Que sont devenus les apprentis écrivains du confinement ?
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Premier roman, journal de confinement ou simples gribouillages dans un carnet… Plus d’un an après le premier confinement (mars 2020), nous sommes partis à la recherche de ces primo-écrivains qui ont décidé de profiter de ces mois de retraite forcée pour se mettre à l’écriture. Avec l’espoir de se voir éventuellement publiés…
Beaucoup d’appelés, peu d’élus… C’est une phrase que l’on peut aisément appliquer au dur monde de l’édition. Les écrivains en herbe sont familiers des aléas du métier et nombre d’entre eux savent bien le peu de chance qu’ils ont de voir leur manuscrit accepté entre cent autres. Un fait qui s’est d’autant avéré lors du premier confinement dû à la pandémie de Covid-19, en mars 2020.
A l’issue de ce dernier, les maisons d’édition ont affirmé avoir reçu un raz-de-marée de manuscrits. Un phénomène somme toute facilement explicable : solitude, désœuvrement, introspection, tous les facteurs étaient assemblés pour pousser chacun à prendre la plume.
On s’attendait donc à voir paraître dès la rentrée de janvier 2021 de nouveaux auteurs révélés par cette période particulièrement éprouvante. Mieux encore, on aurait pu croire que les maisons d’édition en profiteraient pour innover dans le domaine. Pourtant, si du côté de l’édition, aucun changement majeur n’a pour le moment été souligné, c’est du côté des auteurs que les choses ont évolué.
Le sursaut de l’écriture
Lire et écrire font partie des deux activités les plus fondamentales de notre société. C’est chose naturelle donc que les Français se soient mis à l’écriture durant les derniers confinements. Selon un sondage réalisé par Harris Interactive, un Français sur dix aurait débuté un projet rédactionnel durant cette période.
L’écriture a été spontanée. A l’époque, je travaillais dans un magasin alimentaire. Face à ma feuille, le contexte n’existait plus.
Louis Tardy, 27 ans
« L’écriture a été spontanée. A l’époque, je travaillais dans un magasin alimentaire, explique Louis Tardy, 27 ans. Face à ma feuille, le contexte n’existait plus. » Mais si la majeure partie de ces scribouillards en herbe a avoué l’avoir fait dans un but personnel – « cher journal… » – certains d’entre eux espéraient, ou espèrent toujours, soumettre leur œuvre aux maisons d’édition.
Louis fait justement partie de ceux-là. « J’avais envie de faire quelque chose de concret, de donner à lire à des professionnels et de sortir du simple document word, confie-t-il. J’avais envie aussi d’aller plus loin que le « one shot » de l’écriture pour me sentir mieux. »
De rares parutions
Ces « primo-écrivains », passant d’une vague envie de poser des pensées sur papier à la concrétisation d’un projet littéraire construit ont-ils pour autant changé la donne dans le monde de l’édition ? Pas vraiment… Et ce pour deux raisons.
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Devenir premiumLa première, c’est que, « outre le retard des publications prévues généré par la fermeture des librairies dès mars 2020 et, par extension, le retard dans le traitement des manuscrits reçus, les rares maisons d’édition à avoir tenté la publication d’ouvrages écrits durant le confinement ont affronté un véritable échec », détaille David Meulemans, président des éditions Aux Forges de Vulcain. Même lorsque le nom de l’auteur est bien connu. Preuve en est du Journal de confinement, écrit par Leïla Slimani et âprement reçu par la presse et les lecteurs.
Cette réception glaciale, par ailleurs, a permis aux éditeurs de prendre conscience d’une vérité, difficile dès lors d’ignorer : plus personne ne veut lire les jérémiades et constatations d’auteurs sur l’expérience douloureuse de la pandémie vécue par la population entière. C’est désormais d’évasion dont les lecteurs ont besoin.
Trouver le lecteur
Quelle solution, alors, pour tous ces auteurs des débuts, laissés sur le carreau ? Ces manuscrits, laborieusement accouchés par nos apprenti-écrivains, n’ont-ils aucune chance d’être révélés aux yeux des lecteurs ?
Quelques stratagèmes existent. Sur le forum des Jeunes écrivains, des groupes d’écriture se sont mis en place pour faire circuler des écrits tout au long du confinement. Mais pour ceux à qui cela ne suffirait pas, il reste encore une dernière chance : l’auto-édition.
Nous entendons déjà d’ici les récriminations des pontes de l’édition qui dénigrent souvent la légitimité de cette industrie dans le paysage littéraire. « En Angleterre, pour parler de l’auto-édition, on utilise l’expression ‘Vanity editing’, c’est-à-dire une édition qui se fait pour contenter l’ego de l’auteur et non pour satisfaire le lecteur », commente David Meulemans.
Pourtant, tout porte à croire que c’est un secteur d’avenir en grande expansion. « C’est ouvert à tous, l’auteur garde une grande liberté, il peut se faire accompagner de la relecture au choix de la couverture », assure Charlotte Allibert, fondatrice de Libri Nova, une structure accompagnant les auteurs désireux de voir paraître leur manuscrit.
Malgré tout, que ce soit dans le monde de l’édition conventionnelle, sur des forums ou les plateformes d’auto-édition, un désir habite tous les premiers auteurs, même ceux ayant atteint le Graal de la publication : celui d’être lu. Et les lecteurs ne sont que rarement au rendez-vous. Un quatrième confinement nous confirmera-t-il la tendance ?