L'ellipse – Figure de style [définition et exemples]
Définition de l’ellipse
Une ellipse est une figure de style qui consiste à omettre volontairement des éléments d’une phrase qu’exigerait normalement celle-ci pour être complète, sans toutefois en modifier ni le sens, ni la cohérence.
En évitant des répétitions ou des évidences, cette figure d’atténuation ou d’omission, produit un effet de raccourci, allège la phrase et la dynamise. L’expression est plus brève, rendant ainsi le discours plus frappant :
Depuis une semaine que nous nous connaissions, je ne quittais guère le petit docteur au taxi mauve. Un coup de foudre réciproque.
Michel Déon, Un taxi mauve
Ces tournures elliptiques ne nuisent pas à la compréhension du texte, comme le montre l’exemple cité par Pierre Fontanier dans ses Figures du discours :
Savez-vous quelque chose de nouveau ? — Non. Que savez-vous de nouveau ? — Rien. Ces deux réponses négatives, non et rien, sont très illiptiques, très elliptiques même, et l’on voit assez où est l’ellipse. Quelle est la devise des braves ? Vaincre ou mourir ; ce qui veut dire à peu près : Nous voulons vaincre à quelque prix que ce soit ; et plutôt que de ne pas vaincre, nous saurons mourir.
Pierre Fontanier, Figures du discours
Pierre Fontanier définit l’ellipse comme « la suppression de mots qui seraient nécessaires à la plénitude de la construction, mais que ceux qui sont exprimés font assez entendre pour qu’il ne reste ni obscurité, ni incertitude. »
Cependant, l’obscurité évoquée par Pierre Fontanier, quand cette dernière est présente, offre au lecteur la possibilité de développer son imagination et de reconstituer la partie manquante par déduction. La formulation ainsi réduite ou l’information dissimulée, engendrent une reflexion autour des mots oubliés ou autres sous-entendus, donnant ainsi une certaine force au récit.
En littérature, ce procédé narratif peut être marqué par l’accélération temporelle, qui consiste à faire un saut dans le temps en taisant volontairement certains évènements. Dans L’Amant de la Chine du Nord, Marguerite Duras crée une rupture temporelle entre deux paragraphes :
La musique avait envahi le paquebot arrêté, la mer, l’enfant, aussi bien l’enfant vivant qui jouait au piano que celui qui se tenait les yeux fermés, immobile, suspendu dans les eaux lourdes des zones profondes de la mer.
Marguerite Duras, L’Amant de la Chine du Nord
[…]
Des années après la guerre, la faim, les morts, les camps, les mariages, les séparations, les divorces, les livres, la politique, le communisme, il avait téléphoné. Dès la voix, elle l’avait reconnu.
Les usages de l’ellipse
Au-delà du discours, l’ellipse s’utilise très couramment au cinéma. Quand deux scènes, pourtant espacées sur le plan chronologique, parfois à des années d’intervalle, apparaissent successivement, on parle d’ellipse cinématographique. La scène mythique du film 2001, Odyssée de l’espace, où Stanley Kubrick relie, en une seconde à l’écran, deux périodes très éloignées l’une de l’autre, est une ellipse, engageant une reflexion sur le temps.
Proche du style télégraphique, elle est souvent utilisée dans les titres de journaux, les proverbes, les dictons, la publicité pour une meilleure efficacité du message transmis. Abrégé, vif et plus concis.
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La brachylogie, une variante de l’ellipse
La brachylogie, étymologiquement composé de βραχύς / brakhús, signifiant « court », et λόγος/ lógos, pour le « discours », est une forme d’ellipse qui désigne l’emploi d’une expression comparativement courte.
L’ellipse aboutit à la brachylogie qui désigne « la brièveté dans le discours, dans le style » selon Patrick Bacry, dans Les Figures de style.
Mais elle est aussi, selon Bernard Dupriez un « vice d’élocution qui consiste dans une brièveté excessive et poussée assez loin pour rendre le style obscur. »
Histoire et étymologie de l’ellipse
L’ellipse est un terme de grammaire apparu au XVIe siècle emprunté au latin impérial « ellipsis » (« omission »), et issu du grec ancien ἔλλειψις / élleipsis qui signifie « manque, défaut, insuffisance » et de ἐλλείπω, elleípô, signifiant « laisser de côté, négliger ».
L’ellipse est également un terme de géométrie apparu au XVIIe siècle, emprunté du latin scientifique moderne elleipsis désignant un cercle imparfait.
En savoir plus sur l’origine et les définitions du mot « ellipse » >
Exemples d’ellipses
[…] Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je fait fidèle ?
Jean Racine, Andromaque
[..] Ainsi dit, ainsi fait. Les mains cessent de prendre,
Jean de La Fontaine, Les membres et l’estomac
Les bras d’agir, les jambes de marcher.
Tous dirent à Gaster qu’il en allât chercher.
J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. »
Albert Camus, L’étranger
[…] L’air était plein d’encens et les prés de verdure. […]
Victoir Hugo, Tristesse d’Olympio
Les couleurs sont plus crues, les lignes plus nettes, les angles plus vifs.
Georges Simenon, Je me souviens
Le bon vent, la tempête et ses convulsions
Charles Baudelaire, La Musique, Les Fleurs du mal
Sur l’immense gouffre
Me bercent. D’autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !
[…] Cette merveille qu’est ton corps,
André Gide, Écarlate
cette plus étonnante encore, ton esprit !
Il se répétait que cet homme devait mourir. Bêtement : car il savait qu’il le tuerait. Pris ou non, exécuté ou non, peu importait.
André Malraux, La condition humaine
Celui qui rend un service doit l’oublier ; celui qui le reçoit, s’en souvenir.
Démosthène
[…] Baobabs beaucoup baobabs
Henri Michaux, Télégramme de Dakar, Recueil Plume.
baobabs
près, loin, alentour
Baobabs, Baobabs.
Pour aller plus loin, découvrez notre guide des figures de style.