L'accumulation - Figure de style [définition et exemples]
Définition de l’accumulation
Une accumulation est une figure de style qui consiste à énumérer des mots ou groupes de mots, de même nature et de même fonction grammaticale, afin d’amplifier la portée d’un discours ou l’expression d’une idée.
Provenant du latin « accumulare », qui signifie « amonceler, accumuler, ajouter une chose à une autre », le mot « accumulation » est également appelé « entassement ».
Proche de l’énumération, l’accumulation est un procédé stylistique très utilisé par les poètes et les romanciers, qui multiplient les éléments descriptifs d’une scène en donnant des détails.
Comme par exemple, dans cet extrait du Père Goriot de Balzac, où les accumulations descriptives d’adjectifs qualificatifs génèrent un ralentissement du récit :
Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une description qui retarderait trop l’intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas. Le carreau rouge est plein de vallées produites par le frottement ou par les mises en couleur. Enfin, là règne la misère sans poésie ; une misère économe, concentrée, râpée. Si elle n’a pas de fange encore, elle a des taches ; si elle n’a ni trous ni haillons, elle va tomber en pourriture.
Honoré de Balzac, Le Père Goriot
Les éléments, énoncés les uns à la suite des autres, sont mis en relief et accélèrent le rythme de la phrase, produisant un effet d’insistance. L’enchaînement des mots ou groupe de mots, produit un certain suspense et développe l’imagination du lecteur en piquant sa curiosité, comme par exemple dans cet extrait des Lettres de Madame de Sévigné :
Je m’en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu’à aujourd’hui, la plus brillante, la plus digne d’envie…
Lettre du 15 décembre 1670 à M. de Coulanges.
En produisant un effet de profusion et de disproportion, l’accumulation inspire le genre comique comme par exemple dans cet extrait de Gargantua, où François Rabelais énumère, de façon désordonnée, une série d’expressions en patois, mêlées à des termes médicaux :
[…]aux uns écrabouillait la cervelle, aux autres rompait bras et jambes, aux autres délochait les spondyles du cou, aux autres démoulait les reins, avalait le nez, pochait les yeux, fendait les mandibules, enfonçait les dents en la gueule, décroulait les omoplates, sphacelait les grèves, dégondait les ischies, débesillait les faucilles…
François Rabelais, Gargantua
L’accumulation ou l’énumération additive est très fréquente dans la publicité car elle permet d’argumenter et de vanter les mérites d’un produit pour séduire les consommateurs, comme dans ce texte où sont énumérés les avantages d’une machine à écrire de marque Olivetti :
Elle centre. Elle aligne. Elle justifie.
Olivetti, Les plaisirs de la télécriture.
Elle paragraphe.
Elle tabule.
Elle mémorise.
Elle supprime.
Elle corrige.
Elle déplace.
Elle remplace.
Elle gère. Elle trait. Elle affiche.
Elle enregistre.
Elle archive.
Elle tableaute. Et tout ça sur grand écran.
Ciao la dactylo.
Exemples d’accumulations
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
La laitière et le Pot au Lait, Jean de La Fontaine
Devant eux, sur de petites tables carrées ou rondes, des verres contenaient des liquides rouges, jaunes, verts, bruns, de toutes les couleurs.
Guy de Maupassant
[…] Nous connaissons, la joie que nous avons été chargé de leur donner, fais-leur comprendre que ce n’est pas un mot vague, un insipide lieu commun de sacristie, mais une horrible, une superbe, une absurde, une éblouissante, une poignante réalité, et que tout le reste n’est rien auprès. Quelque chose d’humble et de matériel et de poignant, comme le pain que l’on désire, comme le vin qu’ils trouvent si bon, comme l’eau qui fait mourir si on ne vous en donne, comme le feu qui brûle, comme la voix qui ressuscite les morts !
Paul Claudel, Le père humilié
[…] Ainsi, quand je serai perdu dans la mémoire
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, Le Flacon
Des hommes, dans le coin d’une sinistre armoire
Quand on m’aura jeté, vieux flacon désolé
Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé,
Cela tintait, grinçait, cognait, cela grondait, haletait, soufflait, et stridait, et hoquetait, et trépidait, à croire que les murs de la grange allaient se fendre et s’écrouler.
Maurice Genevoix, Contes et récits
Quatre-vingt-six départements qui ont des pointes, des épines, des crêtes, des lames, des tenons, des crochets, des griffes, des ongles, et qui ont aussi des fentes, des fissures, des crevasses, des trous […]
Jules Romains , Les copains
Je n’ai plus que les os, un squelette je semble,
Pierre de Ronsard, Je n’ai plus que les os
Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé,
Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble.
Fuyards, blessés, mourants, caissons, brancards, civières,
Victor Hugo, L’expiation
On s’écrasait aux ponts pour passer les rivières.
[…] et là se fait entendre un perpétuel piétinement, caquètement, mugissement, beuglement, bêlement, meuglement, grondement, rognonnement, mâchonnement, broutement des moutons et des porcs et des vaches à la démarche pesante venus des pâturages de Lush et de Rush et de Carrickmines et des vallées baignées d’eaux courantes de Thomond, des marécages de l’inaccessible M’Gillicuddy et du seigneurial et insondable Shannon, et des pentes douces du berceau de la race de Kiar, […]
James Joyce, Ulysse
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