Œil pour œil dent, pour dent : définition et origine de l’expression
Sommaire
« Œil pour œil, dent pour dent » : voilà l’une des expressions les plus vieilles au monde : on l’employait déjà au IIe siècle avant notre ère !
Plutôt qu’une simple locution, cette formule est en fait un précepte — la synthèse d’une idée plus générale, selon laquelle la « vraie justice » est celle qui inflige au coupable d’un crime une douleur équivalente à la peine qu’il a causée. Pour mieux comprendre cette image, revenons ci-dessous sur la définition et l’origine de l’expression « œil pour œil, dent pour dent ».
Définition de l’expression « œil pour œil, dent pour dent »
L’expression « œil pour œil, dent pour dent », que l’on appelle également la loi du Talion, traduit l’idée selon laquelle le coupable d’un crime doit recevoir une punition de nature et d’intensité équivalente au préjudice qu’il a engendré.
Par métonymie (on lit d’ailleurs parfois la forme encore plus réduite, « œil pour œil »), l’expression implique qu’à celui ou à celle qui a arraché un œil et une dent, on doit lui arracher l’œil et la dent en retour. Ce principe, qui guidait certaines sociétés dans l’Antiquité, n’est évidemment plus reconnu par la justice moderne ; la formule demeure toutefois consacrée dans le langage courant.
Pour Nietzsche, le capacité de rendre la pareille est un facteur d’équilibre, ce qui est la base de la Justice. Il explique, dans Humain, trop humain :
L’équilibre est donc une notion très importante pour les anciens principes de justice et de morale ; l’équilibre est la base de la justice. Si, aux époques barbares, celle-ci dit « œil pour œil, dent pour dent », elle considère l’équilibre comme atteint et veut conserver cet équilibre au moyen de cette faculté de rendre la pareille : de telle sorte que, si l’un commet un délit au détriment de l’autre, l’autre ne pourra plus exercer sa vengeance avec une colère aveugle. Grâce à la loi du talion l’équilibre entre les puissances, qui avait été détruit, est rétabli : car un œil, un bras de plus, dans ces conditions primitives, c’est une somme de pouvoir, un poids de plus.
Nietzsche, Humain, trop humain
Paradoxalement, dans son usage moderne, « œil pour œil, dent pour dent » sous-entend l’idée d’une riposte impitoyable, voire d’un châtiment plus cruel que le crime commis à l’origine, loin de l’idée de réciprocité induite par le sens littéral.
Le plus souvent, c’est la personne victime d’un méfait (ou son entourage) qui utilisera cette formule, pour manifester son désir de vengeance. La locution est alors une manière de légitimer la revanche, aussi virulente qu’elle puisse être, en rappelant que c’est le coupable du crime qui, le premier, a initié le cycle de la violence.
On emploie parfois en français plusieurs expressions au sens similaire, comme « rendre la monnaie de sa pièce » ou « un prêté pour un rendu », pour décrire cette même idée d’une « revanche acceptable ».
Inscrivez vous au Parcours Expressions & Proverbes
Découvrez chaque mercredi la signification et l'origine d'une expression ou proverbe francophone.
Origine de l’expression « œil pour œil, dent pour dent »
On trouve les premières occurrences du précepte « œil pour œil, dent pour dent » en 1730 av. J.-C., dans le code du roi Hammourabi, à Babylone. Dans un contexte où de nombreux citoyens rendaient la justice eux-mêmes, cette « loi du Talion » entendait modérer et encadrer les actes de vengeance, en établissant que la seule punition acceptable est celle qui est proportionnelle (et non supérieure) au crime commis. Le mot « talion » provient d’ailleurs du latin « talis », qui signifie « tel », « pareil ».
Le code établissait notamment : « Si quelqu’un a crevé l’œil d’un homme libre, on lui crèvera l’œil ; si quelqu’un a cassé une dent d’un homme libre, on lui cassera une dent… ». Cette notion de réciprocité dans la sanction des délits permit d’éviter une escalade sans limites de la violence, et d’installer une forme d’ordre dans la société.
Par la suite, l’expression se répand dans les textes de nombreuses cultures. On peut notamment la lire dans les livres fondateurs des religions monothéistes : la Torah, le Talmud, la Bible et le Coran reprennent tous, sous une forme ou une autre, la formule « œil pour œil, dent pour dent », toujours avec la même signification : la vengeance n’est légitime que si elle est proportionnelle au crime commis.
Exemples de l’usage de l’expression « œil pour œil, dent pour dent »
Ils devraient me décapiter moi aussi pour ce que j’ai fait. Œil pour œil.
Marguerite Duras, Le théâtre de l’Amante anglaise
Un policier peut mourir de sa belle mort ou encore se faire descendre en service commandé. Mais qu’un flic se suicide, c’est une autre histoire, qui risque de compromettre toute la corporation et peut mener très loin. Le suicide de Tom Deery, en particulier, mènera l’inspecteur Bennion aux limites de la haine et du désespoir. Œil pour œil, dent pour dent, la loi des truands deviendra celle de Dave Bannion.
William P. McGivern, Coup de torchon
Pourquoi être si faible ? Pourquoi naître si femme ? Ce n’est plus le temps des pleurs, mais le temps de la rage et la vengeance ! Anna debout ! Sors tes griffes de panthère, Anna ! Si Mendo te trahit il faut que tu l’accables ! Œil pour œil ! Fais-lui cracher toutes ses dents ! Debout avec ton orgueil de femme, Anna ! Sois forte, sois sévère, sois impitoyable !
Eduardo Manet, L’autre Don Juan
Fiero Bataille hésita à répondre à Niac, il voulait être au clair avec sa conscience en analysant bien, point par point, cette envie de meurtre ; rendre la monnaie de sa pièce à un assassin n’était pas correct, agir œil pour œil dent pour dent était indigne d’une personne civilisée. Mais jamais il n’avait ressenti une telle haine.
Zoé Valdes, Miracle à Miami
[…] lorsqu’elle ouvrait, ainsi qu’elle le faisait à présent, la petite boîte à musique et que, de ses très longs doigts veinés, elle prenait une pincée de tabac pour l’aspirer aux airs d’un menuet aimable, c’était toujours le signe d’une intense satisfaction et une façon de se congratuler elle-même de quelque gain au jeu. C’était de bonne guerre, dit-elle. Dent pour dent, œil pour œil.
Romain Gary, Europa