Adynaton – Figure de style [définition et exemples]
Définition de l’adynaton
Un adynaton est une figure de style proche de l'hyperbole. Il consiste à exagérer les faits décrits, délivrant ainsi une information inconcevable.
Considéré comme une hyperbole exagérée, l’effet produit est souvent humoristique, formant ainsi un décalage. L’exagération est telle que l’énoncé paraît improbable, échappant à la logique. Par exemple, dans cet extrait de L’été, les faits décrits sont invraisemblables et contre nature :
Depuis cinq jours que la pluie coulait sans trêve sur Alger, elle avait fini par mouiller la mer elle-même.
Albert Camus, L’été.
Pour Bernard Dupriez, dans son Gradus, « l’adynation permet aussi le fantastique en repoussant les bornes du réel. » Dans cet extrait de Balzac, on est loin de la réalité censée être décrite :
[…] ces banquiers travaillant à réunir des millions, dont les têtes sont tellement remplies de calculs que les chiffres finissent par percer leur occiput et s’élever en colonnes d’additions au-dessus de leurs fronts.
Honoré de Balzac, Petites Misères de la Vie Conjugale
À la différence de l’hyperbole, considérée comme une exagération sérieuse de la réalité décrite, la particularité de l’adynaton réside dans l’invraisemblance de la phrase ou l’incompatibilité des faits, tournant parfois au ridicule.
Couramment employé dans le langage parlé, l’adynaton renforce la plainte de l’interlocuteur en insistant sur un fait ou une qualité, tout en conservant un ton comique et décalé comme dans certaines expressions populaires :
- Tu me l’as répété dix-mille fois !
- Quand les poules auront des dents !
- Du vent à décorner les bœufs.
En se fondant sur des procédés tels que le superlatif, la comparaison, l’accumulation ou la répétition, ces deux figures sont souvent employées dans le registre humoristique.
Le jésuite le plus jésuite des jésuites est encore mille fois moins jésuite que la femme la moins jésuite, jugez combien les femmes sont jésuites ! Elles sont si jésuites que le plus fin des jésuites lui-même ne devinerait pas à quel point une femme est jésuite, car il y a mille manières d’être jésuite, et la femme est si habile jésuite qu’elle a le talent d’être jésuite sans avoir l’air jésuite. On prouve à un jésuite, rarement, mais on lui prouve quelquefois qu’il est jésuite ; essayez donc de démontrer à une femme qu’elle agit ou parle en jésuite ? elle se ferait hacher avant d’avouer qu’elle est jésuite.
Honoré de Balzac, Petites Misères de la Vie conjugale
Pour Jean Mazaleyrat et Georges Molinié, auteurs de nombreux ouvrages sur les procédés littéraires, les deux figures sont différentes : « Le mécanisme de l'adynaton n'est pas seulement celui d'un raisonnement par l'absurde. Il n'est pas réductible simplement non plus à une forme particulière de l'hyperbole. Il met en jeu simultanément les ressorts de l'apodioxe (rejet de l'absurde), de l'hyperbole et de la comparaison, et c'est la subtilité de leurs actions combinées qui fait son caractère original, parfois sa valeur fantastique dans l'évocation et toujours sa force opératoire. »
Employé dans tous les genres littéraires, l’adynaton est également un classique au cinéma, particulièrement dans les dessins animés américains. Par exemple : la scène des yeux exorbités du loup dans Tex Avery ou encore un personnage écrasé par un arbre qui en ressort aplati en forme de crêpe, puis se rétablit en quelques secondes.
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Histoire et étymologie de l'adynaton
Le terme adynaton vient du grec ἀδύνατον /adunatos, qui signifie « impossible, impuissant ».
Le pluriel d’adynaton est « adynata » en grec, désignant une suite d’adynatons, et « impossibilia » en latin.
L’adynaton fait son apparition dans la poésie antique notamment dans les vers de Virgile : « On verra les cerfs agiles paître dans l’éther et les mers abandonner les poissons à nu sur le rivage : on verra, après avoir dans leur exil parcouru les terres les uns des autres, les Parthes boire l’eau de la Saône, ou la Germanie boire celle du Tigre, avant que les traits de ce héros s’effacent de notre cœur. »
On le retrouve aussi dans la poésie grecque et latine :
Mais je vous annonce, et avec un serment puissant je jure :
Homère, Iliade, I 233 (Traduit par JJC Donner)
Par le sceptre ici, qui ne produit plus jamais de feuilles et de branches, puisqu'il s'est tordu du tronc dans les montagnes,
Et n'a plus jamais verdi [...]
Exemples d’adynatons
Alors s’allument un à un les phares des profondeurs
Jules Supervielle, Gravitations
Qui sont violemment plus noirs que la noirceur.
Un jour notre amitié aura rendu son regard si matériel qu’elle pourra me toucher comme avec ses mains en me regardant. Un jour … son seul regard pourra, comme le tranchant d’un rasoir, tracer des sillons dans ma chair.
Réjean Ducharme, L’Océantume
[…] le Gros essuie les quatorze litres de sueur qui lui dégoulinent sur le portrait.
San Antonio, Ménage tes méninges
Je crois que je pourrais rester dix mille ans sans parler.
Jean-Paul Sartre, Huit Clos
Une fourmi de dix-huit mètres
Robert Desnos, Une fourmi de dix-huit mètres.
Avec un chapeau sur la tête [...]
[…] il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu.
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu, 19:24
Deux milliards d'hommes en long et moi, au-dessus d'eux, seule vigie.
Jean-Paul Sartre, Les mots
On tue un homme, on est un assassin. On tue des millions d’hommes, on est un conquérant. On les tue tous, on est un dieu.
Jean Rostand, Pensées d’un biologiste.
L’atmosphère était si humide que les poissons auraient pu entrer par les portes et sortir par les fenêtres, naviguant dans les airs d’une pièce à l’autre.
Gabriel Garcia Marquez, Cent ans de solitude
Lise me faisait faire des trous dans le ciel en me poussant trop fort dans les balançoires pour bébés.
Michel Tremblay, Un ange cornu avec des ailes de tôle
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