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Citations sur le comme - Page 9
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Je vous sais gré d'être là, comme je sais gré à un beau jour de luire sur ma tête, à un air parfumé de courir autour de moi.
Soulié — Les Mémoires du diable -
Peut-être y a-t-il eu comme une faible palpitation, un à peine perceptible frémissement, une trace infime d'attente vivante.
Nathalie Sarraute — L'Usage de la parole -
Cosette était laide. Heureuse, elle eût peut- être été jolie. Nous avons déjà esquissé cette petite figure sombre. Cosette était maigre et blême ; elle avait près de huit ans, on lui en eût donné à peine six. Ses grands yeux enfoncés dans une sorte d'ombre étaient presque éteints à force d'avoir pleuré. Les coins de sa bouche avaient cette courbe de l'angoisse habituelle, qu'on observe chez les condamnés et chez les malades désespérés. Ses mains étaient, comme sa mère l'avait deviné, "perdues d'engelures". Le feu qui l'éclairait en ce moment faisait saillir les angles de ses os et rendait sa maigreur affreusement visible. Comme elle grelottait toujours, elle avait pris l'habitude de serrer ses deux genoux l'un contre l'autre. Tout son vêtement n'était qu'un haillon qui eût fait pitié l'été et qui faisait horreur l'hiver. Elle n'avait sur elle que de la toile trouée ; pas un chiffon de laine. On voyait sa peau çà et là, et l'on y distinguait partout des taches bleues ou noires qui indiquaient les endroits où la Thénardier l'avait touchée. Ses jambes nues étaient rouges et grêles. Le creux de ses clavicules était à faire pleurer. Toute la personne de cette enfant, son allure, son attitude, le son de sa voix, ses intervalles entre un mot et l'autre, son regard, son silence, son moindre geste, exprimaient et traduisaient une seule idée : la crainte.
Victor Hugo — Les Misérables -
Gervaise, cependant, se retenait pour ne pas éclater en sanglots. Elle tendait les mains, avec le désir de soulager l’enfant ; et, comme le lambeau de drap glissait, elle voulut le rabattre et arranger le lit. Alors, le pauvre petit corps de la mourante apparut. Ah ! Seigneur ! quelle misère et quelle pitié ! Les pierres auraient pleuré. Lalie était toute nue, un reste de camisole aux épaules en guise de chemise ; oui, toute nue, et d’une nudité saignante et douloureuse de martyre. Elle n’avait plus de chair, les os trouaient la peau. Sur les côtes, de minces zébrures violettes descendaient jusqu’aux cuisses, les cinglements du fouet imprimés là tout vifs. Une tache livide cerclait le bras gauche, comme si la mâchoire d’un étau avait broyé ce membre si tendre, pas plus gros qu’une allumette. La jambe droite montrait une déchirure mal fermée, quelque mauvais coup rouvert chaque matin en trottant pour faire le ménage. Des pieds à la tête, elle n’était qu’un noir. Oh ! ce massacre de l’enfance, ces lourdes pattes d’homme écrasant cet amour de quiqui, cette abomination de tant de faiblesse râlant sous une pareille croix ! On adore dans les églises des saintes fouettées dont la nudité est moins pure.
Émile Zola — L’Assommoir -
O nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup comme un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle : Madame se meurt ! Madame est morte !
Jacques Bénigne Bossuet — Oraison funèbre d’Henriette d’Angleterre -
ANTIGONE. – Ô tombeau ! Ô lit nuptial ! Ô ma demeure souterraine !... (Elle est toute petite au milieu de la grande pièce nue. On dirait qu'elle a un peu froid. Elle s'entoure de ses bras. Elle murmure.) Toute seule…[Elle se décide à dicter une lettre d'adieu au garde.]Écris : « Mon chéri... »LE GARDE, qui a pris son carnet et suce sa mine. – C'est pour votre bon ami ?ANTIGONE. – Mon chéri, j'ai voulu mourir et tu ne vas peut-être plus m'aimer...LE GARDE, répète lentement de sa grosse voix en écrivant. – « Mon chéri, j'ai voulu mourir et tu ne vas peut-être plus m'aimer... »ANTIGONE. – Et Créon avait raison, c'est terrible, maintenant, à côté de cet homme, je ne sais plus pourquoi je meurs. J'ai peur...LE GARDE, qui peine sur sa dictée. – « Créon avait raison, c'est terrible... »ANTIGONE. – Oh ! Hémon, notre petit garçon. Je le comprends seulement maintenant combien c'était simple de vivre...LE GARDE, s'arrête. – Eh ! Dites, vous allez trop vite. Comment voulez-vous que j'écrive ? Il faut le temps tout de même...ANTIGONE. – Où en étais-tu ?LE GARDE, se relit. – « C'est terrible maintenant à côté de cet homme... »ANTIGONE. – Je ne sais plus pourquoi je meurs.LE GARDE, écrit, suçant sa mine. – « Je ne sais plus pourquoi je meurs... » On ne sait jamais pourquoi on meurt.ANTIGONE, continue. – J'ai peur... (Elle s'arrête. Elle se dresse soudain.) Non. Raye tout cela. Il vaut mieux que jamais personne ne le sache. C'est comme s'ils devaient me voir nue et me toucher quand je serais morte. Mets seulement : « Pardon. » [...] Pardon, mon chéri. Sans la petite Antigone, vous auriez tous été bien tranquilles. Je t'aime... [...]LE GARDE. – C'est une drôle de lettre.ANTIGONE. – Oui, c'est une drôle de lettre.
Jean Anouilh — Antigone -
Maupassant est un des maîtres du conte fantastique et son art rappelle celui d’Edgar Allan Poe. Écrites surtout dans ses dernières années, les nouvelles de la peur et de l’angoisse sont inspirées par ses troubles nerveux, ses hallucinations, son inquiétude devant le mystère. Les aliénistes les considèrent comme de précieux témoignages sur les progrès de son mal. Ainsi, dans Le Horla, obsédé par la présence d’un être invisible dont il devient peu à peu l’esclave, le héros en vient à incendier sa demeure et décide de se tuer.
Lagarde et Micard — op.cit. -
À former les esprits comme à former les corps,La nature en tout temps fait les mêmes efforts ;Son être est immuable, et cette force aiséeDont elle produit tout ne s’est point épuisée :Jamais l’astre du jour qu’aujourd’hui nous voyonsN’eut le front couronné de plus brillants rayons ;Jamais dans le printemps les roses empourpréesD’un plus vif incarnat ne furent colorées.De cette même main les forces infiniesProduisent en tout temps de semblables génies.
Charles Perrault — Le Siècle de Louis le Grand -
Le câble [transatlantique français] se succédait à lui-même en s’enfonçant dans la mer comme une chaîne sans fin; tout était O.K.
L’Ingénieur — août 1869 dans L’Année scientifique et industrielle -
Il me frictionne brièvement la nuque, me donne l’impression de rêver — Ne te mets donc pas martel en tête. Concentre-toi. Je suis là. Et puis il se tourne vers l’horizon, vigilant. Fin de la communication. Je luis sais gré de ne pas attendre une réponse ou un commentaire de ma part. Il est là, à mes côtés, j’avais remarqué, c’est à cette heure mon plus grand tourment. Que je ne me mette pas martel en tête ; j’aimerais bien. Mais « martel en tête » est en la circonstance une expression sous-dimensionnée. Je fais mine de faire comme Louis, mon père. Je considère le panorama. Silencieux et inquiet.
Michel Drouard — Micron noir -
Après les cérémonies du baptême toute la compagnie revint au palais du roi, où il y avait un grand festin pour les fées. On mit devant chacune d'elles un couvert magnifique, avec un étui d'or massif, où il y avait une cuiller, une fourchette, et un couteau de fin or, garni de diamants et de rubis. Mais comme chacun prenait sa place à table, on vit entrer une vieille fée qu'on n'avait point priée parce qu'il y avait plus de cinquante ans qu'elle n'était sortie d'une tour et qu'on la croyait morte, ou enchantée.
Charles Perrault — La Belle au bois dormant -
Ut pictura poesis : erit quae, si propius stes,Te capiat magis; et quaedam, si longius abstes :Haec amat obscurum; volet haec sub luce videri,Judicis argutum quae non formidat acumen ;Haec placuit semel, haec decies repetita placebit.La poésie est comme la peinture : telle œuvre, c'est de prèsQu'elle te séduira, et telle autre, de loin.L'une aime le clair-obscur et l'autre exige la pleine lumière,Sans craindre du tout l'œil acéré du critique.Celle-ci n'aura plu qu'une seule fois, quand celle-là, vue dix fois, plaira toujours.
Horace — Art poétique -
Du reste, il gardait une attitude de menace, refusait toujours de disparaître, exigeait comme une chose due l’aide de Rougon, qui avait plus d’intérêt que lui à éviter le scandale.
Zola — L'Argent -
Je sais qu’il arrive toujours quelque chose d’intéressant chaque fois que je mange ou que je bois quoi que ce soit, se dit-elle. Je vais voir l’effet que produira cette bouteille. J’espère bien qu’elle me fera grandir de nouveau, car, vraiment, j’en ai assez d’être, comme à présent, une créature minuscule ! » Ce fut bien ce qui se produisit, et beaucoup plus tôt qu’elle ne s’y attendait : avant d’avoir bu la moitié du contenu de la bouteille, elle s’aperçut que sa tête était pressée contre le plafond, si bien qu’elle dut se baisser pour éviter d’avoir le cou rompu (…).Elle continuait à grandir sans arrêt, et, bientôt, elle fût obligée de s’agenouiller sur le plancher : une minute plus tard, elle n’avait même plus assez de place pour rester à genoux, et elle essayait de voir si elle serait mieux en se couchant, un coude contre la porte, son autre bras replié sur la tête. Puis, comme elle ne cessait toujours pas de grandir, elle passa un bras par la fenêtre, mit un pied dans la cheminée, et se dit : « À présent je ne peux pas faire plus, quoi qu’il arrive. Que vais-je devenir ? »
Lewis Carroll — Alice au Pays des Merveilles -
Car je ne sais si, comme dit le proverbe, les choses répétées plaisent, mais je crois que du moins elles signifient.
Roland Barthes — Mythologies -
Mignonne, allons voir si la roseQui ce matin avait décloseSa robe de pourpre au Soleil,A point perdu cette vêpréeLes plis de sa robe pourprée,Et son teint au vôtre pareil.Las ! voyez comme en peu d'espace,Mignonne, elle a dessus la placeLas ! las ses beautés laissé choir !Ô vraiment marâtre Nature,Puis qu'une telle fleur ne dureQue du matin jusques au soir !Donc, si vous me croyez, mignonne,Tandis que votre âge fleuronneEn sa plus verte nouveauté,Cueillez, cueillez votre jeunesse :Comme à ceste fleur la vieillesseFera ternir votre beauté.
Pierre de Ronsard — Les Odes -
LE POÈTE — Le mal dont j’ai souffert s’est enfui comme un rêve.Je n’en puis comparer le lointain souvenir.Qu’à ces brouillards légers que l’aurore soulève,Et qu’avec la rosée on voit s’évanouir.LA MUSE — Qu’aviez-vous donc, ô mon poète !Et quelle est la peine secrète Qui de moi vous a séparé ?Hélas ! je m’en ressens encore.Quel est donc ce mal que j’ignoreEt dont j’ai si longtemps pleuré ?
Nuit d’octobre — Alfred de Musset -
Ou bien, si vous aimez ça, ils préparent l'aïoli comme je n'en ai mangé nulle part ailleurs. Les Américains sont quelquefois gastronomes, et avec tout leur sérieux et leur bonne volonté ils deviennent des connaisseurs avertis de la cuisine et des vins français.
Patrick Modiano — Dimanches d'août -
Soubdain, ie ne sçay comment, le cas feut subit, ie ne eu loisir le consyderer. Panurge sans autre chose dire iette en pleine mer son mouton criant & bellant. Tous les aultres moutons crians & bellans en pareille intonation commencèrent soy iecter & saulter en mer après à la file. La foulle estoit à qui premier saulteroit après leur compaignon. Possible n’estoit les en guarder. Comme vous sçavez estre du mouton le naturel, tous iours suyvre le premier, quelque part qu’il aille. Aussi le dict Aristoteles lib. 9. de histo. animal. estre les plus sot & inepte animant du monde. Le marchant tout effrayé de ce que davant ses yeulx perir voyoit & noyer ses moutons, s’efforçoit les empecher & retenir tout de son povoir. Mais c’esttoit en vain. Tous à la file saultoient dedans la mer, & perissoient.
Extrait du Quart Livre — chapitre VIII -
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombeUn bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor Hugo — Les Contemplations -
Ô elle dont je dis le nom sacré dans mes marches solitaires et mes rondes autour de la maison où elle dort, et je veille sur son sommeil, et elle ne le sait pas, et je dis son nom aux arbres confidents, et je leur dis, fou des longs cils recourbés, que j’aime et j’aime celle que j’aime, et qui m’aimera, car je l’aime comme nul autre ne saura, et pourquoi ne m’aimerait-elle pas, celle qui peut d’amour aimer un crapaud, et elle m’aimera, m’aimera, m’aimera, la non-pareille m’aimera, et chaque soir j’attendrai tellement l’heure de la revoir et je me ferai beau pour lui plaire, et je me raserai, me raserai de si près, pour lui plaire, et je me baignerai, me baignerai longtemps pour que le temps passe plus vite, et tout le temps penser à elle, et bientôt ce sera l’heure, ô merveille, ô chants dans l'auto qui vers elle me mènera, vers elle qui m'attendra, vers les longs cils étoilés, ô son regard lorsque j'arriverai, elle sur le seuil m'attendant, élancée et de blanc vêtue, prête et belle pour moi, prête et craignant d'abîmer sa beauté si je tarde, et allant voir sa beauté dans la glace, voir si sa beauté est toujours là et parfaite, puis revenant sur le seuil et m'attendant en amour, émouvante sur le seuil et sous les roses, ô tendre nuit, ô jeunesse revenue, ô merveille lorsque je serai devant elle, ô son regard, ô notre amour, et elle s'inclinera sur ma main, ô merveille de son baiser sur ma main, et elle relèvera la tête et nos regards s'aimeront et nous sourirons de tant nous aimer, toi et moi, et gloire à Dieu.
Albert Cohen — Belle du Seigneur -
Et comme Eulalie savait avec cela comme personne distraire ma tante sans la fatiguer, ses visites, qui avaient lieu régulièrement tous les dimanches sauf empêchement inopiné, étaient pour ma tante un plaisir dont la perspective l’entretenait ces jours-là dans un état agréable d’abord, mais bien vite douloureux comme une faim excessive, pour peu qu’Eulalie fût en retard.
Marcel Proust — Du côté de chez Swann -
Ce Conservatoire revenait assez fréquemment dans les entretiens de la sœur et du frère, quand Grégoire trouvait quelques jours à passer dans sa famille; ils n'en parlaient guère que comme d'un rêve impossible à réaliser
Franz Kafka — La Métamorphose -
Mais il n'y a pas de problème ontologique nous n'avons pas à nous demander pourquoi il peut y avoir une naissance des consciences, car la conscience ne peut s'apparaître à soi-même que comme néantisation d'en-soi...
Jean-Paul Sartre — L'être et le néant -
Comme le serpent de mer, Paris, port-de-mer, est encore un de ces sujets qui passent en première page, les jours creux, au mois d'août, quand les journaux n'ont rien à monter en vedette.
Cendrars — Bourlinguer -
Et elle inventa sur-le-champ une sorte d'amour sur mesure qui allait au muet comme un gant mais lui laissait à elle toute liberté.
Jean Giono — Les Âmes fortes -
Le cadran marque midi un quart. Les retardataires se hâtent. Il pleut à verse. Les personnages politiques arrivent en carrosses, les gens de lettres à pied, crottés et mouillés comme les chiens...
Victor Hugo — Souvenirs personnels -
Mais ma vie n'est pas amusante et mon cœur est sombre. Il pleut à verse, c'est moche comme tout.
Simone de Beauvoir — Jacques-Laurent Bost -
Zadig, avec de grandes richesses, et par conséquent avec des amis, ayant de la santé, une figure aimable, un esprit juste et modéré, un cœur sincère et noble, crut qu’il pouvait être heureux. Il devait se marier à Sémire, que sa beauté, sa naissance et sa fortune rendaient le premier parti de Babylone. Il avait pour elle un attachement solide et vertueux, et Sémire l’aimait avec passion. Ils touchaient au moment fortuné qui allait les unir, lorsque, se promenant ensemble vers une porte de Babylone, sous les palmiers qui ornaient le rivage de l’Euphrate, ils virent venir à eux des hommes armés de sabres et de flèches. C’étaient les satellites du jeune Orcan, neveu d’un ministre, à qui les courtisans de son oncle avaient fait accroire que tout lui était permis. Il n’avait aucune des grâces ni des vertus de Zadig ; mais, croyant valoir beaucoup mieux, il était désespéré de n’être pas préféré. Cette jalousie, qui ne venait que de sa vanité, lui fit penser qu’il aimait éperdument Sémire. Il voulait l’enlever. Les ravisseurs la saisirent, et dans les emportements de leur violence ils la blessèrent, et firent couler le sang d’une personne dont la vue aurait attendri les tigres du mont Imaüs. Elle perçait le ciel de ses plaintes. Elle s’écriait : « Mon cher époux ! on m’arrache à ce que j’adore. » Elle n’était point occupée de son danger ; elle ne pensait qu’à son cher Zadig. Celui-ci, dans le même temps, la défendait avec toute la force que donnent la valeur et l’amour. Aidé seulement de deux esclaves, il mit les ravisseurs en fuite, et ramena chez elle Sémire évanouie et sanglante, qui en ouvrant les yeux vit son libérateur. Elle lui dit : « Ô Zadig ! je vous aimais comme mon époux ; je vous aime comme celui à qui je dois l’honneur et la vie. » Jamais il n’y eut un cœur plus pénétré que celui de Sémire ; jamais bouche plus ravissante n’exprima des sentiments plus touchants par ces paroles de feu qu’inspirent le sentiment du plus grand des bienfaits et le transport le plus tendre de l’amour le plus légitime. Sa blessure était légère ; elle guérit bientôt.
Voltaire — Zadig ou la destinée -
Comme dirait l'autre : en voiture Simone ! Seulement, il avait commis une erreur : sachant que la troupe cantonnait à la pointe du Chien, il s'y était dirigé immédiatement.
M.-G. Braun — Attaque imminente -
Le grand philosophe contemporain Georges Marchais, oui, celui rendu célèbre par ses juteux aphorismes comme « Taisez-vous Elkabbach » ou « En voiture, Simone », avait bien résumé le problème en affirmant sur Europe 1 : — Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.
Yves Boisset — La vie est un choix -
Il se trouvait dans la région des astéroïdes 325, 326, 327, 328, 329 et 330. Il commença donc par les visiter pour y chercher une occupation et pour s'instruire.La première était habitée par un roi. Le roi siégeait, habillé de pourpre et d'hermine, sur un trône très simple et cependant majestueux.- Ah! Voilà un sujet, s'écria le roi quand il aperçut le petit prince.Et le petit prince se demanda:- Comment peut-il me reconnaître puisqu'il ne m'a encore jamais vu !Il ne savait pas que, pour les rois, le monde est très simplifié. Tous les hommes sont des sujets.- Approche-toi que je te voie mieux, lui dit le roi qui était tout fier d'être roi pour quelqu'un.Le petit prince chercha des yeux où s'asseoir, mais la planète était toute encombrée par le magnifique manteau d'hermine. Il resta donc debout, et, comme il était fatigué, il bâilla.- Il est contraire à l'étiquette de bâiller en présence d'un roi, lui dit le monarque. Je te l'interdis.- Je ne peux pas m'en empêcher, répondit le petit prince tout confus. J'ai fait un long voyage et je n'ai pas dormi...- Alors, lui dit le roi, je t'ordonne de bâiller. Je n'ai vu personne bâiller depuis des années. Les bâillements sont pour moi des curiosités. Allons! bâille encore. C'est un ordre.- Ça m'intimide... je ne peux plus... fit le petit prince tout rougissant.- Hum! Hum! répondit le roi. Alors je... je t'ordonne tantôt de bâiller et tantôt de...Il bredouillait un peu et paraissait vexé.Car le roi tenait essentiellement à ce que son autorité fût respectée. Il ne tolérait pas la désobéissance. C'était un monarque absolu. Mais, comme il était très bon, il donnait des ordres raisonnables."Si j'ordonnais, disait-il couramment, si j'ordonnais à un général de se changer en oiseau de mer, et si le général n'obéissait pas, ce ne serait pas la faute du général. Ce serait ma faute."
Antoine de Saint-Exupéry — Le Petit Prince -
Ben c'est toi qui dis toujours « en voiture Simone » quand on part. Moi je pensais que tu parlais à une personne de ton monde, que moi je ne vois pas ! — Mais non ma petite cocotte « en voiture Simone » c'est une expression, c'est comme quand je dis, allez en route mauvaise troupe, je ne parle à personne en réalité.
Maryse Metayer — Anna au bois dormant -
— Vite !... Vite !... Chère amie, faites-moi cette robe fleurie dont j’ai besoin ; vous aurez ajouté : Soyez gentille, allons, vous savez bien que je suis une bonne cliente. Faites-moi une grâce. Car, moi, je paie « rubis sur l’ongle ». Vous aurez illustré, alors, ce qu’à l’instant je viens de dire.Payer « rubis sur l’ongle » cela devrait vouloir dire non pas payer vite, comme vous le croyez, mais avec rigueur ; je dirai même, si ce n’est aussi impropre que le sens dans lequel vous usez de la locution, avec art, avec adresse.
Francis Cover — Comme disait ma grand’mère -
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipagePrennent des albatros, vastes oiseaux des mers,Qui suivent, indolents compagnons de voyage,Le navire glissant sur les gouffres amers.A peine les ont-ils déposés sur les planches,Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,Laissent piteusement leurs grandes ailes blanchesComme des avirons traîner à côté d’eux.Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !L’un agace son bec avec un brûle-gueule,L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !Le Poète est semblable au prince des nuéesQui hante la tempête et se rit de l’archer ;Exilé sur le sol au milieu des huées,Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Charles Baudelaire — Les Fleurs du mal -
Vous êtes dans mon âme comme une madone sur un piédestal, à une place haute, solide et immaculée.
Gustave Flaubert — Madame Bovary -
Je ne sais plus bien quoi vous dire. D’ailleurs depuis cinq minutes je bafouille consciencieusement. Je vous embrasse de tout mon cœur en vous quittant comme je vous aime.
Antoine de Saint-Exupéry — Lettres à sa mère -
... savait entreprendre une action politique, qui avait gagné le contrôle de son syndicat pied à pied, qui réussissait à réécrire les scénarios de Sokolow, à bousculer une brute comme Artie Sokolow est-ce qu'elle se figurait qu'il n'allait pas agir? C'était vraiment mal le connaître.
Philip Roth — J'ai épousé un communiste -
La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle. Mais, pour l’atteindre, il lui faut un outil. Il lui faut un rabot, ou une charrue. Le paysan, dans son labour, arrache peu à peu quelques secrets à la nature, et la vérité qu’il dégage est universelle. De même l’avion, l’outil des lignes aériennes, mêle l’homme à tous les vieux problèmes.J’ai toujours, devant les yeux, l’image de ma première nuit de vol en Argentine, une nuit sombre où scintillaient seules, comme des étoiles, les rares lumières éparses dans la plaine.Chacune signalait, dans cet océan de ténèbres, le miracle d’une conscience. Dans ce foyer, on lisait, on réfléchissait, on poursuivait des confidences. Dans cet autre, peut-être, on cherchait à sonder l’espace, on s’usait en calculs sur la nébuleuse d’Andromède. Là on aimait. De loin en loin luisaient ces feux dans la campagne qui réclamaient leur nourriture. Jusqu’aux plus discrets, celui du poète, de l’instituteur, du charpentier. Mais parmi ces étoiles vivantes, combien de fenêtres fermées, combien d’étoiles éteintes, combien d’hommes endormis… Il faut bien tenter de se rejoindre. Il faut bien essayer de communiquer avec quelques-uns de ces feux qui brûlent de loin en loin dans la campagne.
Antoine de Saint-Exupéry — Terre des hommes -
Ô géraniums, ô digitales… Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, c’est de votre reflet que ma joue d’enfant reçut un don vermeil. Car « Sido » aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la crois-de-Malte, des hortensias, et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge, encore qu’elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou de veau frais… A contre-cœur, elle faisait pacte avec l’Est : « Je m’arrange avec lui », disait-elle. Mais elle demeurait pleine de suspicion et surveillait, entre tous les cardinaux et collatéraux, ce point glacé, traître aux jeux meurtriers. Elle lui confiait des bulbes de muguet, quelques bégonias, et des crocus mauves, veilleuses des froids crépuscules. Hors une corne de terre, hors un bosquet de lauriers-cerises dominés par un junkobiloba, – je donnais ses feuilles, en forme de raie, à mes camarades d’école, qui les séchaient entre les pages de l’atlas – tout chaud jardin se nourrissait d’une lumière jaune, à tremblements rouges et violets, mais je ne pourrais dire si ce rouge, ce violet, dépendaient, dépendent encore d’un sentimental bonheur ou d’un éblouissement optique. Étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits… Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demis, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues. A trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensible que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion… Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, - « chef-d’œuvre » disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord… Je l’étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillée sur les autres enfants endormis. Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d’avoir mangé mon saoul, pas avant d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l’eau de deux sources perdues, que je révérais. L’une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L’autre source, presque invisible, froissait l’herbe comme un serpent, s’étalait secrète au centre d’un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe… Rien qu’à parler d’elles, je souhaite que leur saveur m’emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire…
Colette — Sido -
Ah ! dit-il, voilà donc comme tu veux me tromper, maudite femme ! Je ne sais à quoi il tient que je ne te mange aussi : bien t'en prend d'être une vieille bête. Voilà du gibier qui me vient bien à propos pour traiter trois ogres de mes amis, qui doivent me venir voir ces jours-ci.Il les tira de dessous le lit, l'un après l'autre. Ces pauvres enfants se mirent à genoux, en lui demandant pardon ; mais ils avaient affaire au plus cruel de tous les ogres, qui, bien loin d'avoir de la pitié, les dévorait déjà des yeux, et disait à sa femme que ce seraient là de friands morceaux, lorsqu'elle leur aurait fait une bonne sauce. Il alla prendre un grand couteau ; et en approchant de ces pauvres enfants, il l'aiguisait sur une longue pierre, qu'il tenait à sa main gauche. Il en avait déjà empoigné un, lorsque sa femme lui dit : " Que voulez-vous faire à l'heure qu'il est ? n'aurez-vous pas assez de temps demain ?- Tais-toi, reprit l'Ogre, ils en seront plus mortifiés. - Mais vous avez encore là tant de viande, reprit sa femme : voilà un veau, deux moutons et la moitié d'un cochon !- Tu as raison, dit l'Ogre : donne-leur bien à souper afin qu'ils ne maigrissent pas, et va les mener coucher.
Charles Perrault — Le Petit Poucet -
Je lui dis une foule de choses sensées, comme si la raison m’était subitement revenue.
Fromentin — Dominique