Polyptote - Figure de style [définition et exemples]
Définition du polyptote
Le polyptote est une figure de style qui consiste à employer un mot sous des formes grammaticales différentes, dans une même phrase.
Le terme polyptote provient du grec « Πολύπτωτον, polúptôtos ». Composé de « vπολὺς, poly » pour « plusieurs » et « πτωτὸς, ptoté » pour « cas », il représente le fait que l’on puisse répéter plusieurs mots sous différentes formes, littéralement « plusieurs cas ».
Les variations les plus courantes se situent au niveau d’un verbe, qui apparaît sous des formes conjuguées différentes, en fonction de la voix, du mode, du temps ou de la personne utilisés.
Par exemple, dans cet extrait des Contemplations, Victor Hugo emploie le verbe tomber à l’infinitif mais aussi dans sa forme conjuguée, au passé composé.
Je suis tombé déjà ; je puis tomber encore.
Victor Hugo, Les contemplations
Les variations ne portent pas uniquement sur les formes verbales, comme le montre cet exemple de vers latins, cités régulièrement pour illustrer le polyptote, où le nom « vanitas » est décliné sous cinq formes différentes :
Quùm vanitas sit vanitatis filia,
L’Ecclésiaste
Et vanitati vanitatem procreet,
O vanitas, quid vanitate vanius ?
Que ce soit dans la poésie, le théâtre, les discours, les proverbes ou même les chansons, le polyptote produit un effet d’insistance sur un propos, captant ainsi l’attention des lecteurs ou des auditeurs sur le terme repris. Par ce procédé rhétorique de répétition, le discours gagne en puissance.
La flamme de la Résistance ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas !
Charles de Gaulle, Appel du 18 juin 1940.
Pierre Fontanier cite Nicolas Beauzée, dans Les figures du discours, qui affirme que « cette figure donne quelquefois au discours une élégance qui semble en augmenter l’énergie (…) ».
Différent de l’antanaclase, qui est une figure de style utilisant plusieurs fois un mot dans une même phrase mais selon des sens différents, le polyptote joue cependant, comme cette dernière, sur les sens et les sonorités.
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Polyptote et dérivation
Proche de la dérivation, le polyptote ne repose pourtant pas sur les mêmes caractéristiques que cette dernière. On évoque une dérivation quant il s’agit d’utiliser plusieurs fois dans une phrase ou un même énoncé, des mots de même origine et formés sur une racine identique. Par exemple :
Et le combat cessa faute de combattants.
Pierre Corneille, Le Cid
[…] il veut que ce soit par raison et avec mesure, et non pas aveuglément et sans réserve, afin que la créature ne s’arroge les droits du créateur.
Denis Diderot, Article Autorité Politique de L’Encyclopédie
Tandis que Henri Suhamy affirme que les deux figures de style ne sont pas différentiables, ce n’est pas l’avis de Pierre Fontanier qui consacre un chapitre à chaque figure, tout en les classant dans la même catégorie : les figures d’élocution par consonance.
Ce dernier souligne que « Le polyptote ressemble fort à la Dérivation proprement dite, et, pour ne pas confondre avec celle-ci, il faut bien se rappeler en quoi ils diffèrent l’un de l’autre. Ce qui fait le Polyptote, c’est l’emploi de différentes formes d’un même mot : ce qui fait la Dérivation, c’est l’emploi de mots différents qui ont une origine commune. Dans le Polyptote, ce n’est jamais qu’une même idée sous différents points de vue, ou avec différents accessoires : dans la Dérivation, ce sont des idées absolument distinctes, et quelquefois même très opposées entre elles, quoiqu’elles viennent du même objet, et que l’une, souvent, soit née de l’autre. »
Exemples de polyptotes
Ô que c’est un doux martyre
Catherine des Roches, Tobie
Que d’aimer et d’être aimé
Temps passés Trépassés Les dieux qui me formâtes
Guillaume Apollinaire, Cortège, Alcools
Je ne vis qu’en passant ainsi que vous passâtes
Et détournant mes yeux de ce vide avenir
En moi-même je vois tout le passé grandir
Tel est pris qui croyait prendre.
Jean de La Fontaine, Le rât et l’huître
Je montai dans un autobus plein de contribuables qui donnaient des sous à un contribuable qui avait sur son ventre de contribuable une petite boîte qui contribuait à permettre aux autres contribuables de continuer leur trajet de contribuables.
Raymond Queneau, Exercices de style
Peut-être que je serai vieille répond Marquise, cependant
Georges Brassens, Marquise
J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille et je t'emmerde en attendant.
Il regarde son trône, et rien de plus. Régnez,
Pierre Corneille, Nicomède
Rome vous craindra plus que vous ne la craignez.
Et ton nom paraîtra dans la race future,
Jean Racine, Britannicus
Aux plus cruels tyrans une cruelle injure.
Madame se meurt ! Madame est morte !
Oraison funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre
Un vautour sur son cœur s’acharne incessamment,
Jacques Delille, L’énéide
De sa faim éternelle éternel aliment
Ce n'étaient qu'amours, amants, amantes, dames persécutées s'évanouissant dans des pavillons solitaires [...]
Gustave Flaubert, Madame Bovary
Excusez-moi, je suis un peu essoufflé ! Je viens de traverser la ville et tout le monde courait... Je ne peux pas vous dire laquelle...(…) je l'ai traversé en courant... (…) mais quand j'ai vu que tout le monde courait... je me suis mis à courir comme tout le monde sans raison... À un moment, je courais coude à coude avec un monsieur, je lui dis « Dites-moi...pourquoi tous ces gens courent-ils comme des fous...(…) ?
Raymond Devos, Où court-il
Pour aller plus loin :