Anacoluthe – Figure de style [définition et exemples]
Définition de l’anacoluthe
Une anacoluthe est une figure de style qui représente une rupture dans la construction syntaxique d’une phrase, entraînant une incohérence ou une incompréhension de l’énoncé.
Par exemple, dans cet extrait d’un roman de Jean Giono, l’analocuthe nuit à la clarté de la phrase :
Après boire, l’homme qui regarde la table et qui soupire, c’est qu’il va parler.
Jean Giono, Un de Beaumuges
En transformant ainsi la phrase, l’anacoluthe est souvent perçue comme une faute grammaticale qui affecte la syntaxe de la phrase et rompt le rythme logique.
Dans la célèbre citation des Pensées de Blaise Pascal : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la Terre aurait changé », la logique aurait voulu que le verbe conjugué de la première proposition « eut été » ait le même sujet que celui de la proposition principale « aurait été ». Mais l’apparation d’une autre construction bouleverse l’équilibre de la phrase.
Cette formulation inattendue, employée volontairement pour alléger la tournure de la phrase mais également créer un effet de surprise et accentuer la valeur de l’énoncé, se rencontre en poésie.
La rupture de la construction peut être brutale comme dans ces vers de Jean de La Fontaine :
Ce n’est pas vous, c’est l’Idole
Jean de La Fontaine, L’âne portant des reliques
À qui cet honneur se rend
Et que la gloire en est due.
Cette façon de s’exprimer est très fréquente dans le langage parlé, où la rigueur syntaxique est moins respectée, provoquant des contre-sens, ambiguïtés et illogismes.
Par exemple, dans les phrases dont le début contient un verbe à l’infinitif ou au participe présent, un adjectif ou un participe passé, les erreurs de syntaxe sont semblables à des anacoluthes.
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L’anantapodoton, variante de l’anacoluthe
La définition de l’anantapodoton est une « variété d’anacoluthe où la rupture de construction se fait par suppression d’un élément normalement attendu dans une formule syntaxique généralement binaire (de sorte que le mouvement naturel de la phrase se trouve suspendu) ».
Provenant du grec anantapodoton (« sans proposition correspondante »), qui signifie « phrase incomplète », l’anantapodoton consiste à omettre l’un des termes d’une expression alternative dans une phrase (les uns…les autres ; tantôt…tantôt ; soit que… soit que ; etc.).
Par exemple, dans sa citation : « Les uns, dirait-on, ne songent jamais à la réponse silencieuse de leur lecteur. », Paul Valéry omet volontairement la locution « les autres ».
En savoir plus sur le mot « anantopodoton » >
Histoire et étymologie de l’anacoluthe
Le mot anacoluthe vient du grec ancien ἀνακολουθία / anakolouthía qui est composé du préfixe privatif ἀν / an et du nom ἀκολουθία / akolouthía (« qui suit, qui s’accorde »).
Apparu au Ier siècle avant J.-C ., anacoluthe signifie donc « qui ne suit pas pas le raisonnement, inconséquent ».
En savoir plus sur le mot « anacoluthe » >
Exemples d’anacoluthes
Le plus grand philosophe du monde, sur une planche plus large qu’il ne faut, s’il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra.
Blaise Pascal, Pensées
Et pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre.
Jean de La Fontaine, Le vieillard et les trois jeunes hommes.
J’ai parlé de lui à l’occasion de la mort de Monseigneur, duquel il espérait beaucoup, et rien de la cour nouvelle…
Saint Simon, Mémoires
Le Poète est semblable au prince des nuées
Charles Baudelaire, L’albatros, Les Fleurs du mal
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher
Lui qui aimait tant ses aises, une veste n’importe comment, un vieux pantalon, il n’aimait que ça, les vieux vêtements.
Nathalie Sarraute, La Planétarium
Étourdie, ivre d’empyreumes,
Paul Valéry, La Pythie
Ils m’ont, au murmure des neumes,
Rendu des honneurs souterrains.
Sa fortune était sinon faite, on ne faisait pas sa fortune auprès du roi, mais sa position assurée.
Alexandre Dumas
Parvenus sur la terrasse, leur regard se perdit d’un coup au-delà de la palmeraie.
Albert Camus, L’exil et le Royaume
Ah ! jeune téméraire, dit Norbert, il y a trop de voitures, et encore menées par des imprudents ! Une fois par terre, leurs tilburys vont vous passer sur le corps ; ils n’iront pas risquer de gâter la bouche de leur cheval, en l’arrêtant tout court.
Stendhal, Le Rouge et le Noir
Ma foi, sur l’avenir bien fou qui se fiera :
Jean Racine, Les plaideurs
Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera
Pour en savoir plus, consultez notre guide des figures de style en français.
Je voudrais apporter un complément ou poser une question. Sur l'anadiplose. C'est à propos des comptines qui reposent pour certaines sur l'anadiplose.
Dans les comptines, l’anadiplose peut être le moteur même de l’énoncé. Comme « j’en ai marre, marabout, bout de ficelle, selle de ch’val, ch’val de course, course à pied, pied à terre, terre de feu, feu follet,... »
Il y a une anadiplose phonétique comme dans le début avec les trois phonèmes repris dans "marabout" puis on passe à une anadiplose sémantique ou lexicale avec la reprise des substantifs. Puis on reviendra au phonétique "Follet" qui induit "lait de vache"... Qu'en pensez-vous ?
Sous le pseudo de Pierre Borel.