Jouer les Cassandre : définition et origine de l'expression
Sommaire
L’expression « jouer les Cassandre » est intéressante à plus d’un titre. Déjà, parce qu’elle utilise une antonomase, cette figure de style qui change un nom propre en nom commun. Ensuite, parce qu’elle est utilisée par de nombreuses personnalités dans les débats publics, qui oublient parfois que les prédictions de Cassandre, dans la mythologie grecque, étaient vraies. Dans cet article, on vous explique la signification et l’origine de l’expression « jouer les Cassandre ». Bonne lecture !
Définition de « jouer les Cassandre »
L’expression « jouer les Cassandre » désigne quelqu’un qui prédit un malheur à venir, annonce une mauvaise nouvelle, sans pour autant être cru ou pris au sérieux.
Exemples :
- En ne parlant que du réchauffement climatique, les experts jouent aux Cassandre.
- Cessez de jouer les Cassandre en annonçant la fin du monde à tout bout de champ.
Synonymes de « jouer les Cassandre » :
- Crier au loup
- Annoncer une catastrophe
- Être un oiseau de mauvais augure
- Faire des prédictions pessimistes
- Voir tout en noir
- Être pessimiste
- Être alarmiste
Orthographe : « jouer les Cassandre » ou « jouer les cassandres » ?
Il existe plusieurs orthographes possibles pour cette expression. Si vous mettez l’accent sur le personnage de la mythologie, alors vous l’écrirez avec un nom propre et sans marque du pluriel : « jouer les Cassandre ».
Mais Cassandre est aussi une antonomase, cette figure de style qui change un nom propre en un nom commun, le sujet de l’antonomase représentant une idée qu’on évoque à travers son nom. Dans ce cas, il faut écrire l’expression sans majuscule et accorder : « jouer les cassandres ».
En général, on privilégie l’usage du nom propre dans la presse et la littérature :
Origine de l’expression « jouer les Cassandre »
L’expression « jouer les Cassandre » vient de la mythologie grecque. Cassandre, fille de Priam et d’Hécube, reçoit d’Apollon le don de prophétie en échange de l’engagement de se donner à lui. Toutefois, la belle Cassandre, « semblable à l’Aphrodite d’or » selon Homère, se refuse finalement à Apollon, qui la punit en condamnant ses prédictions à ne jamais être crues.
Inscrivez vous au Parcours Expressions & Proverbes
Découvrez chaque mercredi la signification et l'origine d'une expression ou proverbe francophone.
Bien qu’elle prévoie les catastrophes imminentes, dont la chute de Troie, Cassandre est ignorée par tous, ce qui fait d’elle une figure tragique condamnée à connaître l’avenir sans pouvoir le changer.
Andromaque.
La guerre de Troie n’aura pas lieu, Cassandre !Cassandre.
Je te tiens un pari, Andromaque.Andromaque.
Cet envoyé des Grecs a raison. On va bien le recevoir. On va bien lui envelopper sa petite Hélène, et on la lui rendra.Cassandre.
On va le recevoir grossièrement. On ne lui rendra pas Hélène. Et la guerre de Troie aura lieu.Andromaque.
Oui, si Hector n’était pas là !… Mais il arrive, Cassandre, il arrive ! Tu entends assez ses trompettes… En cette minute, il entre dans la ville, victorieux. Je pense qu’il aura son mot à dire. Quand il est parti, voilà trois mois, il m’a juré que cette guerre était la dernière.Cassandre.
C’était la dernière. La suivante l’attend.Andromaque.
Jean Giraudoux, La guerre de Troie n’aura pas lieu
Cela ne te fatigue pas de ne voir et de ne prévoir que l’effroyable ?
L’expression désigne aujourd’hui les personnes qui annoncent les catastrophes à venir ou simplement des mauvaises nouvelles. Sauf qu’on a de plus en plus tendance à utiliser l’expression « jouer les Cassandre » pour décrédibiliser les « oiseaux de malheur » en oubliant bien souvent que les prédictions de Cassandre n’étaient pas fausses, mais simplement pas écoutées.
Il semblerait que cette expression ait été créée au XIXe siècle. Dans le domaine du théâtre, on trouve d’abord l’expression « jouer les Cassandre » au sens figuré comme signifiant jouer la comédie, du fait de la popularité du personnage. L’expression prend ensuite son sens actuel à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle :
L’un des premiers exemples d’usage de cette expression avec son sens moderne se trouve dans le journal Le Rappel, en 1873 :
Exemples d’usage de « jouer les Cassandre »
Je regrette à cet égard de devoir encore jouer les Cassandre, et de décevoir les nouveaux espoirs de certains confrères infatigables, mais il n’y a pas d’évolution possible dans une société totalitaire.
Albert Camus, Conférences et discours
À dire vrai, cette pratique m’inquiète, mais je préfère ne rien formuler de mes angoisses. Mikhaëla, quant à elle, ne se prive pas de jouer les Cassandre.
Alona Kimhi, Lily la tigresse
Sûrement n’a-t-elle jamais cessé de l’aimer. Je ne veux pas jouer les Cassandre, mais j’ai tout de même le sentiment que le parfum d’euphorie qui s’empare d’elle peut être tout aussi fugitif que l’expression récente du désamour.
David Foenkinos, La famille Martin
« […] Tout ça pour dire que notre offensive de ce soir me paraît compromise. Je ne veux pas jouer les cassandres. Il n’empêche qu’à mon avis c’est mal parti. » Elle était d’accord.
Franz Bartelt, La mort d’Edgar
Il espère, il s’accroche et malgré moi, comme pour ne pas lui donner trop de raisons de trop y croire, je joue les Cassandre, alors que je ne veux jouer à rien du tout, sinon jongler avec la littérature…
Pierre-Jean Remy, Rêver la Vie
