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Selon Jorge Luis Borges, le genre littéraire qu'est le "roman d'imagination raisonnée" est apparu pour la première fois en espagnol dans cette oeuvre. (...) Ce roman qui triomphe de l'association habituellement établie entre la fantaisie et la brièveté, explore une thèse unique : la possibilité d'enregistrer les sentiments et les événements d'une vie puis de les reproduire mécaniquement pour tous. (...) La fantaisie joue ainsi sur l'approche littéraire. Fable qui traite de l'immortalité et du désir de préserver les souvenirs du bonheur, L'invention de Morel est aussi un conte humoristique sur la perception erronée de soi, une parodie de l'ambiguïté et de la fidélité en amour, ainsi que l'un des premiers exemples littéraires situés aux confins de la fiction. (...) Adolfo Bioy Casares - L'invention de Morel Jean d'Ormesson — Les 1001 livres qu'il faut avoir lus dans sa vie
L'Elégance du hérisson est une promenade philosophique, une réflexion sur le sens de la vie, qui offre au lecteur des sensations multiples et inattendues. Ce roman, à l'écriture élégante et vivante, légère et grave à la fois, nous emporte avec entrain dans un monde riche, subtil et drôle. On tombe sous le charme de ce hérisson. Jean d'Ormesson — Les 1001 livres qu'il faut avoir lus dans sa vie
Peut-être le faut-il - le faut-il? parler un peu de moi. Deux mots. Pas un de plus. Les autres ne cessaient jamais, collés à leurs passions, d'être ce qu'ils étaient. Chateaubriand était un épicurien à l'imagination religieuse ; Malraux, c'était l'Asie, l'Espagne, l'engagement, le culte de l'art contre la mort ; Montherlant, de la hauteur tempérée par l'alternance ; Aragon, un paysan de Paris saisi par le communisme ; Jules Romain, l'âme des foules travaillée par le canular ; Gide, le combat sans répit et toujours contrôlé du désir et du dépouillement ; Claudel jetait sur l'univers son filet catholique. Ah! bravo! Encore bravo. Fanfares, cours magistraux et obsèques nationales. Adeline aimait son fourneau ; Proust aimait les chauffeurs, les duchesses, les pavés mal assemblés où le pied se tordait, les madeleines trempées dans le thé ; Picasso, la peinture et ses révolutions ; Einstein, l'espace et le temps en train de se confondre jusqu'à ne plus faire qu'un. Mon grand-père aimait le passé, le Professeur aimait son livre, Éric ne pensait qu'à une chose, et ce n'était pas à Leïla : c'était à changer le monde. Tout cela, qui faisait les livres et la vie, était construit sur le roc et toujours semblable à soi-même. Moi, qu'est-ce que j'étais donc, qu'est-ce que je pouvais bien être? Je vais vous le dire : je n'étais rien. Jean d'Ormesson — Casimir mène la grande vie
Pour plusieurs raisons qui apparaîtront bientôt, ces récits répétés ont pesé sur ma vie. Et d'abord parce qu'ils ont provoqué chez moi une soif ardente de voyages. Quoi ! Il y avait des pays où les magnolias poussaient à trois mille mètres d'altitude et dont ni mon grand-père, ni le doyen Mouchoux, ni Stendhal, ni Flaubert, ni Aragon, que je lisais ne m'avais rien dit ! J'étouffais. Plessis-lez-Vaudreuil m'apparaissait soudain sous les traits d'une prison. P. 66 Jean d'Ormesson — Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit
La politique est la forme moderne de la tragédie. Elle remplace sur notre théâtre la fatalité antique. L'avenir n'est à personne. J'essaie de le soumettre à ma volonté. Jean d'Ormesson — La conversation
Qu'est-ce que nous pouvions faire d'autre que d'accepter l'histoire? Une histoire insidieuse, un peu basse, un peu lâche. Nous nous étions préparés à des morts héroïques, au crucifix sur l'échafaud, à la foi confessée. Nous n'avions pas beaucoup d'armes contre la dévaluation, contre la hausse du prix de la vie, contre l'évolution économique et sociale, contre la justice, peut-être, et l'avenir,et l'intelligence, contre tous les sables mouvants où, sous l'oeil triomphant de Karl Marx, de lord Keynes, du Docteur Freud, d'Einstein et de Picasso - ah! comme nous avions raison de nous méfier du génie! -s'enfonçait notre maison. Jean d'Ormesson — Au plaisir de Dieu
La journée, d'un bout à l'autre, avait été glorieuse.Dès le matin, les volets à peine ouverts, une sorte de transparence s'était installée dans l'espace et le temps. Par un de ces mécanismes pleins d'évidence et de mystère, un ciel sans nuages promettait du bonheur. La nuit n'était pas tombée que tout un pan de ma vie s'écroulait. Javier apparaissait, posait ses sacs, me mettait la main sur l'épaule, disait : "Pandora est morte." Quelque chose basculait. Le vent du soir se levait. Jean d'Ormesson — Le Vent du soir
Chaque homme n'a qu'une vie, peu d'années, beaucoup de souffrances et de malheurs qui s'achèvent par la mort. Dis à ceux qui viendront après nous de croire et d'espérer et de faire quelque chose de leur passage si bref sur cette terre et parmi les autres hommes. Jean d'Ormesson — La gloire de l'Empire
Dieu est dans la nature sur le mode de l’absence, et il est hors de la nature sur le mode de la présence. Jean d'Ormesson — Comme un chant d'espérance
La vie est un élan vers la mort. Nous ne pouvons rien sur la mort. Mais nous pouvons, sinon tout, du moins beaucoup dans notre vie et sur notre vie. Vivre consiste à oublier la mort qui est notre seul destin et à profiter des quelques années, des quelques saisons qui nous ont été accordées dans un coin reculé de l'univers par la puissance inconnue. Jean d'Ormesson — Je dirai malgré tout que cette vie fut belle
Pendant la guerre des six jours un village israëlien avait été encerclé par les arabes et avait été considéré comme perdu par Tsahal.Contre toute attente,il fut pourtant délivré et des journalistes venus de partout demandèrent au rabbin du cru,qui passait pour un saint homme comment il expliquait cet heureux dénouement - C'est très simple dit le rabbin,il y a eu une action, et il y a eu un miracle. - Quellle était l'action? demandèrent les journalistes? - Nous n'avons jamais cessé de réciter des psaumes et de chanter des quantiques. - Et quel a été le miracle? Tsahal est arrivé et les anges du ciel sont descendus sur nous. - Les anges du ciel? s'écrièrent les journalistes qui avaiet été élevés à la rude école des faits et buvaient des boissons fortes. - C'étaient des parachutistes,dit le rabbin. Jean d'Ormesson — Histoire du Juif errant
Il me conduisait de la maison à l'école sur son vélo. Passeur entre deux rives, sous la pluie et le soleil. Peut-être sa plus grande fierté, ou même la justification de son existence : que j'appartienne au monde qui l'avait dédaigné. Annie Ernaux — La place
À la « sortie sans achat », le regard du vigile sur les mains, les poches. Comme si repartir sans aucune marchandise était une anomalie suspecte. Coupable de facto de ne rien avoir acheté. Page 84, Folio, 2016. Annie Ernaux — Regarde les lumières, mon amour
L'arrivée de plus en plus rapide des choses faisaient reculer le passé. Les gens ne s'intéressaient pas sur leur utilité, ils avaient simplement envie de les avoir et souffraient de ne pas gagner assez d'argent pour se les payer immédiatement... La profusion des choses cachait la rareté des idées et l'usure des croyances. Annie Ernaux — Les années
Quatre années. La période juste avant. Avant le chariot du supermarché, le qu'est-ce qu'on va manger ce soir, les économies pour s'acheter un canapé, une chaîne hi-fi, un appart. Avant les couches, le petit seau et la pelle sur la plage, les hommes que je ne vois plus, les revues de consommateurs pour ne pas se faire entuber, le gigot qu'il aime par-dessus tout et le calcul réciproque des libertés perdues. Une période où l'on peut dîner d'un yaourt, faire sa valise en une demi-heure pour un week-end impromptu, parler toute une nuit. Lire un dimanche entier sous les couvertures. S'amollir dans un café, regarder les gens entrer et sortir, se sentir flotter entre ces existences anonymes. Faire la tête sans scrupule quand on a le cafard. Une période où les conversations des adultes installés paraissent venir d'un univers futile, presque ridicule, on se fiche des embouteillages, des morts de la Pentecôte, du prix du bifteck et de la météo. Personne ne vous colle aux semelles encore. Toutes les filles l'ont connue, cette période, plus ou moins longue, plus ou moins intense, mais défendu de s'en souvenir avec nostalgie. Quelle honte ! Oser regretter ce temps égoïste, où l'on n'était responsable que de soi, douteux, infantile. La vie de jeune fille, ça ne s'enterre pas, ni chanson ni folklore là-dessus, ça n'existe pas. Une période inutile. Pages 109-110, Folio, 2018. Annie Ernaux — La femme gelée
Il s'énervait de me voir à longueur de journée dans les livres, mettant sur leur compte mon visage fermé et ma mauvaise humeur. La lumière sous la porte de ma chambre le soir lui faisait dire que je m'usais la santé. Les études, une souffrance obligée pour obtenir une bonne situation et " ne pas prendre un ouvrier ". Mais que j'aime me casser la tête lui paraissait suspect. Une absence de vie à la fleur de l'âge. Il avait parfois l'air de penser que j'étais malheureuse. Devant la famille, les clients, de la gêne, presque de la honte que je ne gagne pas encore ma vie à dix-sept ans, autour de nous toutes les filles de cet âge allaient au bureau, à l'usine ou servaient derrière le comptoir de leurs parents. Il craignait qu'on ne me prenne pour une paresseuse et lui un crâneur. Comme une excuse : « On ne l'a jamais poussée, elle avait ça dans elle. » Il disait que j'apprenais bien, jamais que je travaillais bien. Travailler, c'était seulement de ses mains. Annie Ernaux — La place
Et je l'ai lue la bible des mères modernes, organisées, hygiéniques, qui tiennent leur intérieur pendant que leur homme est au « bureau », jamais à l'usine, ça s'appelait "J'élève mon enfant", je, moi, la mère, évidemment. Plus de quatre cents pages, cent mille exemplaires vendus, tout sur le « métier de maman », il m'a apporté ce guide un jour, peu de temps après notre arrivée à Annecy, un cadeau. Une voix autorisée, la dame du livre, comment prendre la température, donner le bain, un murmure en même temps, comme une comptine, « papa, c'est le chef, le héros, c'est lui qui commande c'est normal, c'est le plus grand, c'est le plus fort, c'est lui qui conduit la voiture qui va si vite. Maman, c'est la fée, celle qui berce, console, sourit, celle qui donne à manger et à boire. Elle est toujours là quand on l'appelle », page quatre cent vingt-cinq. Une voix qui dit des choses terribles, que personne d'autre que moi ne saura s'occuper aussi bien du Bicou, même pas son père, lui qui n'a pas d'instinct paternel, juste une « fibre ». Ecrasant. En plus une façon sournoise de faire peur, culpabiliser, « il vous appelle... vous faites la sourde oreille... dans quelques années, vous donnerez tout au monde pour qu'il vous dise encore : Maman, reste ». Annie Ernaux — La femme gelée
Le soir descend plus tôt, on travaille ensemble dans la grande salle. Comme nous sommes sérieux et fragiles, l'image attendrissante du jeune couple moderno-intellectuel. Qui pourrait encore m'attendrir si je me laissais faire, si je ne voulais pas chercher comment on s'enlise, doucettement. En y consentant lâchement. D'accord je travaille La Bruyère ou Verlaine dans la même pièce que lui, à deux mètres l'un de l'autre. La cocotte-minute, cadeau de mariage si utile vous verrez, chantonne sur le gaz. Unis, pareils. Sonnerie stridente du compte-minutes, autre cadeau. Finie la ressemblance. L'un des deux se lève, arrête la flamme sous la cocotte, attend que la toupie folle ralentisse, ouvre la cocotte, passe le potage et revient à ses bouquins en se demandant où il en était resté. Moi. Elle avait démarré, la différence. Page 130, Folio, 2018. Annie Ernaux — La femme gelée
Moins on a d’argent et plus les courses réclament un calcul minutieux, sans faille. Plus de temps. Faire la liste du nécessaire. Cocher sur le catalogue des promos les meilleures affaires. C’est un travail économique incompté, obsédant, qui occupe entièrement des milliers de femmes et d’hommes. Le début de la richesse – la légèreté de la richesse – peut se mesurer à ceci : se servir dans un rayon de produits alimentaires sans regarder le prix avant. Page 39, Folio, 2016. Annie Ernaux — Regarde les lumières, mon amour
Cergy, le 30 mars 2020 Monsieur le Président, « Je vous fais une lettre/ Que vous lirez peut-être/ Si vous avez le temps ». À vous qui êtes féru de littérature, cette entrée en matière évoque sans doute quelque chose. C’est le début de la chanson de Boris Vian Le déserteur, écrite en 1954, entre la guerre d’Indochine et celle d’Algérie. Aujourd’hui, quoique vous le proclamiez, nous ne sommes pas en guerre, l’ennemi ici n’est pas humain, pas notre semblable, il n’a ni pensée ni volonté de nuire, ignore les frontières et les différences sociales, se reproduit à l’aveugle en sautant d’un individu à un autre. Les armes, puisque vous tenez à ce lexique guerrier, ce sont les lits d’hôpital, les respirateurs, les masques et les tests, c’est le nombre de médecins, de scientifiques, de soignants. Or, depuis que vous dirigez la France, vous êtes resté sourd aux cris d’alarme du monde de la santé et ce qu’on pouvait lire sur la banderole d’une manif en novembre dernier -L’état compte ses sous, on comptera les morts - résonne tragiquement aujourd’hui. Mais vous avez préféré écouter ceux qui prônent le désengagement de l’Etat, préconisant l’optimisation des ressources, la régulation des flux, tout ce jargon technocratique dépourvu de chair qui noie le poisson de la réalité. Mais regardez, ce sont les services publics qui, en ce moment, assurent majoritairement le fonctionnement du pays : les hôpitaux, l’Education nationale et ses milliers de professeurs, d’instituteurs si mal payés, EDF, la Poste, le métro et la SNCF. Et ceux dont, naguère, vous avez dit qu’ils n’étaient rien, sont maintenant tout, eux qui continuent de vider les poubelles, de taper les produits aux caisses, de livrer des pizzas, de garantir cette vie aussi indispensable que l’intellectuelle, la vie matérielle. Choix étrange que le mot « résilience », signifiant reconstruction après un traumatisme. Nous n’en sommes pas là. Prenez garde, Monsieur le Président, aux effets de ce temps de confinement, de bouleversement du cours des choses. C’est un temps propice aux remises en cause. Un temps pour désirer un nouveau monde. Pas le vôtre ! Pas celui où les décideurs et financiers reprennent déjà sans pudeur l’antienne du « travailler plus », jusqu’à 60 heures par semaine. Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d’un monde dont l’épidémie révèle les inégalités criantes, Nombreux à vouloir au contraire un monde où les besoins essentiels, se nourrir sainement, se soigner, se loger, s’éduquer, se cultiver, soient garantis à tous, un monde dont les solidarités actuelles montrent, justement, la possibilité. Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie, nous n’avons qu’elle, et « rien ne vaut la vie » - chanson, encore, d’Alain Souchon. Ni bâillonner durablement nos libertés démocratiques, aujourd’hui restreintes, liberté qui permet à ma lettre – contrairement à celle de Boris Vian, interdite de radio – d’être lue ce matin sur les ondes d’une radio nationale. Annie Ernaux Annie Ernaux