Euphémisme - Figure de style [définition et exemples]
Histoire de l'euphémisme
L'euphémisme est une figure de rhétorique, du grec phêmi (« je parle ») et eu (« bien, heureusement »), qui était utilisée dans l'Antiquité pour éviter les termes qui pouvaient attirer le malheur. L'utilisation de l'euphémisme à cette période est assez simple à expliquer : il fallait cacher des réalités un peu tendancieuses à l'époque, comme tout ce qui touchait à la sexualité, au corps etc.
On peut, à ce propos, citer l'un des célèbres euphémismes du Tartuffe de Molière, quand celui-ci dit : « Je ne suis pas un ange » pour signifier ses envies sexuelles. Le dramaturge doit passer par des euphémismes pour montrer que son personnage est libidineux, parce que la sexualité faisait partie des tabous de l'époque.
De nos jours, la sexualité est évoquée de façon moins détournée, certes ! Toutefois, on emploie toujours des euphémismes pour d'autres sujets, généralement par politesse, comme les handicaps (on dit « non-voyant » plutôt qu'aveugle ou « malentendant » plutôt que sourd par exemple), ou des situations sociales difficiles (« travailleur précaire », « sans domicile fixe » etc.). L'euphémisme fait donc, comme beaucoup d'autres figures de style, partie de notre quotidien. L'autre sujet qui nous fait utiliser beaucoup d'euphémismes est la mort : on le dit rarement de façon directe (on utilise plutôt : « il est parti » ou « il nous a quittés »).
Définition d'un euphémisme
Un euphémisme est donc une figure de style qui repose sur l'atténuation d'une réalité jugée déplaisante, sale ou sordide. Bien sûr, ces perceptions varient selon les époques. Il peut être parfois dur à concevoir que certaines choses soient évoquées avec pudeur voire avec répugnance dans certains textes éloignés de plusieurs siècles.
Dans notre dictionnaire, nous définissons l'euphémisme comme une « figure de pensée par laquelle on adoucit ou atténue une idée dont l’expression directe aurait quelque chose de brutal, de déplaisant. »
Un euphémisme se construit souvent avec une périphrase : on emploie alors un groupe de mots qui vient remplacer un mot qu'on veut éviter d'employer. Pour reprendre l'exemple de la mort, on la désigne sous plusieurs appellations, dont la plus célèbre est sans doute « la Grande Faucheuse ». On dit aussi « les personnes âgées » pour les vieux, « les demandeurs d'emploi » pour les chômeurs etc.
On utilise également des négations : « il n'est pas bien riche » signifie que la personne dont on parle est en fait pauvre. On trouve, plus rarement, des métonymies : il s'agit de désigner la partie pour le tout. C'est le fameux vers de Rimbaud, issu du Dormeur du val : « il a deux trous rouges au côté droit. » On désigne le soldat par un élément qui le constitue : ses blessures. Cela permet d'atténuer la dure réalité de sa mort.
Pierre Fontanier, dans son ouvrage Les Figures du discours, donne sa propre définition de l'euphémisme à partir de son étymologie :
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Euphémisme, en grec ευφημισμοσ [eufemismos], discours de bon augure : de ευ [eu], bien, heureusement, et de φημι [femi], dire, parler ; c’est-à-dire, parler d’une manière honnête et agréable. Nom commun à plusieurs figures, telles que la Périphrase, la Métaphore, la Métalepse, etc.
Pierre Fontanier, Les Figures du discours, p. 266
Quelle est la différence entre la litote et l'euphémisme ?
Comme l'euphémisme, la litote est une figure qui atténue la réalité de ce qu'elle désigne. La seule chose qui les distingue est l'intention derrière cette atténuation : la litote met en valeur le propos, tandis que l'euphémisme vise, au contraire, à en amoindrir la portée. Quand on dit « Ça ne sent pas bon », on veut littéralement dire que l'odeur est très mauvaise, sauf que là on veut insister sur ce fait, pas le cacher. C'est ce qui distingue l'euphémisme de la litote.
Exemples d'euphémismes
Et tost serons estendus sous la lame.
Ronsard, Continuation des amours
L’Époux d’une jeune Beauté
La Fontaine, Fables, La Jeune Veuve
Partait pour l’autre monde
Je me mis à le surveiller avec l’attention d’une mère pour son enfant, et le surpris heureusement au moment où il allait pratiquer sur lui-même l’opération à laquelle Origène crut devoir sont talent.
Balzac, Louis Lambert
Destinée à un usage plus spécial et plus vulgaire, cette pièce, d’où l’on voyait pendant le jour jusqu’au donjon de Roussainville-le-Pin, servit longtemps de refuge pour moi, sans doute parce qu’elle était la seule qu’il me fût permis de fermer à clef, à toutes celles de mes occupations qui réclamaient une inviolable solitude : la lecture, la rêverie, les larmes et la volupté.
Proust, Du côté de chez Swann
Son regard est pareil au regard des statues,
Verlaine, Mon rêve familier
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
Il me fait des déclarations et m'embrasse, et me menace de ... de... son autorité.
Maupassant, La Paix du ménage
Dieu que ne suis-je, au courant, d'une onde pure, puiser de l'eau pour étancher ma brûlante soif ! que ne suis-je couchée à l'ombre des forêts dans une prairie émaillée.
Euripide, Phèdre
Cette petite grande âme venait de s'envoler.
Victor Hugo, Les Misérables
Sganarelle : Tant mieux. Sent-elle de grandes douleurs ?
Molière, Le Médecin malgré lui
Géronte : Fort grandes.
Sganarelle : C’est fort bien fait. Va-t-elle où vous savez ?
Géronte : Oui.
Sganarelle : Copieusement.
Géronte : Je n’entends rien à cela.
Sganarelle : La matière est-elle louable ?
Géronte : Je ne me connais pas à ces choses.
Sire, reprit Olivier, sachez que je comptais faire dans le même temps, avec une seule pucelle, ce que Héraclès de Grèce fit avec cinquante. Et cette pucelle sera princesse, fille du roi Hugon.
Anatole France, Le Gab d’Olivier
Vous voulez en savoir plus ?
Consultez notre guide des figures de style en français.
J’aurais aimé le fait d’expliquer les exemples donnés, merci beaucoup.