Les registres de langue
Définition d’un registre de langue
Un registre de langue, appelé aussi niveau de langue, correspond au type de langage employé pour s’exprimer, autant à l’oral qu’à l’écrit. Que ce soit au niveau du champ lexical ou de la syntaxe, le mode d’expression utilisé permet de mieux cerner l’intention de l’auteur ou de l’interlocuteur, mais aussi le milieu et le contexte dans lesquels évoluent les personnes.
Pour identifier un registre de langue, il convient donc d’observer le vocabulaire employé et la construction de la phrase.
En utilisant le registre adéquat, l’auteur ou l’interlocuteur adapte les dialogues et les récits aux idées ou émotions qu’il veut transmettre.
Il n’est pas rare de trouver dans une œuvre littéraire plusieurs registres de langue, en fonction des situations. Varier les registres de langue au cœur d’un récit ou d’un dialogue, en fonction des effets recherchés, enrichit l’ouvrage, où les personnages sont alors plus proches de la réalité.
À l’oral également, que ce soit dans la vie privée ou professionnelle, il faut adapter le registre de langue en fonction de la personne à qui on s’adresse.
Liste des différents registres de langue
On distingue trois principaux registres de langue. Selon la construction de la phrase et le vocabulaire utilisé par l’auteur, le niveau peut être familier, courant ou soutenu.
Avant de vous donner une description détaillée de chacun des registres, comparons-les avec une phrase simple utilisée dans une situation de la vie quotidienne.
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- « Nous feriez-vous l’honneur d’être des nôtres samedi prochain ? » appartient au registre soutenu.
- « Est-ce que tu seras là samedi ? » appartient au registre courant.
- « T’es là samedi ? » appartient au registre familier.
Ainsi, même si les mots employés appartiennent à un niveau de langue différent, ils n’altèrent pas le sens initial de la phrase.
Un autre exemple avec le verbe « manger » qui est un mot du registre courant. Dans le registre familier, on dirait « bouffer » et dans le registre soutenu « se sustenter ».
Entrons maintenant davantage dans les détails en décrivant les trois registres cités ci-dessus.
Le registre familier
Employé le plus souvent entre proches, amis, famille ou collègues de travail, le registre familier se caractérise par un vocabulaire familier, populaire. Souvent, les interlocuteurs n’ont aucun lien hiérarchique entre eux, se connaissent très bien, sont de même niveau, de même classe sociale et appartiennent à un milieu identique.
Les termes utilisés sont assez simples et conviennent à tout le monde. Quant aux règles de grammaire elles sont, dans l’ensemble, respectées malgré quelques fautes de syntaxe. On voit généralement des mots abrégés, des élisions de pronoms comme dans « t’es là ? », ainsi que des phrases utilisées sans négation : « J’ai pas eu le temps » au lieu de « Je n’ai pas eu le temps »
Il s’agit donc d’un langage ordinaire utilisé dans la vie de tous les jours, à l’oral, dans des conversations d’ordre informel. Il ne doit, en aucun cas, être utilisé dans des discours ou dans des écrits formels.
Un niveau de langue qui pour certains, appartient au registre familier, est le langage populaire. Principalement utilisé à l’oral, dans une discussion spontanée, ce niveau de langage est fortement déconseillé pour une discussion formelle. Les termes utilisés peuvent être jugés comme étant vulgaires, avec des tournures grammaticales incorrectes. Anglicismes comme « checker », « chum », « chatter », termes péjoratifs, fautes de conjugaison et de syntaxe, argot, expressions inadaptées… font de ce registre de langue le moins soigné de tous.
Considéré comme le langage des adolescents et des personnes sans éducation, il est utilisé par certains réalisateurs ou humoristes qui font de la mise en scène.
Voici quelques exemples d’expressions familières ou populaires bien connues de tous, très imagées pour la plupart :
- Rien à cirer
- Faire gaffe
- Péter un câble,
- Être mal barré,
- Avoir la dalle,
- Il y a belle lurette,
- Ça craint,
- Se faire un ciné,
- Se la péter,
- Travailler comme un malade,
- Ça me prend la tête
Selon le genre littéraire, certains auteurs utilisent le registre familier ou populaire, souvent pour représenter la société ou le milieu qu’ils décrivent, et donner un effet de réalisme. Louis-Ferdinand Céline est connu pour son style fait d'argot et mêlant langue écrite et orale :
— C'est bien, que je leur disais à mes trois dégoûtants, pas qu'elle est belle mon histoire ? …
[...]
Louis-Ferdinand Céline, Guerre
— Brigadier, qu'il me fait comme ça, il se servait des deux mains pour faire marcher sa bouche… On est pas contents nous autres, c'est pas d'une histoire comme ça que nous autres on a besoin …
Dans la série des Rougon-Macquart, Émile Zola utilise des mots particuliers, que ce soit dans les dialogues entre les personnages ou dans les descriptions :
Comment ! tu vas chez ce roussin de Bourguignon ! cria Mes-Bottes, quant le zingueur lui eut parlé. Plus souvent qu’on me pince dans cette boîte ! Non, j’aimerais mieux tirer la langue jusqu’à l’année prochaine... Mais, mon vieux, tu ne resteras pas là trois jours, c’est moi qui te le dis !
Émile Zola, L’Assommoir
Certains personnages de pièces de théâtre classique sont caricaturés et s’expriment avec un langage familier, produisant un effet comique, très apprécié du lecteur.
Par exemple, dans Le Médecin malgré lui de Molière, le personnage Lucas parle avec un patois familier, et Martine insulte son mari Sganarelle en le traitant de « geux, ivrogne, fripon, maraud, voleur … ».
« LUCAS — Et testigué ! ne lantiponez point davantage, et confessez à la franquette 2 que v’êtes médecin. »
Molière, Le Médecin malgré lui, Acte I, Scène 5
« LUCAS — Ou encore dans « « Le velà tout craché comme on nous l'a défiguré »
Il faut savoir que dans le dictionnaire, tous les mots appartenant au registre familier sont signalés par l’indication familier ou l’abréviation fam, en début de définition.
Par exemple, le mot fourbi :
« Fourbi : n.m. (Familier) Ensemble d’affaires, d’objets divers, souvent mal rangés. Il est parti à la pêche avec tout son fourbi. SYN. Attirail »
Le registre courant
Considéré comme un langage neutre et formel, le registre courant est employé dans la vie quotidienne, dans les communications orales et écrites. Il s’agit du registre de langue le plus fréquent car tout le monde l’utilise pour s’exprimer dans ses relations professionnelles, familiales et amicales.
Le registre courant utilise un vocabulaire usuel (pas de termes recherchés ou spécialisés) et une syntaxe correcte, sur un ton neutre, sans effets de style particuliers. De manière générale, il n’y a pas de difficultés de compréhension, que ce soit dans les conversations ou les écrits.
Les discours, la télévision et la radio, les journaux, par exemple, emploient un registre courant.
Quelques exemples de phrases utilisées au quotidien appartenant au registre courant :
- « Où allez-vous ? » : aucune faute de grammaire avec une inversion correcte du verbe et du sujet.
- « Tu as quel âge » : malgré le fait qu’il n’y ait pas d’inversion, le pronom « tu » n’est pas élidé. Dans un registre familier, on aurait pu dire « T’as quel âge ? »
Le registre soutenu
Considéré comme le langage de l’écrit, le registre soutenu, plus soigné et raffiné, est particulièrement présent dans les textes littéraires, les documents officiels ou protocolaires. Peu utilisé à l’oral, il peut toutefois s’employer si l’on s’adresse à une personne importante ou dans un milieu socio-culturel élevé.
Le vocabulaire utilisé est rare, précis et recherché, avec un niveau de syntaxe très élaboré. Ce qui implique une connaissance approfondie de la langue, de la littérature et de la culture. Construites avec des temps comme le passé simple et l’imparfait du subjonctif, ainsi que de nombreuses propositions subordonnées et des figures de style, les phrases, souvent longues, sont plus complexes.
Intellect, élégance et éloquence caractérisent le langage soutenu, qui représente également un signe de distinction et de politesse.
Illustrons ces propos par quelques exemples : dans la vie courante, les phrases « Nous avons apprécié ces mets succulents », « Nous avons subi quelques désagréments », ou les formules de politesse « Recevez mes salutations distinguées » appartiennent au registre soutenu.
De nombreux textes littéraires sont écrits dans un registre de langue soutenu.
Bloch était flatté de surnager seul dans le naufrage universel. Mais là encore il aurait voulu des précisions, savoir de quelles inepties voulait parler M. de Norpois. Bloch avait le sentiment de travailler dans la même voie que beaucoup, il ne s'était pas cru si exceptionnel. Il revint à l'affaire Dreyfus, mais ne put arriver à démêler l'opinion de M. de Norpois. Il tâcha de le faire parler des officiers dont le nom revenait souvent dans les journaux à ce moment-là ; ils excitaient plus la curiosité que les hommes politiques mêlés à la même affaire, parce qu'ils n'étaient pas déjà connus comme ceux-ci et, dans un costume spécial, du fond d'une vie différente et d'un silence religieusement gardé, venaient seulement de surgir et de parler, comme Lohengrin descendant d'une nacelle conduite par un cygne.
Marcel Proust, À la recherche du temps perdu
Au-delà du registre soutenu, il existe un degré supérieur de langage dit registre « littéraire », « très soutenu », « relevé » ou « sublime », utilisé principalement par les grands auteurs de littérature, les poètes et le théâtre. Les écrits sont structurés de manière très complexe, faisant appel à un vocabulaire spécifique, utilisé selon l’effet recherché par l’auteur.
Il existe de nombreux sous-registres littéraires, qui correspondent à des procédés stylistiques particuliers, comme les registres burlesque, satirique, réaliste et bien d’autres encore.
Je suis tellement heureux de savoir les différentes étapes de langage en français et leur particularité. Merci à vous. Mohamed KONÉ depuis la Côte d'Ivoire.