Litote - Figure de style [définition et exemples]
Histoire de la litote
La litote la plus connue de la littérature française est, sans conteste, celle du Cid de Corneille : Chimène, avoue de façon détournée à Rodrigue qu’elle l’aime encore par cette célèbre réplique : « Va, je ne te hais point. »
De fait, la litote a souvent été utilisée au théâtre parce qu’elle crée un effet dramatique et permet de suggérer les sentiments, plus que de les montrer. On peut citer une scène de Phèdre de Racine, où cette dernière avoue ses sentiments pour Hippolyte à sa confidente :
Dieux ! Que ne suis-je assise à l’ombre des forêts !
Racine, Phèdre
Quand pourrai-je, au travers d’une noble poussière,
Suivre de l’œil un char fuyant dans la carrière ?
L’amour que ressent Phèdre n’est jamais clairement évoqué, mais on le ressent par les allusions qu’elle fait.
Cette figure de style, qui vient du grec litotes (λιτότης) qui signifie petitesse, ténuité, apparence simple, sans apprêts n’est cependant pas réservée au théâtre classique. On l’emploie en effet beaucoup de nos jours dans nos expressions quotidiennes. On peut citer : « pas mal » pour dire que quelque chose est bien, ou « ce n’est pas donné », pour signifier qu’une chose est chère. Il convient donc de bien comprendre cette figure de style et ses différences avec, par exemple, l’euphémisme.
Définition d’une litote
On l’aura deviné, la litote est donc une figure de style qui réside sur un principe d’atténuation : on en dit moins que ce que l’on pense vraiment, par pudeur, par ironie ou pour mettre en valeur le propos. La mise en avant vient de l’effet de contraste entre ce qui est dit réellement et ce qui est dit implicitement.
Une litote peut se construire de différentes manières. Elle s’appuie souvent sur la négation : on dit qu’une chose n’est pas ce qu’elle est véritablement. Par exemple, on dira « ce n’est pas faux », pour signifier qu’une chose est vraie.
Pierre Fontanier, dans Les Figures du discours, classe la litote dans les figures d’expression par réflexion. Il explique qu’on l’« appelle autrement Diminution », et « au lieu d’affirmer positivement une chose, [elle] nie absolument la chose contraire, ou la diminue plus ou moins, dans la vue même de donner plus d’énergie et de poids à l’affirmation positive qu’elle déguise » (p. 133, il souligne).
Les exemples courants sont « Ce n’est pas un lâche, un poltron » pour dire « c’est un homme de cœur, un homme courageux » ; « il n’est pas peu insolent » pour « il est d’une grande insolence ». L’exemple souvent donné est le « Va, je ne te hais point » de Chimène à Rodrigue.
Inscrivez vous au Parcours Figures de style
Découvrez chaque mardi une nouvelle figure de style.
Enfin, Pierre Fontanier explique que l’interprétation de la litote demande souvent un ton et un contexte. La forme écrite ne permet pas toujours de dire si oui ou non il y a volontairement une litote : « Mais il faut observer néanmoins que c’est au ton et aux circonstances du discours qu’est due principalement cette force et cette énergie de sens qui fait la Litote : la forme grammaticale et le tour de phrase seuls n’offriraient qu’une expression ordinaire, et qu’il faudrait prendre à la lettre » (p. 134-135).
Pierre Fontanier ajoute enfin ces précisions d’ordre étymologique :
Litote, en grec Λιτοτησ [Litótes], simplicité, diminution, exténuation : de λιτοσ [litós] simple, petit. Cette figure est ainsi nommée, parce qu’elle feint d’affaiblir l’expression pour la fortifier, et qu’elle dit moins pour faire entendre le plus » (p. 263).
Pierre Fontanier, Les Figures du discours
Quelle est la différence entre la litote et l’euphémisme ?
La définition de la litote fait penser à celle de l’euphémisme, figure qui repose également sur un principe d’atténuation. On constate d’ailleurs que, pour beaucoup de gens, les deux figures sont synonymes. Il existe cependant une différence. L’euphémisme masque la réalité, alors que la litote la met en lumière.
En effet, l’euphémisme est utilisé pour cacher une réalité douloureuse (on dit par exemple « non-voyants » pour « aveugles ») et est ainsi connotée négativement. Ce n’est pas le cas pour la litote qui sert à mettre en valeur une chose, et qui n’a donc pas pour intention de l’atténuer.
Quelle est la différence entre la litote et l’antiphrase ?
L’antiphrase consiste à dire l’inverse de ce que l’on pense, feignant de nier la réalité pour mieux en accentuer le caractère exceptionnel. Ainsi, lorsqu’on emploie une antiphrase on dira « Comme ce lieu reflète l’ordre et la propreté » alors que dans le cas d’usage d’une litote on dira « Ce lieu ne sent pas la rose ».
Exemples de litotes
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine !
Chénier, Élégies
Un vaisseau la portait aux bords de Camarine…
Ce n’était pas un sot, non, non, et croyez-m’en,
La Fontaine, Fables.
Que le chien de Jean de Nivelle
Notre adieu ne fut point un adieu d’ennemis.
Corneille, Suréna
J’ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs
Victor Hugo, Les Contemplations
Je marche, sans trouver de bras qui me secourent.
Il est vrai, que parfois, les militaires s’exagérant l’impuissance relative de l’intelligence, négligent de s’en servir.
De Gaulle, Le Fil de l’Épée
Ce Sarrasin me semble fort hérétique.
La Chanson de Roland
Nous étions quelques-uns à nous déplacer de conserve. Un jeune homme, qui n’avait pas l’air très intelligent.
Raymond Queneau, Exercices de style
Vous n’avez donc pas de maisons pour manger et boire ? Ou bien méprisez-vous l’Église de Dieu, et voulez-vous faire honte à ceux qui n’ont rien ? Que vous dire ? Vous louer ? Sur ce point, je ne vous loue pas.
Corinthiens 11:22
Mais il me reste un fils. Vous saurez quelque jour,
Racine, Andromaque
Madame, pour un fils jusqu’où va votre amour.
Vous voulez en savoir plus ?
Consultez notre guide des figures de style en français.
Merci de votre travail.