Le registre comique
Sommaire
Définition du registre comique
Le registre comique est un registre littéraire dont l’objectif est de divertir le spectateur ou le lecteur, de les faire rire, particulièrement par le caractère inattendu et surprenant de la situation. Très fréquent au théâtre, il est cependant présent dans tous les genres littéraires.
Le rire remplit des fonctions variées. Il permet de dédramatiser le caractère inquiétant, voire angoissant, d’une situation. Comme l’ironie, il a une fonction critique. Il s’agit d’une arme littéraire redoutable pour dénoncer des faiblesses et des imperfections, aborder des problématiques de société.
Par exemple, les œuvres Gargantua et Pantagruel sont des récits comiques où le rire tient une fonction critique. François Rabelais utilise l’humour pour aborder des thèmes comme l’éducation médiévale, l’éducation humaniste, la guerre, la religion, la fête, la luxure.
Pour Bergson, le rire a une fonction sociale :
Pour comprendre le rire, il nous faut le remettre dans son environnement naturel, qui est la société, et surtout, nous devons déterminer son utilité, qui est sociale. Telle sera l'idée directrice de toutes nos investigations. Le rire doit répondre à certaines exigences de la vie en commun. Il doit avoir une signification sociale.
Henri Bergson, Le rire, Essai sur la signification du comique
Le registre comique a donné naissance à d'autres formes de registres comme l’ironie, la parodie, le burlesque.
Procédés et thèmes du registre comique
Pour déclencher le rire et tourner en dérision certaines situations, l’auteur met en place des effets comiques en faisant appel à divers procédés.
Le comique de langage
De nombreux auteurs de pièces de théâtre jouent avec les mots pour divertir le spectateur. Jeux de mots, calembours, accents, défauts de prononciation, niveaux de langue et sons, répétitions, anagrammes, doubles sens, noms ridicules ou évocateurs, font sourire le public.
Dans l’extrait suivant, Sganarelle joue par exemple avec les mots :
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Ah ! C’était un grand homme ! […] Grand homme tout à fait : un homme qui était plus grand que moi de tout cela.
Molière, Le Médecin malgré lui, Acte II, Scène 4
Le comique de gestes
Coups, bastonnades, chutes, gifles, poursuites, mimiques ou grimaces… tous les gestes sont bons pour divertir le public qui est très friand de cette forme de comédie. Très répandu au temps de Molière, le comique de gestes rappelle la farce, genre théâtral du Moyen-Âge qui trouve son origine dans la comédie grecque antique.
La scène 2 de l’acte III des Fourberies de Scapin met en scène Scapin qui donne des coups de bâton à Géronte. Les mouvements des acteurs sur la scène sont indiqués par les didascalies, rédigées entre parenthèses dans l’extrait suivant :
SCAPIN.- Cachez-vous. Voici un spadassin qui vous cherche. (En contrefaisant sa voix.) "Quoi ? Jé n'aurai pas l'abantage dé tuer cé Geronte, et quelqu'un par charité né m'enseignera pas où il est ?" (À Géronte avec sa voix ordinaire.) Ne branlez pas. (Reprenant son ton contrefait.) "Cadédis, jé lé trouberai, sé cachât-il au centre dé la terre." (A Géronte avec son ton naturel.) Ne vous montrez pas. (Tout le langage gascon est supposé de celui qu'il contrefait, et le reste de lui.) "Oh, l'homme au sac !" Monsieur. "Jé té vaille un louis, et m'enseigne où put être Géronte." Vous cherchez le seigneur Géronte ? "Oui, mordi ! Jé lé cherche." Et pour quelle affaire, Monsieur ? "Pour quelle affaire ?" Oui. "Jé beux, cadédis, lé faire mourir sous les coups de vaton." Oh ! Monsieur, les coups de bâton ne se donnent point à des gens comme lui, et ce n'est pas un homme à être traité de la sorte. "Qui, cé fat dé Geronte, cé maraut, cé velître ?" Le seigneur Géronte, Monsieur, n'est ni fat, ni maraud, ni belître, et vous devriez, s'il vous plaît, parler d'autre façon. "Comment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ?" Je défends, comme je dois, un homme d'honneur qu'on offense. "Est-ce que tu es des amis dé cé Geronte ?" Oui, Monsieur, j'en suis. "Ah ! Cadédis, tu es de ses amis, à la vonne hure." (Il donne plusieurs coups de bâton sur le sac.) "Tiens. Boilà cé que jé té vaille pour lui." Ah, ah, ah ! Ah, Monsieur ! Ah, ah, Monsieur ! Tout beau. Ah, doucement, ah, ah, ah ! "Va, porte-lui cela de ma part. Adiusias." Ah ! diable soit le Gascon ! Ah !
Molière, Les fourberies de Scapin
En se plaignant et remuant le dos, comme s'il avait reçu les coups de bâton.
Le comique de situation
Jeux de scènes, malentendus ou quiproquo, inspirés de la comedia dell’arte italienne, créent des situations comiques improbables. Tous ces rebondissements ou retournements de situation, à la manière d’un traditionnel vaudeville, sont très appréciés des spectateurs.
Par exemple, la pièce de théâtre Un fil à la patte de Georges Feydaud enchaîne les quiproquos. Le personnage Bois d’Enghien a une maîtresse nommée Lucette, à laquelle il ne peut avouer qu’il épouse une jeune héritière. Dans ce contexte, les situations comiques, à la limite de l’absurde et du ridicule, s’enchaînent, les personnages étant dépassés par les évènements.
Le comique de caractère ou de mœurs
Le comique de mœurs repose sur une exagération des défauts humains, des habitudes d’une société ou d’une époque. Telle une caricature, il souligne les vices des personnages.
La comédie du Malade Imaginaire est une pièce qui réunit différentes formes comiques avec une prédominance pour le comique de caractère. Le personnage Argan, hypocondriaque, est au centre de la pièce. Les médecins le persuadent qu’il est malade alors qu’il est en pleine forme.
Prenant un malin plaisir à inquiéter le bourgeois naïf, le médecin est ainsi présenté comme une personne sadique et irrespectueuse, qui abuse de l’ignorance de ses patients.
Autre exemple avec une autre comédie de Molière : L’avare, où c’est l’avarice du personnage Harpagon qui est dénoncée de manière caricaturale :
HARPAGON — Au voleur ! au voleur ! à l'assassin ! au meurtrier ! Justice, juste Ciel ! je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu'est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N'est-il point là ? N'est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête.
Molière, L'avare
Exemples de textes appartenant au registre comique
Le registre comique est présent dans les comédies théâtrales sous plusieurs sortes. Il arrive très fréquemment que plusieurs formes comiques soient utilisées dans une seule et même pièce.
Voici quelques exemples d’autres textes appartenant au registre comique (avec une ou plusieurs formes) :
ARGAN — (court après Toinette.)
Ah ! insolente ! il faut que je t'assomme !TOINETTE — (se sauve de lui.)
Il est de mon devoir de m'opposer aux choses qui vous peuvent déshonorer.ARGAN — (en colère, court après elle autour de sa chaise, son bâton à la main.)
Viens, viens, que je t'apprenne à parler !TOINETTE — (courant et se sauvant du côté de la chaise où n'est pas Argan.)
Je m'intéresse, comme je dois, à ne vous point laisser faire de folie.ARGAN — Chienne !
TOINETTE — Non, je ne consentirai jamais à ce mariage.
ARGAN — Pendarde !
TOINETTE — Je ne veux point qu'elle épouse votre Thomas Diafoirus.
ARGAN — Carogne !
Molière, Le malade imaginaire
Dans cette scène se succèdent le comique de gestes marqué par la course poursuite entre Argan et Toinette, le comique de mots avec les insultes (insolente, chienne, pendarde, carogne), le comique de caractère (caricature de la servante Toinette). Tous ces éléments renforcent le comique de situation de cette scène.
M. JOURDAIN — Madame, ce m'est une gloire bien grande de me voir assez fortuné pour être si heureux que d'avoir le bonheur que vous ayez eu la bonté de m'accorder la grâce de me faire l'honneur de m'honorer de la faveur de votre présence ; et si j'avois aussi le mérite pour mériter un mérite comme le vôtre, et que le Ciel… envieux de mon bien… m'eût accordé… l'avantage de me voir digne… des…
DORANTE — Monsieur Jourdain, en voilà assez : Madame n'aime pas les grands compliments, et elle sait que vous êtes homme d'esprit. (Bas, à Dorimène.) C'est un bon bourgeois assez ridicule, comme vous voyez, dans toutes ses manières.
Molière, Le Bourgeois Gentilhomme, Acte III, Scène 19
Dans Le Bourgeois Gentilhomme, Molière utilise le registre comique pour dénoncer l’hypocrisie en soulignant les traits de caractère telles que la malhonnêteté, la flatterie et la manipulation des deux personnages.
Brid’oison, à Figaro. — Qu’oppo… qu’oppo-osez-vous à cette lecture ?
Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, Acte III, Scène 15
Figaro — Qu’il y a, messieurs, malice, erreur ou distraction dans la manière dont on a lu la pièce, car il n’est pas dit dans l’écrit : laquelle somme je lui rendrai, ET je l’épouserai, mais : laquelle somme je lui rendrai, OU je l’épouserai ; ce qui est bien différent.
Le Comte — Y a-t-il et dans l’acte ; ou bien ou ?
Bartholo — Il y a et.
Figaro — Il y a ou.
Brid’oison — Dou-ouble-Main, lisez vous-même.
Double-Main (prenant le papier) —Et c’est le plus sûr, car souvent les parties déguisent en lisant. (Il lit.) E. e. e. e. Damoiselle e. e. e. de Verte-Allure e. e. e. Ha ! laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château… ET… OU… ET… OU… Le mot est si mal écrit… il y a un pâté.
On trouve de nombreux jeux de mots dans l’œuvre de Beaumarchais, particulièrement dans cette scène où les répétitions se succèdent.
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