La contrefision – Figure de style [définition et exemples]
Sommaire
Définition de la contrefision
Une contrefision est une figure de style qui se définit comme une exclamation ironique en forme de conseil que l’on invite implicitement à ne pas respecter.
Très utilisée dans le discours, cette figure de sens suggère le contraire de ce que l’on pense, une recommandation à ne pas suivre. Par exemple, dans les expresssions :
- « Ne vous gênez pas ! »
- « Tu m’étonnes ! »
Pour Pierre Fontanier, grammairien français et auteur des Figures du discours, la contrefision fait partie des figures d’expression par opposition qui permettent d'« énoncer à-peu-près tout le contraire de ce qu’on pense ». Ces figures permettent de conseiller ou de prescrire « ce qui, le plus souvent, est le plus loin de sa pensée ».
Le grammairien donne l’exemple du personnage de Mélibée, dans la première églogue des Bucoliques de Virgile, qui doit s’exiler et laisser sa cabane et les champs qu’il avait cultivés avec attention et amour à un soldat barbare. Après s’être écrié « Voilà donc où la discorde a conduit nos malheureux citoyens ! Voilà ceux pour qui nous avons ensemencé nos terres ! », il finit par s’adresser « à lui-même », dans cette « apostrophe touchante » : « Après cela, Mélibée, occupe-toi encore à greffer des poiriers, à planter des ceps avec symétrie ! », de la même manière que s’il avait dit « Tu te garderas bien, Mélibée, de greffer encore des poiriers, de planter encore des ceps avec symétrie. »
Cette figure a donc le même fonctionnement que l’épitrope, mais c’est le ton employé et la situation en elle-même qui les distinguent. En effet, l’épitrope vise à « détourner d’un excès » et à « inspirer le repentir », ce que l’on ne trouve pas dans la contrefision. Cette dernière vise simplement à souligner le décalage qu’il y aurait à agir de telle ou telle manière dans une situation que l’on vient de décrire comme contraire, elle repose davantage sur un ton léger.
Alexandre Motulsky-Falardeau, doctorant en philosophie de l’Université de Laval, dans son ouvrage La rhétorique d’aujourd’hui , définit la contrefision comme « une sous-figure de l’ironie : elle consiste en un souhait fallacieux, une requête ironique ou un faux conseil. »
Dans un des articles du colloque « Comment parle-t-on de la guerre en termes populaires / argotiques », coorganisé en 2016 par la Faculté des Lettres de l’Université de Ljubljana et la Faculté des Sciences Humaines et Sociales (Sorbonne, Université Paris Descartes), pour étudier le rapport entre la guerre et la langue, Andrzej Napieralski précise que « l’ironie est souvent visible dans des figures d’énonciation comme par exemple dans la contrefision qui est un optatif qui suggère le contraire de ce qui est dit. »
Proche de l’antiphrase, figure de style utilisée pour faire de l'ironie et affirmer le contraire de ce que l'on veut faire comprendre, la contrefision peut être considérée comme une forme de moquerie.
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En faisant entendre précisément l’inverse de ce qui est dit, on s’amuse de ceux qui n’ont pas appris la méfiance.
- « C'est malin ! » pour signifier au contraire que c'est complètement idiot ;
- « Bravo ! Continue comme ça ! Tu es sur la bonne voie ! », si celui qui la prononce n'en pense à l'évidence pas un mot.
Histoire et étymologie de la contrefision
Selon Pierre Fontanier, dans ses Figures du discours, le terme contrefision « provient du latin Contra, contre, et Fisum, supin du simple non-usité Fidere, se fier ». La contrefision désigne donc une « feinte confiance en une chose à laquelle on ne donne en effet ni crédit ni espoir, ou contre laquelle on veut prévenir. »
Pierre Fontanier classe la contrefision dans les figures d’expression par opposition et reconnaît la sonorité étrange de ce nom « […] que je me permettrai d’appeler Contrefision, faute d’avoir pu trouver un nom plus heureux. »
« La Contrefision, en feignant d’appeler le désir, l’espoir ou la confiance, sur une chose, ne tend à rien moins qu’à en détourner tout désir, tout espoir ou toute confiance ; et c’est pourquoi le nom de contrefision paraît mieux lui convenir que celui de confision, qui lui a été donné dans le Résumé général du Commentaire » [il est question ici du Commentaire Raisonné de Pierre Fontanier dans l’ouvrage Les Tropes de Dumarsais].
Pierre Fontanier, Figures du discours.
Il ajoute : « En effet, ce n’est ni le sentiment de la confiance, ni l’action de se confier, mais précisément tout le contraire de ce sentiment et de cette action, qui est le but réel de cette figure »
Exemples de contrefisions
Pour l’achever, quelque compilateur,
Voltaire, Épîtres XCI, À Daphné
Froid gazetier, jaloux d’un froid auteur,
Vient l’entamer de sa main meurtrière.
À l’aboyeur il reste abandonné,
Comme un esclave aux bêtes condamné,
Voilà son sort. Et puis cherchez à plaire !
[…] C’est un entrepreneur qui passe en grande diligence avec ses manœuvres et ses mulets. C’est une machine qui élève en l’air, tantôt une pierre, et tantôt une poutre énorme. Ce sont de lugubres convois qui s’embarrassent dans une file de lourdes charrettes. Ici, c’est un chien enragé que l’on poursuit ; là, un troupeau de porcs immondes qui se jettent à travers la foule. Et puis, allez au milieu de cette bagarre vous occuper de vers et d’harmonie !
Horace, Satires
La contrefision dans le discours :
- « Votez pour lui la prochaine fois ! »
- « Achetez les yeux fermés ! »
- « Soyez bons pour les paresseux ! »
- « Ayez donc des enfants ! »
- « Tu m'étonnes ! »
- « Bien sûr, personne ne peut t'aimer, tu es plus bête que tout le monde ! »
Vous voulez en savoir plus ? Consultez notre guide des figures de style.