« Pallier à » ou « pallier » quelque chose ?
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« Il faut pallier ce manque d'éducation en partageant les informations. »
Il est fréquent de lire qu'il faut « pallier à ce problème » ou qu'il faut « pallier ce problème »... Qui a raison ? La clé réside ici dans la transitivité du verbe « pallier ». Nous vous expliquons tout dans cet article. Bonne lecture !
On écrit « pallier à » ou « pallier » ?
On écrit toujours « pallier » sans le faire suivre d'une préposition : le verbe pallier est un verbe transitif direct, c'est-à-dire qu'il se construit à l'aide d'un complément d'objet direct (un nom ou un groupe nominal, un pronom, un infinitif etc.) et donc sans préposition (contrairement aux verbes transitifs indirects). On n'écrira donc jamais « pallier à » mais bien « pallier quelque chose ».
Exemples :
- Je pallie vos difficultés en français avec un cours sur l'orthographe. (On n'écrit pas : « je pallie à vos difficultés...)
- Il pallie la solitude avec la lecture d'un bon roman. (On n'écrit pas : « il pallie à la solitude... »)
- Tu pallies ce manque de réussite par un travail acharné. (On n'écrit pas : « tu pallies à ce manque de réussite...)
L'Académie française rappelle aussi dans sa rubrique Dire, Ne pas dire le bon usage de « pallier » :
On dit | On ne dit pas |
Pallier le manque d’argent, l’ignorance | Pallier au manque d’argent, à l’ignorance |
Pallier les défaillances | Pallier aux défaillances |
Pallier le mal sans le guérir | Pallier au mal sans le guérir. |
Remarquez que cette faute d'orthographe est très courante, de telle sorte que même des écrivains célèbres ont employé, par erreur, le verbe « pallier » avec une préposition, comme les exemples suivants le démontrent :
Tout ce que l'homme a inventé pour essayer de pallier aux [plutôt que « pallier les »] conséquences de ses fautes.
André Gide, Isabelle
Vous sentant, à tort ou à raison, menacé par une campagne à laquelle nous sommes étrangers, mais dont nous n'attendons pas sans curiosité l'issue, il est impossible que vous croyiez pallier à [« à » est de trop...] vos responsabilités en vous désolidarisant de ce à quoi vous teniez si fort.
André Breton, Lettre à Marcel Fourrier
Étymologie et définition du verbe pallier
Le mot « pallier » vient du latin palliare, qui signifie à l'origine « se couvrir d'un pallium », c'est-à-dire d'un manteau, et par extension dissimuler, cacher.
Définitions de « pallier » (source) : de l'étymologie de « pallier » découle une première signification : « dissimuler, faire excuser (une faute, une chose fâcheuse) en présentant sous un jour favorable, en mettant en avant un élément positif. » Dans le domaine médical, « pallier » signifie également « atténuer, supprimer certains aspects d'un mal sans agir en profondeur, sans guérir » et par extension « atténuer, remédier à quelque chose ».
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C'est cette dernière définition qui a tendance à prendre le dessus aujourd'hui, de telle sorte qu'on oublie de plus en plus la signification originelle du verbe « pallier ». La construction de « remédier à » (verbe transitif indirect) nous incite ainsi trop souvent à écrire, par erreur, « pallier à »...
Attention à ne pas confondre le verbe « pallier », qui prend deux -l, avec le substantif masculin « palier » (un seul -l), qui désigne simplement la plate-forme située au sommet d'un escalier ou entre deux marches.
Exemples de bon usage du verbe « pallier »
Cette comparaison permettra de dégager ce que la condition du vieillard comporte d'inéluctable, dans quelle mesure, à quel prix on pourrait en pallier les difficultés, et quelle est donc à leur égard la part de responsabilité du système dans lequel nous vivons.
Simone de Beauvoir, La Vieillesse
Homme de mérite d'ailleurs, mais fin, méticuleux, défiant, il ne manqua jamais de raisons spécieuses pour pallier les précautions qu'il prenait à mon égard...
Honoré de Balzac, Le Médecin de campagne
...il se demanda même s'il ne devrait pas lui demander quelques feuilles de mastala, pour pallier sa faim, sa fatigue, et pour se remonter le moral.
Romain Gary, Les mangeurs d'étoiles
L'immortalité de la race passait pour pallier chaque mort d'homme : il m'importait peu que des générations de Bithyniens se succédassent jusqu'à la fin des temps au bord du Sangarios.
Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien
Recevoir cette fortune de cette façon, ce serait avouer… avouer de ta part une liaison coupable, et de la mienne une complaisance infâme… Comprends-tu comment on interpréterait notre acceptation ? Il faudrait trouver un biais, un moyen adroit de pallier la chose.
Guy de Maupassant, Bel-ami
J'espère que ces explications vous permettront de ne plus écrire « pallier à » et de rendre la transitivité directe à ce verbe souvent malmené ! Dans le but de continuer à vous perfectionner, n'hésitez pas à lire nos autres articles d'orthographe et à partager vos réflexions en commentaire.
Bonjour. Merci pour ce rappel. Cette erreur m’a coûté quelques points à l’agrégation… Inoubliable ! ☺️