Chiasme - Figure de style [définition et exemples]
Histoire du chiasme
Le chiasme (qu’il faut prononcer kiasme) a mis du temps avant d’être reconnu en tant que figure de style. En effet, aucun auteur des manuels de rhétorique antique ne l’évoque. Cependant, le chiasme était tout de même abondamment utilisé, sans être classé comme une figure de style, surtout dans les textes religieux. Le chiasme permet de mettre en parallèle des éléments et de créer ainsi des effets d’opposition, des liens de cause à effet.
Ainsi, les textes religieux, riches en leçons de morale, ont beaucoup utilisé le chiasme, par exemple dans l’Évangile selon Luc : « Celui qui s’élève sera abaissé, celui qui s’abaisse sera élevé ». On voit nettement le parallèle créé autour du verbe « abaisser ».
Par la suite, cette figure a été largement utilisée en poésie, pour l’effet de rythme qu’elle crée, et les parallèles inattendus qu’elle peut engendrer. Les romantiques, en particulier, ont apprécié et employé cette figure qui leur permettait, au sein d’un même vers, de montrer des contrastes importants entre différents éléments.
Chez Hugo, le chiasme était au service de son engagement social. Ainsi, dans le poème Melancholia des Contemplations, les effets de parallélisme permettent de montrer l’horreur du travail des enfants :
Ô servitude infâme imposée à l’enfant !
Victor Hugo, Contemplations
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu’a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée.
Définition d’un chiasme
Le chiasme est une figure de style qui assemble des éléments fonctionnant en miroir : à un adjectif et un nom, répondent un nom et un adjectif par exemple. Il repose souvent sur le modèle BA/AB où A peut être un nom et B un adjectif et inversement.
Les éléments sont, le plus souvent, séparés par une conjonction de coordination ou une virgule, ce qui permet de les distinguer plus facilement. Ainsi si l’on prend l’exemple du fameux proverbe « bonnet blanc et blanc bonnet » », on a affaire à un chiasme parfait composé d’un nom (« bonnet ») et d’un adjectif (« blanc ») et auquel répond le système inversé adjectif puis nom séparé par la conjonction « et ».
L’effet de parallèle que cette construction engendre est d’autant plus flagrant que le nom et l’adjectif sont les mêmes, ils ont juste été inversés. C’est d’ailleurs cette inversion qui caractérise le chiasme. Si l’on trouve une phrase qui fonctionne sur le système AB / AB, il s’agit d’un parallélisme et non d’un chiasme.
En résumé, on peut reprendre la définition de notre dictionnaire : le chiasme est une « figure de style consistant à inverser l’ordre des termes dans les parties symétriques de deux membres de phrase de manière à former un parallèle ou une antithèse. »
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Chiasme grammatical, chiasme sémantique et chiasme phonétique
Il existe plusieurs types de chiasme. Le chiasme est appelé grammatical quand les mots utilisés sont de la même nature grammaticale (deux noms, deux adjectifs, deux adverbes…). On peut citer, en exemple, cette phrase des Maximes de la Rochefoucauld : « On passe souvent de l’amour à l’ambition, mais on ne revient guère de l’ambition à l’amour. », où tous les termes sont des noms.
On parle de chiasme sémantique quand les termes partagent le même champ sémantique. Ainsi le vers d’Hugo : « Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu » met en valeur deux termes qui reposent sur la localisation (« en bas »/« en haut »). On peut également rapprocher « dieu » et « roi » qui font référence à des figures particulièrement élevées. Ce rapprochement est ensuite balayé par l’opposition entre les verbes « chanter » et « mourir » qui provoque une certaine rupture, effet permis par le chiasme. Le chiasme est d’ailleurs également grammatical puisque « en haut » et « en bas » sont des termes de même nature, ainsi que « roi » et « dieu ».
Enfin, le dernier type de chiasme est le chiasme phonétique qui, comme son nom l’indique, repose sur des sonorités similaires. Par exemple, la phrase de Jean Cocteau est un chiasme phonétique : « Je préfère les assauts des pique-assiettes aux assiettes de Picasso. »
Exemples de chiasmes
Un roi chantait en bas, en hautmourait un Dieu.
Victor Hugo, La légende des siècles, Booz endormi
Et osent les vaincus les vainqueurs desdaigner.
Du Bellay, Les Antiquité de Rome, XIV
Ce n’est point parce qu’il est difficile que nous n’osons pas ; c’est parce que nous n’osons pas, qu’il est difficile.
Sénèque, Lettres à Lucilius, Lettre 104
Qui craint de souffrir, il souffre déjà de ce qu’il craint.
Montaigne, Essais
Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus.
Corneille, Le Cid
On passe souvent de l’amour à l’ambition, mais on ne revient guère de l’ambition à l’amour.
François de La Rochefoucauld, Maximes
Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés.
La Fontaine, Fables, Les animaux malades de la peste
J’aime mieux un vice commode
Molière, Amphitryon
Qu’une fatigante vertu.
Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.
Racine, Les Plaideurs
Il regarde longtemps, longtemps cherche sans voir.
Vigny, Les Destinées
Vous voulez en savoir plus ?
Consultez de suite notre guide des figures de style en français.
l’un des meilleurs chiasmes, emprunté à la littérature anglaise:
Begot by butcher, but by bishop bread
de Samuel Butler (le père), concernant le Cardinal Wolsey.
Ce vers comporte également une allitération b/b/b/…
il est suivi d’un autre vers comportant également une allitération.
André Chénier est l’auteur d’un chiasme d’anthologie:
Pleurez doux alcyons, ô vous oiseaux sacrés
Oiseaux chers à Théthis, doux alcyons pleurez!
AB/BAC//BC/BA