Le cliché - Figure de style [définition et exemples]
Définition du cliché
Un cliché est une figure de style qui consiste à employer une expression rebattue, fondée sur une image figée, devenue banale par l’usage courant qui en a été fait dans la langue française.
Par exemple, des expressions familières comme « avoir une faim de loup » ou « une confiance aveugle », sont devenues « stéréotypées » à force d’être répétées, et ont perdu leur originalité. Elles sont considérées comme des phrases mémorables et faciles à communiquer.
Les clichés ou stéréotypes sont régulièrement employés pour argumenter un discours.
Hervé Laroche précise dans le Dictionnaire des clichés littéraires qu’ « Il faut une attention particulière pour repérer les clichés, et aussi une certaine énergie pour les éliminer. […] Le cliché fonctionne (…) comme marquage de la qualité d'un texte : parce qu'il est précisément une habitude d'écriture, qu'il a été répété avec suffisamment de constance pour être reconnaissable comme participant d'une expression littéraire, le cliché joue le rôle d'une étiquette, d'un label. (comme on en colle sur les poulets pour garantir qu’ils sont "fermiers"). »
Employées dans tous les genres littéraires, de nombreuses métaphores, associations de mots inattendues, expressions et tournures de phrases, comparaisons, sont devenues des clichés à cause de leur utilisation trop fréquente, variant selon les époques, les modes et la culture du lecteur.
Par exemple, dans cet extrait du Malade Imaginaire (cité par Patrice Bacry dans Les figures de style), les clichés se succèdent dans un des discours de Thomas Diafoirus à Angélique :
Mademoiselle, ne plus ne moins que la statue de Memnon rendait un son harmonieux lorsqu'elle venait à être éclairée des rayons du soleil, tout de même me sens-je animé d'un doux transport à l'apparition du soleil de vos beautés et, comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son pôle unique. Souffrez donc, mademoiselle, que j'appende aujourd'hui à l'autel de vos charmes l'offrande de ce cœur qui ne respire et n'ambitionne autre gloire que d'être toute sa vie, mademoiselle, votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur et mari.
Molière, Le Malade Imaginaire
Les personnage types de certains auteurs constituent eux-mêmes des clichés : le mari, souvent jaloux dans les vaudevilles, le libertin Dom Juan dans Tartuffe, le maître Harpagon de Molière, la marâtre dans les contes de fées, le prince charmant…
En littérature et au cinéma, l’emploi du cliché est parfois critiqué, associé à un manque d’inspiration et de créativité, une facilité de langage. Un détail déjà vu dans une oeuvre précédente peut ennuyer le lecteur ou le spectateur. Par exemple, les scénarios mettant en scène des coups de foudre improbables, des méchants qui deviennent gentils, des jumeaux cachés, des secrets de famille… sont fondés sur des clichés cinématographiques, pouvant lasser le spectateur.
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Dans Les Figures de style, Pierre Bacri nous livre ces paroles de la chanson de Claude Nougaro, « conscient d’évoquer le nième scène d’amour sur la plage de l’humanité » :
Voici le célèbre
Claude Nougaro, Dans l’île de Ré
Cliché de vertèbres,
De bras et de lèvres
Roulant
Sur le drap de sable…
Pour conclure cette partie, voici l’extrait d’un texte de Rémy de Gourmont, écrivain français, qui évoque le cliché dans Esthéthique de la langue française : la déformation, la métaphore, le cliché, le vers libre, le vers populaire :
Il n’y a pas de différence essentielle entre la phrase et le vers ; le vers n’est qu’un mot, comme le mur n’est qu’un bloc. Ni du mur, ni du vers, ni de la phrase on ne peut retirer une pierre ni un mot, que le bloc ne se fende et croule. Sans pousser la règle à l’absolu et sans requérir le secours précaire des comparaisons, on dira plus nettement que la phrase est une suite de mots liés entre eux par un rapport logique. Le mot constate l’existence d’un être, d’un acte, d’une idée ; la phrase constate les relations multiples, directes ou inverses, des idées, des êtres, des actes. Ces relations peuvent être fugitives, uniques, rares; elles peuvent être permanentes ou, malgré leur diversité, considérées selon leur état le plus fréquent, le plus visible, le plus connu : une phrase faite une fois pour toutes exprime parfaitement ces rapports vulgaires au retour rythmique ou périodique. Par allusion à une opération de fonderie élémentaire usitée dans les imprimeries, on a donné à ces phrases, à ces blocs infrangibles et utilisables à l’infini, le nom de clichés. Certains pensent avec des phrases toutes faites et en usent exactement comme un écrivain original use des mots tout faits du dictionnaire. (…) Des hommes peuvent parler une journée entière, et toute leur vie, sans proférer une phrase qui n’ait pas été dite. On a écrit des tomes compacts où pas une ligne ne se lit pour la première fois. Cette faculté singulière de penser par clichés est quelquefois développée à un degré prodigieux et sans doute pathologique.
Rémy de Gourmont, Esthéthique de la langue française : la déformation, la métaphore, le cliché, le vers libre, le vers populaire
Cliché et lieu commun
Comme le cliché, le lieu commun est une figure de style qui se définit par son contenu sémantique, mais la notion est différente.
Dans le langage courant, le « lieu commun » est une expression péjorative, qui disqualifie un discours en affirmant qu'il n'est fait que d’idées reçues, sans originalité de la pensée et surtout d'invention rhétorique. Le lieu commun est donc perçue comme une « idée-cadre » susceptible d'engendrer des formules clichées ou stéréotypées.
Selon Remy de Gourmont, « il faut ici différencier le cliché d’avec le lieu commun. Au sens, du moins, où j’emploierai le mot, cliché représente la matérialité même de la phrase ; lieu commun, plutôt la banalité de l’idée. Le type du cliché, c’est le proverbe, immuable et raide ; le lieu commun prend autant de formes qu’il y a de combinaisons possibles dans une langue pour énoncer une sottise ou une incontestable vérité.
Patrick Barri l’explique ainsi dans Les Figures de style : « Affirmer qu’en avril, il vaut mieux se méfier et se couvrir, car certaines journées sont encore fraîches, c’est formuler un lieu commun. En revanche, la phrase qui suit – laquelle est rapportée par Alain Robbe-Grilet dans Le Miroir qui revient est constituée d’une série de clichés : "Dans un vacarme d’enfer, l’avion quitta la piste et se mit à labourer le champ, à grands sillons, comme une charrue… " »
Histoire et étymologie du cliché
Le mot cliché est le participe passé du verbe clicher, défini dans le Dictionnaire étymologique de la langue française (Éditions PUF) comme une « onomatopée, évoquant le bruit que produisait alors la matrice s’abattant sur le métal en fusion. »
Apparu au XIXe siècle dans les ateliers de typographies, le cliché est né des techniques de reproduction. Le cliché est une plaque métallique portant l’empreinte d’une page ou d’une gravure permettant en effet une reproduction à l'identique en un grand nombre d’exemplaires.
L’expression « il tire son cliché » désignait, dans les ateliers d’imprimerie, l’individu qui répétait constamment la même chose, devenant ainsi un procédé universel pour faire allusion à une idée ou une situation ayant perdu toute originalité et reproduite par tous dans le langage.
Exemples de clichés
Voici quelques expressions devenues des clichés :
- Tirer un trait
- Tourner la page
- Avoir le cœur sur la main
- La couleur argentée de la lune
- Des cheveux d’or
- Sonner le glas
- Tremper ses lèvres
- Rire aux éclats
- Le ressac incessant
- Avoir une fièvre de cheval
- Son sang ne fit qu’un tour
- A tort et à travers
- Une amitié indéfectible
- Etre sous les drapeaux
- Il est mort de honte
- Il se meurt d’amour pour elle
- Déclarer sa flamme
- Un coureur de jupons
Dans le langage courant, les petites phrases qui suivent sont dîtes des « clichés » car elles ont toutes un aspect de « déjà vu » ou de « déjà entendu », partant d’une bonne intention mais manquant un peu d’originalité :
- Si tu le veux vraiment, tu vas y arriver
- Ça ira mieux demain
- Prend soin de toi
Pour aller plus loin :