Énumération - Figure de style [définition et exemples]
Définition de l’énumération
Une énumération est une figure de style qui consiste à accumuler des éléments, mots ou groupes de mots de même niveau syntaxique, par la coordination ou la juxtaposition. L’objectif étant de décrire, de façon ordonnée et la plus exhaustive possible, l’ensemble des parties dans les détails.
Apparu au XVIe siècle, le terme énumération vient du mot latin enumerare, enumeratio, qui signifie « compter en entier, dénombrer », faisant référence au « numerus » pour le nombre.
Les éléments doivent être au nombre de trois minimum pour évoquer l’énumération. Introduits par deux petits points, les termes sont séparés soit par des virgules, soit des points-virgules, comme dans cet extrait de Notre-Dame-des-Fleurs :
Le café était silencieux à tel point que l’on y entendait distinctement tous les bruits. Tout le café pensa que le sourire de : (pour le colonel : l’inverti ; pour les commerçants : la chochotte ; pour le banquier et les garçons : la proutt ; pour les gigolos : « celle-ci », etc.) était abject. Divine n’insista pas.
Jean Genet, Notre-Dame-des-Fleurs
Les éléments, énoncés les uns à la suite des autres, sont mis en relief et accélèrent le rythme de la phrase, produisant un effet d’insistance et créant une amplification.
Proche de l’accumulation, l’énumération est un procédé stylistique très utilisé par les poètes ou les romanciers pour décrire de manière précise les éléments, états ou circonstances d’une scène mais également le portrait d’un personnage. Dans cet extrait de Chant d’automne, Charles Baudelaire représente l’hiver en insistant sur des termes liés au froid, à la maladie, accumulant les sentiments négatifs :
Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,
Charles Baudelaire, Chant d’automne
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé
Quelle différence entre l’énumération et l’accumulation ?
Il faut distinguer l’énumération de l’accumulation. Selon Bernard Dupriez, dans Gradus, les procédés littéraires, l’énumération s’apparente à une accumulation lorsqu’elle caractérise une succession excessive et interminable de mots : « L’accumulation garde quelque chose de moins logique : elle saute d’un point de vue à l’autre, semble pouvoir se poursuivre indéfiniment, tandis que l’énumération a une fin, même si les parties énumérées sont contradictoires ».
L’ impression de désordre et de profusion évoquée par Bernard Dupriez prend tout son sens dans ce récit de Maurice Genevoix :
Cela tintait, grinçait, cognait, cela grondait, haletait, soufflait, et stridait, et hoquetait, et trépidait, à croire que les murs de la grange allaient se fendre et s’écrouler.
Contes et récits, Maurice Genevoix
Quelle différence entre l’énumération et la gradation ?
Il ne faut pas non plus confondre l’énumération avec la gradation, qui consiste à ordonner les éléments accumulés ou énumérés par degré d’intensité, de manière croissante ou décroissante.
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L’extrait du Cid de Corneille : « Va, cours, vole, et nous venge » accumule et énumère des verbes conjugués mais c’est une gradation avec les verbes aller, courir, s’envoler qui est employée.
Lorsque l’énumération vise l’exhaustivité, on parle d’inventaire. Pour illustrer cette caractéristique, nous ne pouvons que citer le célèbre Inventaire à la Prévert, poème sous forme d’une liste de termes, écrit en 1946 :
Une pierre
Jacques Prévert, Paroles
deux maisons
trois ruines
quatre fossoyeurs
un jardin
des fleurs
un raton laveur
[…]
Exemples d’énumérations dans la littérature
Ils exhibaient d’extravagants jabots de batiste et faisaient étinceler à leur chemise, à leurs manchettes, à leurs cravates, à leurs dix doigts, voire même à leurs oreilles, tout un assortiment de bagues, d’épingles, de brillants, de chaînes, de boucles, de breloques dont le haut prix égalait le mauvais goût.
Jules Verne, De la Terre à la Lune
L’ inspiration obéit, comme la faim, comme la digestion, comme le sommeil.
Charles Baudelaire, Conseils aux jeunes littérateurs
Devant eux, sur de petites tables carrées ou rondes, des verres contenaient des liquides rouges, jaunes, verts, bruns, de toutes les nuances.
Guy de Maupassant, Bel-ami
Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer.
Candice, Voltaire
Et des femmes, des hommes, des enfants étaient debout sur le parapet.
Victor Hugo, Dernier jour d’un condamné
Que la terre, les rivières, le ciel, que toute la nature du monde
Jean Racine, Phèdre
Eh bien… on y voyait comme en plein jour… et je ne me vis pas dans ma glace ! Elle était vide, claire, profonde, pleine de lumière !
Guy de Maupassant, Le Horla
Il voyagea. Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sour la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues. Il revint.
Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale
Vous vous confondez avec mon amour dont je ne connais que vêtements et aussi mes yeux, la voix, le visage, les mains, les cheveux, les dents, les yeux…
Robert Desnos, Ô douleurs de l’amour
C’était sous le hangar de la charcuterie que la table était dressée. Il y avait dessus quatre aloyaux, six fricassés de poulets, du veau à la casserole, trois gigots et, au milieu, un joli cochon de lait rôti, flanquée de quatre andouilles à l’oseille.
Gustave Flaubert, Madame Bovary
Ensuite les tables furent couvertes de viandes : antilopes avec leurs cornes, paons avec leurs plumes, moutons entiers cuits au vin doux, gigots de chamelles et de buffles, hérissons au garum, cigales frites et loirs confits.
Gustave Flaubert, Salammbô
Vous voulez en savoir plus ? Consultez notre guide des figures de style en français.