Allégorie - Figure de style [définition et exemples]
Histoire de l’allégorie
L’allégorie est une figure de style provenant du grec allègoreïn (allos, signifiant « autre », et agoreuein, signifiant « parler ») qui signifie « parler autrement ». Elle était déjà employée dans l’Antiquité et notamment dans certaines épopées pour évoquer des idées abstraites.
C’est, par la suite, une figure d’abord liée à la religion, puisqu’elle est très utilisée dans la Bible où beaucoup d’épisodes sont en fait des allégories. En dehors de la Bible, les auteurs utilisent des allégories dans des buts éducatifs, surtout en ce qui concerne la morale. Ainsi la plupart des premières œuvres allégoriques représentent le combat des vices et des vertus au sein de l’âme humaine.
Les auteurs du Moyen Âge ont par la suite beaucoup employé l’allégorie en s’émancipant du cadre théologique pour investir le domaine de la littérature profane. On peut citer l’un des plus célèbres romans de l’époque, Le Roman de la Rose (XIIIe siècle) de Guillaume de Lorris et Jean de Meung, qui se présente sous la forme d’un rêve allégorique.
Par la suite, les fables et les paraboles ont beaucoup utilisé cette figure de style. On peut citer les animaux des célèbres Fables de Jean de la Fontaine qui sont des allégories des personnes de la Cour. L’une de ces fables, Le Lion, s’avère être une allégorie de la monarchie.
Cette figure de style n’est d’ailleurs pas l’apanage de la littérature et est également très utilisée dans le domaine de la peinture. On représente des symboles comme la Justice par des images récurrentes comme le glaive ou la balance par exemple.
Voici quelques allégories célèbres :
- Allégorie de la caverne : L’allégorie de la caverne est une allégorie exposée par Platon dans le Livre VII de La République. Elle met en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une caverne. Ils tournent le dos à l’entrée et ne voient que leurs ombres et celles projetées d’objets au loin derrière eux.
- Allégorie de la justice : La titanide Thémis dans la mythologie grecque est représentée avec dans une main un glaive, dans l’autre une balance, et un bandeau lui couvrant les yeux.
- Allégorie de la mort : Elle est représentée par un squelette armé d’une faux (souvent appelée « La faucheuse » car elle se servirait de cette arme pour faucher les vies). On la retrouve par exemple dans Dom Juan de Molière.
- Allégorie du roi : Dans les Fables de La Fontaine, le roi Louis XIV était représenté par un lion et ses sujets par le renard (qui est rusé et fourbe) et les autres animaux. Le Tiers état était symboliquement représenté sous les traits d’un mouton ou d’un agneau.
- Allégorie de l’angoisse : le tableau Le Cri d’Edvard Munch.
- Allégorie de la liberté : le tableau La Liberté guidant le peuple de Eugène Delacroix (1830).
Définition de l’allégorie
L’allégorie est l’incarnation d’une idée abstraite, une représentation de cette idée pour la rendre plus concrète et parlante. Cette représentation se fait d’ailleurs souvent par l’intermédiaire d’un être vivant, l’exemple le plus connu étant les Fables de la Fontaine déjà mentionnées plus haut. Dans ces fables, les animaux représentent chacun un type ou un défaut. On peut citer l’exemple de la cigale qui représente l’insouciance, de la grenouille qui se gonfle pour symboliser la fierté etc.
Pour reconnaître une allégorie dans un texte, il faut faire attention à l’usage de majuscules. En effet, celles-si sont souvent explicitées par l’usage d’une majuscule qui vient donner un sens allégorique à la notion dont il est question. Ainsi Baudelaire écrit dans le poème L’Ennemi (le titre lui-même est une allégorie, l’Ennemi étant le temps) :
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Le Temps mange la vie,
Baudelaire, L’Ennemi
Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croit et se fortifie.
De plus, l’allégorie repose souvent sur des idées communes, des symboles partagés. Pour reprendre les Fables de la Fontaine : le lion est vu comme le roi des animaux et représente donc, selon cette croyance commune, la monarchie. Dans le domaine de l’art, les allégories sont également utilisées par le truchement de symboles reconnus de tous comme le sablier qui représente le temps qui s’écoule, la grande faucheuse qui représente la mort etc.
Pierre Fontanier, dans son étude des figures, consacre plusieurs paragraphes à la définition de l’allégorie. Pour lui, elle « consiste dans une proposition à double sens, à sens littéral et à sens spirituel tout ensemble, par laquelle on présente une pensée sous l’image d’une autre pensée, propre à la rendre plus sensible et plus frappante que si elle était présentée directement et sans aucune espèce de voile » comme c’est le cas dans la métaphore continuée et l’allégorisme (p. 114 des Figures du discours).
L’allégorisme ne présente qu’un sens figuré, alors que l’allégorie doit conserver le sens littéral. Il donne l’exemple de Boileau conseillant sur le style :
J’aime mieux un ruisseau qui, sur la molle arène,
Boileau, cité p. 115
Dans un près plein de fleurs lentement se promène,
Qu’un torrent débordé qui, d’un cours orageux,
Roule plein de gravier sur un terrain fangeux.
Il ajoute à sa définition quelques précisions étymologiques :
Allégorie, du grec Αλλεγορια [Allegoria] : de αλλοσ [allos], autre, et de αγορα [agora], discours, harangue : littéralement, discours autre, c’est-à-dire, discours autre qu’il ne semble être, un discours pour un autre dicours, et enfin un discours par lequel on dit une chose pour en faire entendre une autre ; par lequel, dis-je, on présente une pensée sous le voile transparent d’une autre pensée, en sorte qu’au sens littéral se trouve joint dans l’expression un sens spirituel ou intellectuel qui, non-seulement est celui qu’on a principalement en vue, mais que le premier est même destiné à rendre plus frappant.
Pierre Fontanier, Les figures du discours, p.262
Différence entre l’allégorie et l’allégorisme
Selon Pierre Fontanier, l’allégorisme est une « imitation de l’Allégorie, qui consiste dans une Métaphore prolongée et continue, qui, lors même qu’elle s’étend à toute la proposition, ne donne lieu qu’à un seul et unique sens, comme n’y ayant qu’un seul et unique objet d’offert à l’esprit » (p. 116, il souligne).
Il ajoute les précisions étymologiques suivantes :
Allégorisme, d’Allégorie, et de la terminaison isme, qui marque l’imitation : mot à mot, imitation de l’Allégorie, ou Allégorie apparente. Figure moyenne entre la Métaphore et l’Allégorie proprement dites, et qui sert comme de passage de l’une à l’autre, mais qui diffère de la première, en ce qu’elle consiste en plusieurs mots, non pas en un seul, et de la seconde, en ce qu’elle ne présente qu’un seul objet à l’esprit, au lieu de deux à la fois.
Pierre Fontanier, Les Figures du discours, p. 263-264, il souligne
On ne trouve dans l’allégorisme que le sens figuré, le sens métaphorique, contrairement à l’allégorie qui n’investit que le sens littéral. Il donne deux exemples tirés de Racine. Tout d’abord la manière dont Rome est un torrent dévastateur envahissant plusieurs pays dans Mithridate :
Ils savent que sur eux, prêt à se déborder,
Racine, Mithridate
Ce torrent, s’il m’entraîne, ira tout inonder,
Et vous les verrez tous, prévenant son ravage,
Guider dans l’Italie ou suivre mon passage.
On trouve ensuite dans Esther une représentation des filles de Sion comme des « jeunes fleurs » par un allégorisme :
Cependant mon amour pour cette nation
Racine, Esther
A rempli ce palais des filles de Sion,
Jeunes et tendres fleurs par le sort agitées,
Sous un ciel étranger comme moi transplantées.
Dans le passage de Mithridate, on retrouve en fait le fonctionnement de la métaphore reposant sur le transport de l’animé vers l’inanimé (le torrent prêté à Rome), et dans Esther celui de la métaphore de l’inanimé vers l’animé (les fleurs pour désigner les jeunes filles). Mais étant donné que ce phénomène s’observe sur plus d’un mot, il ne s’agit pas d’une métaphore mais d’un allégorisme.
Différence entre l’allégorie et la métaphore
Comme l’allégorie, la métaphore représente une notion abstraite de façon concrète. La différence entre les deux repose notamment sur la longueur : la métaphore prend le plus souvent place au sein de la phrase quand une allégorie est plus étendue. De plus, l’allégorie représente une notion abstraite ou générale, ce qui n’est pas forcément le cas pour la métaphore.
Différence entre une personnification et allégorie
Si pour de nombreuses personnes, ces figures sont synonymes, il n’en est rien. Dans les deux cas il s’agit de la représentation d’une chose qui repose souvent sur une autre figure comme une métaphore ou une comparaison. Elles fonctionnent même parfois ensemble, comme dans le cas des Fables de la Fontaine. Ce qui diffère c’est qu’une allégorie représente quelque chose d’abstrait comme un principe, une qualité ou un défaut, quand la personnification représente quelque chose de concret : un objet ou un animal.
Pour reprendre l’exemple des fables, l’allégorie représente un défaut dans le comportement humain mis en lumière par la personnification, donc l’animal qui incarne ce défaut. Ainsi dans la célèbre fable du « Corbeau et du Renard », les animaux sont tous deux des personnifications parce qu’ils dialoguent comme des humains, et ils sont, dans le même temps, tous deux des allégories de défauts : le renard celui de la rouerie, et le corbeau celui de la vanité.
Exemples d’allégories
Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.
Victor Hugo, Contemplations, « Mors »
Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant,
Noir squelette laissant passer le crépuscule.
Je veux peindre la France une mère affligée,
Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques, I, v.97-130
Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée.
La vie humaine est semblable à un chemin dont l’issue est un précipice affreux. On nous en avertit dès les premiers pas, mais la loi est portée : il faut avancer toujours, je voudrais retourner en arrière… Marche, marche.
Bossuet, Sermon pour le jour de Pâques.
L’Angleterre est un vaisseau. Notre île en a la forme : la proue tournée au nord, elle est comme à l’ancre au milieu des mers, surveillant le continent.
Chatterton, III, 6, Chatterton
Il neigeait. On était vaincu par sa conquête. / Pour la première fois l’aigle baissait la tête.
Victor Hugo, Les Châtiments, « Expiation »
— C’est alors
Victor Hugo, Les Châtiments, « Expiation »
Qu’élevant tout à coup sa voix désespérée,
La Déroute, géante à la face effarée.
Bon chevalier masqué qui chevauche en silence,
Verlaine, Sagesses
Le Malheur a percé mon vieux cœur de sa lance.
Mon beau navire ô ma mémoire
Apollinaire, « La Chanson du mal aimé »
Avons-nous assez navigué
Dans une onde mauvaise à boire.
La rêverie…une jeune femme merveilleuse, imprévisible, tendre, énigmatique, provocante, à qui je ne demande jamais compte de ses fugues.
André Breton, Farouche à quatre feuilles
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l’ancre !
Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « Le voyage »
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Je ne comprends pas la différence entre allégorie et allégorisme c'est expliqué mais trop soutenuement