ces] mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de la conscience ; ils sont à l’origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu’il est possible de définir. Ils me paraissaient et me paraissent encore définir la source secrète de notre existence. […] A ces mouvements qui existent chez tout le monde et peuvent à tout moment se déployer chez n’importe qui, des personnages anonymes, à peine visibles, devaient servir de simple support.
Nathalie Sarraute — Le Langage dans l’art du roman -
Rien ne devait en distraire le lecteur : ni caractères de personnages, ni intrigue romanesque à la faveur de laquelle, d’ordinaire, ces personnages se développent, ni sentiments connus et nommés.
Nathalie Sarraute — Le Langage dans l’art du roman -
Fort de ses trois ans d’expérience, Franck pense qu’il existe des conducteurs sérieux, même parmi les noirs. A… est aussi de cet avis, bien entendu. Elle s’est abstenue de parler pendant la discussion sur la résistance comparée des machines, mais la question des chauffeurs motive de sa part une intervention assez longue et catégorique. Il se peut d’ailleurs qu’elle ait raison. Dans ce cas, Franck devrait avoir raison aussi. Tous les deux parlent maintenant du roman que A… est en train de lire, dont l’action se déroule en Afrique. L’héroïne ne supporte pas le climat tropical (comme Christiane). La chaleur semble même produire chez elle de véritables crises :“C’est mental, surtout, ces choses-là”, dit Franck. Il fait ensuite une allusion, peu claire pour celui qui n’a pas feuilleté le livre, à la conduite du mari. Sa phrase se termine par “savoir la prendre” ou “savoir l’apprendre”, sans qu’il soit possible de déterminer avec certitude de qui il s’agit, ou de quoi. Franck regarde A…, qui regarde Franck. Elle lui adresse un sourire rapide, vite absorbé par la pénombre. Elle a compris, puisqu’elle connaît l’histoire. Non, ses traits n’ont pas bougé. Leur immobilité n’est pas si récente : les lèvres sont restées figées depuis ses dernières paroles. Le sourire fugitif ne devait être qu’un reflet de la lampe, ou l’ombre d’un papillon. Du reste, elle n’était déjà plus tournée vers Franck, à ce moment-là. Elle venait de ramener la tête dans l’axe de la table et regardait droit devant soi, en direction du mur nu, où une tache noirâtre marque l’emplacement du mille-pattes écrasé la semaine dernière, au début du mois, le mois précédent peut-être, ou plus tard. Le visage de Franck, presque à contre-jour, ne livre pas la moindre expression. Le boy fait son entrée pour ôter les assiettes. A… lui demande, comme d’habitude, de servir le café sur la terrasse. Là, l’obscurité est totale. Personne ne parle plus. Le bruit des criquets a cessé.
Alain Robbe-Grillet — La Jalousie -
Et Blum : « Et alors … » (mais cette fois Iglésia n’était plus là : tout l’été ils le passèrent une pioche (ou, quand ils avaient de la chance, une pelle) en main à des travaux de terrassement puis au début de l’automne ils furent envoyés dans une ferme arracher les pommes de terre et les betteraves, puis Georges essaya de s’évader, fut repris (par hasard, et non par des soldats ou des gendarmes envoyés à sa recherche mais – c’était un dimanche matin – dans un bois où il avait dormi, par de paisibles chasseurs), puis il fut ramené au camp et mis en cellule, puis Blum se fit porter malade et rentra lui aussi au camp, et ils y restèrent tous les deux, travaillant pendant les mois d’hiver à décharger des wagons de charbon, maniant les larges fourches, se relevant lorsque la sentinelle s’éloignait, minables et grotesques silhouettes, avec leurs calots rabattus sur leurs oreilles, le col de leurs capotes relevé, tournant le dos au vent de pluie ou de neige et soufflant dans leurs doigts tandis qu’ils essayaient de se transporter par procuration c’est-à-dire au moyen de leur imagination, c’est-à-dire en rassemblant et combinant tout ce qu’ils pouvaient trouver dans leur mémoire en fait de connaissances vues, entendues ou lues, de façon-là, au milieu des rails mouillés et luisants, des wagons noirs, des pins détrempés et noirs, dans la froide et blafarde journée d’un hiver saxon – à faire surgir les images chatoyantes et lumineuses au moyen de l’éphémère, l’incantatoire magie du langage, des mots inventés dans l’espoir de rendre comestible – comme ces pâtes vaguement sucrées sous lesquelles on dissimule aux enfants les médicaments amers – l’innommable réalité dans cet univers futile, mystérieux et violent dans lequel, à défaut de leur corps, se mouvaient leur esprit: quelque chose peut-être sans plus de réalité qu’un songe, que les paroles sorties de leurs lèvres: des sons, du bruit pour conjurer le froid, les rails, le ciel livide, les sombres pins.
Claude Simon — La Route des Flandres