Battre le briquet : définition et origine de l'expression
Sommaire
L’expression « battre le briquet » utilise une image bien connue pour produire pas moins de quatre sens différents ! Découvrons dans cet article les différentes significations de « battre le briquet », ainsi que l’origine de cette expression. Bonne lecture !
Définition de « battre le briquet »
« Battre le briquet » désigne d’abord le fait de frapper le briquet (une petite pièce métallique) contre une pièce de silex pour produire une étincelle capable d’enflammer de l’amadou (ou tout autre substance inflammable).
En effet, avant l’invention du briquet moderne, on utilisait ces briquets à silex pour allumer un feu. Le briquet à silex fonctionne en frappant un silex aux bords tranchants contre une lame métallique du briquet. Ce choc arrache de petits fragments d’acier qui, au contact de l’air, s’enflamment instantanément.
Par extension, cette expression a pris plusieurs sens :
- Allumer un feu : Elle désigne littéralement l’acte de faire jaillir une flamme.
- Faire la cour : Une métaphore où l’homme tente de « créer une étincelle » pour séduire une dame.
- Avoir un rapport sexuel : par extension de « faire la cour », « battre le briquet » désigne le fait de s’adonner à un acte sexuel.
- Se heurter les genoux ou les jambes : une interprétation différente pour évoquer le frottement des genoux en marchant.
Synonymes de « battre le briquet » :
- Faire jaillir une étincelle.
- Courtiser
- Séduire
- Enflammer le cœur
- Passer à l’acte (sexuel)
Origine de l’expression « battre le briquet »
L’expression « battre le briquet » apparaît dans son sens premier dans la quatrième édition du dictionnaire de l’Académie française, publiée en 1762 :
Petite pièce de fer, dont on se sert pour tirer du feu d’un caillou. Battre le briquet.
Dictionnaire de l’Académie française, quatrième édition, définition de « briquet », 1762
L’expresion passe dans la culture populaire ensuite et se trouve dans certains écrits et chansons, comme Au clair de la lune (XVIIIe siècle) :
Au clair de la lune,
Pierrot répondit :
Je n’ai pas de plume ;
Je suis dans mon lit.Va chez la voisine ;
Je crois qu’elle y est,
Car dans sa cuisine
On bat le briquet.
Dans cette comptine, on comprend que la voisine est chez elle car elle a battu le briquet pour allumer une chandelle dans la cuisine. Mais à partir de la fin du XVIIIe, un autre sens métaphorique est apparu pour désigner la séduction puis l’acte sexuel lui-même. On reprend alors l’image de l’étincelle avec l’homme qui tente d’« enflammer » le cœur d’une dame.
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Ainsi, dans cette comptine qu’on peut imaginer innocente, l’expression « battre le briquet » peut être interprétée dans un sens métaphorique et suggestif, conformément au goût du double sens pratiqué dans de nombreuses chansons populaires de l’époque.
La chandelle « morte » symboliserait une panne ou un désir d’intimité. La recherche de « plume » (ou « lume » en vieux français signifiant « lumière ») ferait allusion à un besoin de raviver la passion ou le désir, de rallumer la flamme.
C’est dans ces conditions que Lubin, personnage souvent associé à des connotations lubriques dans les chansons anciennes, va chercher le feu chez la voisine qui « bat le briquet ». On comprend aisément qu’il n’y cherche pas seulement de la lumière mais surtout les plaisirs charnels…
Au clair de la lune,
L’aimable Lubin
Frappe chez la brune ;
Ell’ répond soudain :
Qui frapp’ de la sorte ?
Il dit à son tour :
Ouvrez votre porte,
Pour le Dieu d’amour.Au clair de la lune,
On n’y voit qu’un peu.
On chercha la plume,
On chercha du feu.
En cherchant d’la sorte
Je n’ sais c’ qu’on trouva,
Mais j’ sais que la porte
Sur eux se ferma.
Depuis le XVIIIe siècle, l’expression « battre le briquet » n’a jamais cessé d’être utilisée, bien que son usage soit un peu désuet de nos jours :
Exemples d’usage de « battre le briquet »
Le lendemain matin, debout dès la cinquième veille, ils payèrent leur chambre puis allèrent un peu plus loin, firent halte pour battre le briquet, et déjeunèrent.
Luo Guan-zhong, Shi Nai-an, Au bord de l’eau II
Le signal consisterait à battre le briquet trois fois, ce qui, tout en restant discret, était assez caractéristique pour se faire reconnaître.
Joseph Conrad, Gaspar Ruiz
Quand je n’étais pas à moisir de fièvre sur mon « démontable », ou à battre mon briquet primitif, je ne pensais plus qu’aux comptes de la « Pordurière ».
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
Tranquille de ce côté, Saad bat le briquet, allume une lampe, se lave le visage et les mains dans l’eau d’une aiguière, fait main basse sur les clés et rentre dans la pièce voisine.
Jean-Richard Bloch, La Nuit kurde
L’ennui ne coûte rien, alors que les distractions sont si chères. Et surtout, ne vous amusez pas à faire l’amour au milieu des bois. Les corps s’usent à chaque fois qu’on en bat le briquet.
Régis Jauffret, Microfictions