L'homéotéleute – Figure de style [définition et exemples]
Sommaire
Définition de l’homéotéleute
Une homéotéleute est une figure de style qui consiste à utiliser à intervalles rapprochés des mots présentant des syllabes finales identiques. L’accumulation de mots aux consonances similaires rythme les phrases ou les vers et renforce l’effet stylistique.
Cette figure de style est très appréciée des poètes. Elle provoque des effets d’orchestration grâce aux échos sonores dus aux répétitions de phonèmes ou de syllabes. Raymond Queneau en fait une magnifique illustration dans cet extrait de ses célèbres Exercices de style (chapitre Homéotéleutes)
Un jour de canicule sur un véhicule où je circule, gesticule un funambule au bulbe minuscule.
Raymond Queneau, Exercices de style
La succession de mots suffisamment proches les uns des autres est sensible à l’oreille, créant ainsi un ensemble phonique harmonieux.
L’homéotéleute permet la fabrication de jeux de mots en créant un effet d’insistance parfois comique.
Dans cet extrait de la pièce du Malade Imaginaire de Molière, M. Purgon menace Argan de le faire tomber dans la
[…] bradypepsie ; de la bradypepsie dans la dyspepsie ; de la dyspepsie dans l’apepsie ; de l’apepsie dans la lienterie ; de la lienterie dans la dyssenterie ; de la dyssenterie dans l’hydropisie ; et de l’hydropisie dans la privation de la vie, où vous aura conduit votre folie.
Molière, Le malade Imaginaire
La confusion entre l’homéotéleute et la rime
Il ne faut pas confondre l’homéotéleute et la rime. La confusion entre ces deux termes est ancienne et les avis divergent.
Pour Bernard Dupriez, l’homéotéleute n’est « rien d’autre que la rime ou l’assonance introduites dans la prose » alors que Patrick Bacry estime que « l’homéotéleute n’en est pas pour autant une rime : pour que la figure se manifeste. »
Patrick Bacry ajoute « qu’il ne suffit pas que les mots rapprochés s’achèvent de manière phonétiquement identique, il faut encore que la terminaison représente un même élément grammatical ou lexical — ou, au moins que l’identité des mots soit également graphique. Ainsi, l’identité phonétique, comme dans les mots « concret » et « craie », ne suffit pas pour former l’homéotéleute puisque dans ce cas il y a identité purement phonétique des terminaisons, sans qu’elles n’aient ni même origine ni même graphie ; L’homéotéleute, au contraire, sera nette si les deux mots comportent le même suffixe, comme c’est le cas pour « savamment » / « galamment ». Pour lui, « les différents éléments d’une homéotéleute doivent appartenir à la même catégorie morpho- syntaxique : adjectifs, adverbes, substantifs, verbes… »
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Quant à Pierre Fontanier, grammairien français, il désapprouve l’usage de l’homéotéleute dans la prose et note dans Les figures du discours que cette figure de style « qui revient à peu-près à la rime, y est de nécessité indispensable en poésie. »
Histoire et étymologie de l’homéotéleute
Parfois écrit homoïotéleute ou encore homoïtéleuton, le mot homéotéleute vient du mot grec ὁμοιοτέλευτος qui est composé de ὅμοιος signifiant « même, semblable » et de τελευτή « fin, finalité ». Pour en savoir plus >
Exemples d’homéotéleutes
L’art poétique, le théâtre, le conte, le roman regorgent d’homéotéleutes :
Amelette Ronsardelette,
Ronsard, À son âme.
Mignonnelette, doucelette,
Très chère hôtesse de mon corps,
Tu descends là-bas, faiblelette,
Pâle, maigrelette, seulette,
Dans le froid royaume des morts.
Un jour de canicule sur un véhicule où je circule, gesticule un funambule au bulbe minuscule, à la mandibule en virgule et au capitule ridicule. Un somnambule l’accule et l’annule, l’autre articule : « crapule », mais dissimule ses scrupules, recule, capitule et va poser ailleurs son cul. Une hule aprule, devant la gule Saint-Lazule je l’aperçule qui discule à propos de boutules, de boutules de pardessule.
Raymond Queneau, Exercices de style
En face, il y avait le banc d’œuvre, et deux rangs d’hommes quadragénaires, quinquagénaires et sexagénaires, cossus, pansus et cuissus…
Jules Romains, Les Copains
Un spectacle dantesque, gigantesque, burlesque, grand-guignolesque.
San antonio, Ménage tes méninges
Tiens, Polognard, soulard, bâtard, hussard, tartre, cafard, mouchard.
Alfred Jarry, Ubu roi
Et il frissonne, sans personne !
Jules Laforgue, L’Hiver qui vient
M. Tuvache, le maire avec ses deux fils, gens cossus, bourrus, obtus
Gustave Flaubert, Madame Bovary
Elle pue le service ; l’office, l’hospice.
Balzac, Le père Goriot
[…] …un parler (…) non pédantesque, non fratesque [de moine], non plaideresque, mais plutôt soldatesque…
Montaigne, Essais, chapitre XXV, « De l’institution des enfants »
L’homéotéleute est également employée dans les slogans publicitaires, citations et dans la musique. Par exemple :
- Pas d’erreur, c’est Lesieur
- Quand les automobiles sont immobiles, je file file toujours facile dans la ville sur mon V’Lille. (Publicité diffusée dans le métro de Lille pour le V’Lille)
- Bien dire fait rire, bien faire fait taire. (André Dacier)
- Les institutrices, puéricultrices, administratrices, dessinatrices (Philippe Katerine, Louxor j’adore).
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