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Citations sur le tout - Page 5
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À travers la multiplicité des titres et des écrits se dessine en outre un projet de quête et de construction de soi, tout à la fois reflété et mis en scène dans l'écriture.
Dictionnaire mondial des littératures — Larousse -
Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été ; ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver. Mais, surtout, on ne saurait croire combien il en coûte à un mari pour mettre sa femme à la mode.Que me servirait de te faire une description exacte de leur habillement et de leurs parures? Une mode nouvelle viendrait détruire tout mon ouvrage, comme celui de leurs ouvriers, et, avant que tu n’eusses reçu ma lettre, tout serait changé.Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la campagne en revient aussi antique que si elle s’y était oubliée trente ans. Le fils méconnaît le portrait de sa mère, tant l’habit avec lequel elle est peinte lui paraît étranger; il s’imagine que c’est quelque Américaine qui y est représentée, ou que le peintre a voulu exprimer quelqu’une de ses fantaisies.Quelquefois, les coiffures montent insensiblement, et une révolution les fait descendre tout à coup. Il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d’une femme au milieu d’elle-même. Dans un autre, c’étaient les pieds qui occupaient cette place : les talons faisaient un piédestal, qui les tenait en l’air. Qui pourrait le croire ? Les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et d’élargir les portes, selon que les parures des femmes exigeaient d’eux ce changement, et les règles de leur art ont été asservies à ces caprices. On voit quelquefois sur le visage une quantité prodigieuse de mouches1, et elles disparaissent toutes le lendemain. Autrefois, les femmes avaient de la taille et des dents ; aujourd’hui, il n’en est pas question. Dans cette changeante nation, quoi qu’en disent les mauvais plaisants, les filles se trouvent autrement faites que leurs mères.Il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes : les Français changent de mœurs selon l’âge de leur roi. Le Monarque pourrait même parvenir à rendre la Nation grave, s’il l’avait entrepris. Le prince imprime le caractère de son esprit à la Cour; la Cour, à la Ville, la Ville, aux provinces. L’âme du souverain est un moule qui donne la forme à toutes les autres.De Paris, le 8 de la lune de Saphar, 1717
Montesquieu — Lettres persanes -
[…] Derrière tant de fleurs, l’azur se dissimule,Fileuse de feuillage et de lumière ceinte :Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle. […]
Paul Valéry — La fileuse -
Les premiers vers balbutiés par Victor chez M. La- rivière étaient des vers langoureux et chevaleresques; puis il avait passé au genre guerrier et héroïque. Il va sans dire que ces vers n’étaient pas des vers, qu’ils ne rimaient pas, qu’ils n’étaient pas sur leurs pieds ; l’enfant, sans maître et sans prosodie, lisait tout haut ce qu’il avait écrit, s’apercevait que ça n’allait pas et recommençait, changeait, cherchait jusqu’à ce que son oreille ne fût plus choquée. De tâtonne ments en tâtonnements , il s’apprit lui-même la me sure, la césure, la rime et l’entrecroisement des rimes masculines et féminines.
Adèle Hugo — Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie -
Le lendemain, mademoiselle Foucher, étourdie et lasse des joies de la veille, se promenait dans le jardin du conseil de guerre. Elle vit entrer Victor, dont la présence et la pâleur lui dirent tout de suite qu’il était arrivé un malheur. Elle courut à lui : — Qu’y a-t-il donc? — Ma mère est morte. Je l’ai enterrée hier. — Et moi, je dansais ! Il vit qu’elle ne savait rien. Ils se mirent à sangloter ensemble, et ce furent leurs fiançailles.
Adèle Hugo — Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie -
Les paroles me manquent pour dire à quel point m’émeut l’inexprimable accueil que me fait le généreux peuple de Paris. […] Deux grandes choses m’appellent. La première, la république. La seconde, le danger. Je viens ici faire mon devoir. Quel est mon devoir ? C’est le vôtre, c’est celui de tous. Défendre Paris, garder Paris. Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde. Paris est le centre même de l’humanité. Qui attaque Paris attaque en masse tout le genre humain.
Actes et Paroles. Depuis l’exil (1876) — Victor Hugo -
Tout l’art de la politique est de se servir des conjectures.
Louis XIV — Mémoires -
Alors lui me répondit avec un air de reproche triste « Au moins, vous savez bien, frère, que je suis changé maintenant et qu'il y a quelque chose qui est bien fini ce n'est pas de cela que vous voulez parler ? » Et, moi, je serrai la main de mon frère Yves, en essayant de sourire comme quelqu'un qui aurait tout à fait confiance.
Pierre Loti — Mon frère Yves -
La création du pain est tout à fait extraordinaire, l'un des actes les plus importants imaginés par l'être humain.
J. M. G. Le Clézio — L'Inconnu sur la terre -
Douze morts sur les routes, c’est trop. Tout doit être mis en œuvre pour lutter contre ce fléau. C’est un sujet grave, pas un débat sur le sexe des anges.
Frédéric Potet — En Auvergne -
[...] « il a quelque chose, docteur ? », et il répondait à la hâte « mais non, je n'ai personne », qu'elle se rassure, il était indemne, tout à fait sain, rescapé de la maladie d'amour.
Camille Laurens — Romance -
D'abord, ils sont tout à fait jolis puis qui sait si l'on n'y saisira pas un chaînon qu'Olga n'aurait point vu ?
Georges Perec — La disparition -
Comme chaque fois que les événements l’imposent, Alphonse débarque d’on ne sait où pour s’enquérir de la situation et dispenser ses conseils, avant de repartir tout aussi vite au diable Vauvert.
Richard Di Domenico — Moi -
Il y a quelque chose d'adorable dans la personnalité du savon. Pourquoi adorable ? Parce que son comportement est à la fois au plus haut point sympathique et tout à fait inimitable.
Francis Ponge — Le Savon -
Un jour, j’avais sept ans, mon grand-père n’y tint plus : il me prit par la main, annonçant qu’il m’emmenait en promenade. Mais, à peine avions-nous tourné le coin de la rue, il me poussa chez le coiffeur en me disant : « Nous allons faire une surprise à ta mère ». J’adorais les surprises. Il y en avait tout le temps chez nous. Cachotteries amusées ou vertueuses, cadeaux inattendus, révélations théâtrales suivies d’embrassements : c’était le ton de notre vie. Quand on m’avait ôté l’appendice, ma mère n’en avait pas soufflé mot à Karl pour lui éviter des angoisses qu’il n’eut, de toute manière, pas ressenties.
Jean-Paul Sartre — Les Mots -
Kevin Carter était pourtant tout à fait compétent pour agrandir sa cuisine, mais elle lui donnait l'impression qu'il était en train d'entreprendre la construction de la chapelle Sixtine.
Martina Cole — Sans visage -
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,Dont le doigt nous menace et nous dit : « Souviens-toi !Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroiSe planteront bientôt comme dans une cible,Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizonAinsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;Chaque instant te dévore un morceau du déliceA chaque homme accordé pour toute sa saison.Trois mille six cents fois par heure, la SecondeChuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voixD’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)Les minutes, mortel folâtre, sont des ganguesQu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !Souviens-toi que le Temps est un joueur avideQui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »
Charles Baudelaire — Les fleurs du mal -
– Je sais bien que c’est ta mère, mais c’est tout de même beau, un amour comme ça. Ça finit par vous faire envie… Y aura jamais une autre femme pour t’aimer comme elle, dans la vie. Ça, c’est sûr. C’était sûr. Mais je ne le savais pas. Ce fut seulement aux abords de la quarantaine que je commençai à comprendre. Il n’est pas bon d’être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c’est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu’à la fin de ses jours.
Romain Gary — La Promesse de l’aube -
De Santa Cruz, tout a été dit. Mais si j’avais à en parler, j’oublierais les cortèges sacrés qui gravissent la dure colline, aux grandes fêtes, pour évoquer d’autres pèlerinages.
Albert Camus — L’été -
Le vieux répétiteur, qui avait tout d'abord tenté de distinguer quelque chose au milieu de cette agitation rugissante, puis avait vite compris, lui répondit, avec un geste désespéré et un peu dégoûté, que, oui, d'accord, vive la France si ça te fait plaisir, mais pour de Gaulle, et pour la tienne, de gaule, on en reparlera un peu plus tard.
Jean Pérol — Un Été mémorable -
Tu n'es pas du tout vertueuse,Je ne suis pas du tout jaloux :C'est de se la couler heureuseEncor le moyen le plus doux.Vive l'amour et vivent nous !
Paul Verlaine — Tu n'es pas du tout vertueuse -
Il invoqua sainte Agnès, devant laquelle tous les siens avaient fait leurs dévotions, et comme Jean V d’Hautecœur allant prier au chevet des pestiférés et les baiser, il pria, il baisa Angélique sur la bouche.
Zola — Le Rêve -
Oyez, oyez, oyez ! Voici le brave chevalier Brian de Bois-Guilbert prêt à combattre contre tout chevalier de naissance noble qui voudra soutenir la cause de la jeune Rébecca, […]
Walter Scott — Ivanhoé -
À l'Ancien Régime, l'homme est attaché par un grand nom en tout cas tenu pour tel, car les Valois sont légion et leur généalogie brumeuse.
Mona Ozouf — Les Aveux du roman -
Une nouvelle dans tous les sens du mot peut-être parce que ces situations imprévues nous forcent à entrer plus profondément en contact avec nous-même, ces dilemmes douloureux que l'amour nous pose à tout instant, nous instruisent, nous découvrent successivement la matière dont nous sommes fait.
Marcel Proust — À la recherche du temps perdu -
Avant tout, il y a eu rencontre.Isabelle Leblanc et moi, assis chez Isabelle, dans la cuisine, autour d’une bouteille de champagne, parce que cela faisait trop longtemps que l’on ne s’était pas parlés. Pas vus. Pas regardés.Il y avait donc, avant tout, une fille un peu écoeurée, assise en face d’un type un peu perdu. Entre les deux (juste à côté de la bouteille maintenant à moitié vide), la soif des idées. C’est-à-dire le désir de se sortir, de s’extraire d’un monde qui cherchait trop à nous faire croire que l’intelligence était une perte de temps, la pensée un luxe, les idées une fausse route.Il y avait donc deux personnes, l’une en face de l’autre, qui avaient elles aussi une soif insatiable de l’infini, cette soif que les chiens de Lautréamont portent au fond de leurs gosiers.Puis il y a eut des comédiens et des concepteurs, des amis, des gens que nous aimions, qui nous bouleversaient, assis autour d’une table. Une question fut posée : « Nous voici arrivés à notre trentaine. De quoi avons-nous peur ? » Réfléchir autour de cette question, tenter, chacun son tour, d’élaborer un discours, une pensée pour nommer ce qui se trame au fond de notre âme, nous a permis de mettre le doigt sur certaines choses essentielles. Invariablement, nous avons parlé de l’amour, de la joie, de la peine, de la douleur, de la mort. Aussi, nous avons réalisé que, si nous avions peur d’aimer, nous n’avions pas peur de mourir, car la peur, en ce qui concerne la mort, tournait autour de nos parents, en ce sens que nous n’avions pas tant peur de notre propre mort que de la mort de ceux qui nous ont conduits à la vie, et dans la vie ; cela ne concernait pas uniquement nos parents naturel, mais aussi nos parents dans la création.
Wajdi Mouawad — Littoral – Éditions Actes Sud 1999 -
Ainsi nous avons la chance d'arriver (...) au moment où fourbu, démaquillé par la fatigue, son âge écrit sur ses traits, Pitoeff devient tout à coup le héros qu'il joue...
Colette — La Jumelle noire -
« Te rappelles-tu ce que te disait ta maman ? J’entends sa voix comme si c’était hier Milanku, cesse de faire des plaisanteries. Personne ne te comprendra. Tu offenseras tout le monde et tout le monde finira par te détester. Te rappelles-tu ? Oui, dis-je.
Milan Kundera — La lenteur -
En tout cas ne te fais pas de soucis à cause de l'école, car le choix est grand et n'est peut-être même pas tellement important, si l'on veut apprendre, on peut toujours acquérir les choses nécessaires partout...
Franz Kafka — Lettres à Ottla et à la famille -
Mais comme ce passé continue à exister, sauf en nous à qui il a plu de lui substituer un merveilleux âge d’or, un paradis où tout le monde sera réconcilié, ces souvenirs, ces lettres, sont un rappel à la réalité et devraient nous faire sentir par le brusque mal qu’ils nous font combien nous nous sommes éloignés d’elle dans les folles espérances de notre attente quotidienne.
Marcel Proust — À la recherche du temps perdu -
Il était tout petit enfant encore quand sa grand-mère lui disait, tout en filant sa quenouille, car il était difficile de le faire tenir en place, et l'on était sûr de le trouver précisément dans l'endroit où il n'aurait pas dû être : « Petit-Pierre, mon garçon, souviens-t'en, pierre qui roule n'amasse pas mousse ! »
Félix-Henri — « Pierre qui roule » -
Je ne permets pas du tout. Avec vos affreuses cigarettes de contrebande, vous allez m'empester la pièce. Je n'ai jamais compris le plaisir qu'on pouvait trouver à fumer ça.
Gide — 1925 -
Maître Laurent, bien qu’il fût sûr de lui-même, lut à plusieurs reprises le titre des fioles qu’il avait mises à part, en mira le contenu à la lumière, profitant d’un rayon du soleil levant qui filtrait à travers les rideaux, pesa les quantités qu’il empruntait à chaque bouteille dans une éprouvette d’argent dont il connaissait le poids, et composa du tout une potion d’après une recette dont il faisait mystère.
Théophile Gautier — Le Capitaine Fracasse -
Tout d’un coup, suivant les règles de la danse, Adrienne se trouva placée seule avec moi au milieu du cercle.
Gérard de Nerval — Filles du feu -
Tu me reviendras le lendemain tout meurtri de ses caresses anguleuses et soûl de ses larmes, de ses petits bonnets ginguets, de ses pleurnicheries qui doivent faire de ses faveurs des averses !
Balzac — Cous. Bette -
Il ne voyait jamais que le pire côté des choses se faisant à tout propos l’avocat du diable, suivant une expression de son vieux cocher.
Balzac — Le Lys dans la vallée -
Dans cette œuvre, l’auteur imagine le personnage d’Émile, un enfant qu’il aurait à élever. Il expose ainsi les principes qui le guideraient pour lui faire découvrir la vie et le monde. Je ne conçois qu’une manière de voyager plus agréable que d’aller à cheval ; c’est d’aller à pied. On part à son moment, on s’arrête à sa volonté, on fait tant et si peu d’exercice qu’on veut. On observe tout le pays ; on se détourne à droite, à gauche ; on examine tout ce qui nous flatte ; on s’arrête à tous les points de vue. Aperçois-je une rivière, je la côtoie ; un bois touffu, je vais sous son ombre ; une grotte, je la visite ; une carrière, j’examine les minéraux. Partout où je me plais, j’y reste. À l’instant que je m’ennuie, je m’en vais. Je ne dépends ni des chevaux ni du postillon. Je n’ai pas besoin de choisir des chemins tout faits, des routes commodes ; je passe partout où un homme peut passer ; je vois tout ce qu’un homme peut voir ; et, ne dépendant que de moi-même, je jouis de toute la liberté dont un homme peut jouir. Si le mauvais temps m’arrête et que l’ennui me gagne, alors je prends des chevaux. Si je suis las... Mais Émile ne se lasse guère ; il est robuste ; et pourquoi se lasserait-il ? Il n’est point pressé. S’il s’arrête, comment peut-il s’ennuyer ? Il porte partout de quoi s’amuser. Il entre chez un maître, il travaille ; il exerce ses bras pour reposer ses pieds. Voyager à pied, c’est voyager comme Thalès, Platon et Pythagore. J’ai peine à comprendre comment un philosophe peut se résoudre à voyager autrement, et s’arracher à l’examen des richesses qu’il foule aux pieds et que la terre prodigue à sa vue. Qui est-ce qui, aimant un peu l’agriculture, ne veut pas connaître les productions particulières au climat des lieux qu’il traverse, et la manière de les cultiver ? Qui est-ce qui, ayant un peu de goût pour l’histoire naturelle, peut se résoudre à passer un terrain sans l’examiner, un rocher sans l’écorner, des montagnes sans herboriser, des cailloux sans chercher des fossiles ? Vos philosophes de ruelles étudient l’histoire naturelle dans des cabinets ; ils ont des colifichets ; ils savent des noms, et n’ont aucune idée de la nature. Mais le cabinet d’Émile est plus riche que ceux des rois ; ce cabinet est la terre entière. Chaque chose y est à sa place : le naturaliste qui en prend soin a rangé le tout dans un fort bel ordre : Daubenton ne ferait pas mieux. Combien de plaisirs différents on rassemble par cette agréable manière de voyager ! sans compter la santé qui s’affermit, l’humeur qui s’égaye. J’ai toujours vu ceux qui voyageaient dans de bonnes voitures bien douces, rêveurs, tristes, grondants ou souffrants ; et les piétons toujours gais, légers et contents de tout. Combien le cœur rit quand on approche du gîte ! Combien un repas grossier paraît savoureux ! Avec quel plaisir on se repose à table ! Quel bon sommeil on fait dans un mauvais lit ! Quand on ne veut qu’arriver, on peut courir en chaise de poste ; mais quand on veut voyager, il faut aller à pied.
Jean-Jacques Rousseau — Émile ou de l’éducation -
J'use de ma permission de rire tout mon soûl, quand je vous entends parler sérieusement de cet ivrogne.
Renan — Drames philosophiques -
DAMIS — Votre Monsieur Tartuffe est bien heureux sans doute.MADAME PERNELLE — C'est un homme de bien, qu'il faut que l'on écoute ;Et je ne puis souffrir sans me mettre en courrouxDe le voir querellé par un fou comme vous.DAMIS — Quoi ? je souffrirai, moi, qu'un cagot de critiqueVienne usurper céans un pouvoir tyrannique,Et que nous ne puissions à rien nous divertir,Si ce beau monsieur-là n'y daigne consentir ?DORINE —S'il le faut écouter, et croire à ses maximes,On ne peut faire rien, qu'on ne fasse des crimes,Car il contrôle tout, ce critique zélé.MADAME PERNELLE — Et tout ce qu'il contrôle, est fort bien contrôlé.C'est au chemin du Ciel qu'il prétend vous conduire ;Et mon fils, à l'aimer, vous devrait tous induire.
Molière — Le Tartuffe -
Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l’œil fixe et assuré, les épaules larges, l’estomac haut, la démarche ferme et délibérée. Il parle avec confiance ; il fait répéter celui qui l’entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu’il lui dit […] Il est enjoué, grand rieur, impatient, présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux sur les affaires du temps ; il se croit des talents et de l’esprit. Il est riche.
La Bruyère — Les Caractères -
La raison du plus fort est toujours la meilleure :Nous l'allons montrer tout à l'heure.Un Agneau se désaltéraitDans le courant d'une onde pure.Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,Et que la faim en ces lieux attirait."Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?Dit cet animal plein de rage :Tu seras châtié de ta témérité.— Sire, répond l'Agneau, que votre MajestéNe se mette pas en colère ;Mais plutôt qu'elle considèreQue je me vas désaltérantDans le courant,Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,Et que par conséquent, en aucune façon,Je ne puis troubler sa boisson.— Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,Et je sais que de moi tu médis l'an passé.— Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère.— Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.— Je n'en ai point.— C'est donc quelqu'un des tiens :Car vous ne m'épargnez guère,Vous, vos bergers, et vos chiens.On me l'a dit : il faut que je me venge."Là-dessus, au fond des forêtsLe Loup l'emporte, et puis le mange,Sans autre forme de procès.
Jean de La Fontaine — Le Loup et l’Agneau -
Vous, bourgeois, regardez, vil troupeau, vil limon,Comme un glaive rougi qu'agite un noir démon,Le coup d'Etat qui sort flamboyant de la forge !Les tribuns pour le droit luttent : qu'on les égorge !Routiers, condottieri, vendus, prostitués,Frappez ! tuez Baudin ! tuez Dussoubs ! tuez !Que fait hors des maisons ce peuple ? Qu'il s'en aille !Soldats, mitraillez-moi toute cette canaille !Feu ! feu ! tu voteras ensuite, ô peuple roi !Sabrez le droit, sabrez l'honneur, sabrez la loi !Que sur les boulevards le sang coule en rivières !Du vin plein les bidons ! des morts plein les civières !Qui veut de l'eau-de-vie ? En ce temps pluvieuxIl faut boire. Soldats, fusillez-moi ce vieux !Tuez-moi cet enfant ! Qu'est-ce que cette femme ?C'est la mère ? tuez. Que tout ce peuple infâmeTremble, et que les pavés rougissent ses talons !Ce Paris odieux bouge et résiste. Allons !Qu'il sente le mépris, sombre et plein de vengeance,Que nous, la force, avons pour lui, l'intelligence !L'étranger respecta Paris : soyons nouveaux !Traînons-le dans la boue aux crins de nos chevaux !Qu'il meure ! qu'on le broie et l'écrase et l'efface !Noirs canons, crachez-lui vos boulets à la face !
Victor Hugo — Les Châtiments