Hypallage - figure de style [définition et exemples]
Sommaire
Définition de l’hypallage
Une hypallage est une figure de style qui consiste à associer un terme d’une phrase à un terme différent de celui qui aurait eut le plus de sens dans la phrase. Attention, ce mot est féminin, malgré sa terminaison en « -age » qui est habituellement utilisée par des substantifs masculins.
Pour le reformuler autrement, l’hypallage consiste à lier deux termes syntaxiquement alors qu’on s’attendrait plutôt à voir l’un des deux lié à un troisième terme présent à proximité dans le texte. Exemple :
Un vieillard en or avec une montre en deuil. (Plutôt que la montre en or et le vieillard en deuil).
Jacques Prévert
L’échange de place logique de deux mots (généralement des adjectifs) dans la phrase permet à l’écrivain d’associer des termes considérés comme hétérogènes pour former malgré tout une phrase pourvue de sens, dans le but de modifier notre conception du monde ou d’attirer notre attention sur une réalité qu’on n’aurait pas perçue autrement.
Il existe plusieurs types d’hypallage, selon l’effet recherché.
Hypallage simple
Dans le cas de l’hypallage simple, un seul fragment n’est pas à sa place pour altérer le sens de la phrase. L’hypallage simple est ainsi souvent rapprochée de la métonymie, qui emploie un mot pour désigner une idée distincte mais qui lui est associée. Ciceron lui-même avait fait ce constat : « … les grammairiens appellent métonymie ce que les rhéteurs appellent hypallage » (Ciceron, De orator, 27,93).
L’hypallage simple est la forme la plus utilisée en français, devant l’hypallage double.
Exemples d’hypallages simples :
Les habitants de l’orgueilleuse Rome (à la place de « les habitants orgueilleux de Rome »)
Jean Racine
Comme passe le verre au travers du soleil. (inversion du sujet, on lirait normalement « comme passe le soleil au travers du verre. »)
Paul Valéry, Intérieur
L’odeur neuve de ma robe. (pour « l’odeur de ma robe neuve »)
Larbaud
Hypallage double
L’hypallage double consiste en la permutation de deux paires sémantiques dans une phrase. Cette forme était particulièrement appréciée de Virgile.
Inscrivez vous au Parcours Figures de style
Découvrez chaque mardi une nouvelle figure de style.
Exemples d’hypallages doubles :
Ibant obscuri sola sub nocte per umbram. [Ils avançaient, obscurs dans la nuit solitaire, à travers l’ombre] (on pourrait lire : « ils avançaient, solitaires dans la nuit obscure…)
Virgile
Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire. (ici, on échange « rêveur » et « solitaire » : « je suis d’un pas solitaire le sentier rêveur »)
Lamartine
J’aspire, volupté divine !
Hymne profond, délicieux !
Tous les sanglots de ta poitrine.On lirait ici plus logiquement : « volupté profonde et délicieuse » et « hymne divin »
Baudelaire, Madrigal triste
Origine et étymologie de l’hypallage
L’hypallage, du grec ὑπαλλαγή qui veut dire « échange », est une figure de style très ancienne issue de la rhétorique antique. On retrouve notamment la mention de l’hypallage dans les écrits sur la réthorique de l’historien grec J.-C. Denys d’Halicarnasse, au 1er siècle avant Jesus Christ. On trouve également, comme on l’a vu, l’usage de cette figure de style chez les auteurs latins, comme Virgile par exemple.
Exemples d’hypallages dans la littérature
Trahissant la vertu sur un papier coupable.
Boileau
Comme des lyres, je tirais les élastiques
Rimbaud, Ma Bohème
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur ! »
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Paul Valéry, Le Cimetière marin
Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombre
Dans la joie, ô Pierre de Craon, je m’endors, et je me réveille, et je me rendors dans la joie. Que je sois pleine de plus de joie,
Paul Claudel, La jeune fille violaine
Afin d’en apporter à celui que j’aime davantage.
Mordant au citron d’or de l’idéal amer.
Stéphane Mallarmé, L’art poétique (Chant IV)
Pour aller plus loin :
Je suis tombée de ma chaise en lisant dans votre présentation du mot choisi : « qui aurait fait le plus de sens dans la phrase » et en caractères gras, en plus!!!! MAKE SENS!!!!! La plus pure horreur, l’exemple le plus flagrant du glissement vers un français louisianisé…
Je me tue à expliquer à mes compatriotes Québécois que ça ne se dit pas!!!!
Et vous, qui vous intitulez « la languefrançaise.com », écrivez cela en insistant!!!!!! J’en suis baba…
Plusieurs Français nous déçoivent souvent (nous du Québec qui avons besoin d’appui dans notre bataille de tous les jours) avec leur utilisation à outrance de mots et termes anglais – j’ai même pris un cours d’écriture dans un groupe qui ose s’appeler Artist Academy (c’est vous dire le peu de cas que vous faites de notre langue ) – mais nous admirions quand même toujours vos structures grammaticales. Mais si le glissement vers les tournures anglicisantes persiste, c’en est fait de notre langue. Et ce sera la faute des Français, au premier chef, qui se seront bien amusés à ne rien voir venir….