L'asyndète – Figure de style [définition et exemples]
Définition de l’asyndète
Une asyndète est une figure de style qui consiste à supprimer volontairement dans une phrase les conjonctions qui y seraient nécessaires pour préciser la liaison logique entre les mots ou les groupes de mots.
L’accumulation créée par l’absence des mots de liaison apporte du rythme et de l’énergie à la phrase. Les conjonctions de coordination, de concession ou d’opposition sont souvent remplacées par des virgules. Par exemple, dans ces vers extraits des Fleurs du Mal :
Ta tête, ton geste, ton air
Charles Baudelaire, À celle qui est trop gaie
Sont beaux comme un beau paysage
Ou encore dans ces vers de Victor Hugo :
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne
Victor Hugo, Demain dès l’aube…, Les Contemplations
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Jean de la Bruyère multiplie les propositions dans le chapitre De l’homme, extrait de l’œuvre Les Caractères :
Ménalque se jette hors de la portière, traverse la cour, monte l’escalier, parcourt l’antichambre, la chambre, le cabinet, tout lui est familier, rien ne lui est nouveau, il s’assit, il se repose, il est chez soi ; le maître arrive, celui-ci se lève pour le recevoir, il le traite fort civilement, le prie de s’asseoir, et croit faire les honneurs de sa chambre ; il parle, il rêve, il reprend la parole ; le maître de la maison s’ennuie, et demeure étonné ;
La Bruyère
Cette absence de coordination permet un rapprochement des mots ou des sons, les propositions étant juxtaposées sans mot de liaison, telle une parataxe. Les phrases s’enchaînent de manière logique, avec du sens, malgré l’absence du lien coordinatif attendu.
Pour Bernard Dupriez, reprenant la définition du Littré, l’asyndète est une « sorte d’ellipse par laquelle on retranche les conjonctions simplement copulatives qui doivent unir les parties dans une phrase ».
Proche de l’énumération, l’asyndète exprime parfois le désordre ou la confusion, comme dans cet extrait du recueil de poèmes Les Illuminations :
Ô palmes ! diamant ! − Amour, force ! − plus haut que toutes joies et gloires ! − de toutes façons, partout, − Démon, dieu, − Jeunesse de cet être-ci ; moi !
Arthur Rimbaud, Angoisse
L’asyndète énumérative produit un effet d’accumulation en récapitulant les éléments
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Fuyards, blessés, mourants, caissons, brancards, civières,
Victor Hugo, L’expiation.
On s’écrasait aux ponts pour passer les rivières.
Autre exemple avec l’énumération de François Rabelais, adepte des asyndètes, dans Gargantua
[…] emmenoient beufz, vaches, thoreaux, veaulx, genisses, brebis, moutons, chevres et boucqs, poulles, chappons, poulletz, oysons, jards, oyes, porcs, truyes, guoretz ; abastans les noix, vendeangeans les vignes, emportans les seps, croullans tous les fruictz des arbres.
François Rabelais
À noter que l’asyndète est l’inverse de la polysindète, qui consiste à répéter la même conjonction de coordination devant chaque terme d’une énumération, ou devant chacun des membres d’une phrase.
Histoire et étymologie de l’asyndète
Utilisée dès l’Antiquité par les orateurs grecs et latins, l’asyndète vient du grec ancien Ἀσύνδετος/ asundeton, signifiant « style de conjonctions ».
Composé de α /a (privatif) et de σύνδειν/sundein pour « lier ensemble », il signifie donc « absence de liaison ».
En savoir plus sur l’histoire et l’étymologie de l’asyndète >
Exemples d’asyndètes
L’orage éclatait. La pluie tombait en rayons blancs. Les carreaux pleuraient comme des yeux. De petites gouttes jaillissaient par les fentes des croisées. Dehors le cheval courbait la tête.
Jules Renard, Crime de village
J’ai reçu un télégramme de l’asile : « mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. »
Albert Camus, L’Étranger
La plein lune éclairait d’une lueur vive et blafarde tout l’horizon, rendait plus visible la pâle désolation des champs.
Guy de Maupassant, Conte de Noêl
Des êtres noirs s’en venaient lentement, par groupes, dociles au cri d’airain du clocher. La pleine lune éclairait d’une lueur vive et blafarde tout l’horizon, rendait plus visible la pâle désolation des champs.
Maupassant, Clair de lune
Veni, Vidi, Vici
Jules César
Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu
Se montrer tour à tour dissimulé, sincère,
Adélaïde-Gillette Dufrénoy, L’Amour, Élégie
Timide, audacieux, crédule, méfiant ;
Voilà ce qu’on se plaint de sentir quand on aime,
Et de ne plus sentir quand on cesse d’aimer.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée.
Jean de La Fontaine, La Laitière et le Pot au lait
L’autre moitié jetait des cris et faisait des prières ; les voiles étaient déchirées, les mâts brisés, le vaisseau entrouvert. Travaillait qui pouvait, personne ne s’entendait, personne ne commandait. L’anabaptiste aidait un peu à la manœuvre ; il était sur le tillac ; un matelot furieux le frappe rudement et l’étend sur les planches (…)
Voltaire, Candide
Six heures sonnèrent. Binet entra.
Gustave Flaubert
Las d’avoir visité mondes, continents, villes,
Emile Nelligan, Le voyageur, Poésies complètes
Et vu de tout pays, ciel, palais, monuments,Le voyageur enfin revient vers les charmilles
Et les vallons rieurs qu’aimaient ses premiers ans.
La pluie, le vent, le trèfle, les feuilles sont devenus des éléments de ma vie. Des membres réels de mon corps.
A. Hébert, Le Torrent
Il y avait eu tant de funérailles depuis que grand-mère Antoinette régnait sur sa maison, de petites morts noires, en hiver, disparitions d’enfants, de bébés, qui n’avaient vécu que quelques mois, mystérieuses disparitions d’adolescents en automne, au printemps.
M.-Cl. Blais, Une saison dans la vie d’Emmanuel.
Quelques proverbes, expressions mais également slogans publicitaires utilisent de courtes asyndètes, efficaces pour la transmission d’un message :
- Bon gré, mal gré
- Métro, boulot, dodo
- Tel père, tel fils
- Les paroles s’envolent, les écrits restent
- Le roi est mort, vive le roi !
- Du pain, du vin, du boursin
Vous voulez en savoir plus ? Consultez notre guide des figures de style en français.