Le champ lexical - procédé littéraire [définition et exemples]
Qu’est-ce qu’un champ lexical ?
Le champ lexical est un ensemble de mots ou expressions, dans un texte, qui appartiennent à un même thème, une même idée, une même famille.
Les mots qui forment un champ lexical, génériques ou spécifiques, peuvent être synonymes. Ils peuvent également appartenir à des classes grammaticales différentes (noms, verbes adjectifs, adverbes ou expressions).
Par exemple, les mots instrument, compositeur, chant, harmonica, son, concert se rapportent au champ lexical de la musique.
Un mot peut correspondre à plusieurs champs lexicaux. Dans l’exemple ci-dessus, le mot son appartient également au champ lexical de la voix et à celui du bruit.
En tant que lecteur, repérer les principaux champs lexicaux dans un texte ou un discours est essentiel pour l’analyse littéraire. Définir le ou les thèmes abordés et bien comprendre les sens des mots qui le composent, rendront l’interprétation meilleure. À travers les mots employés, le lecteur appréhendera mieux ce que l’auteur souhaite mettre en évidence.
En tant qu’auteur, le champ lexical permet d’enrichir un texte, avec davantage de précision et de cohérence, en évitant les répétitions. L’utilisation des champs lexicaux est fréquente pour la description de paysages, de lieux ou de personnages.
Par exemple, Jules Vallès décrit minutieusement Grand’tante Agnès en employant le champ lexical du portrait :
Elle a bien soixante dix ans et elle doit avoir les cheveux blancs; je n’en sais rien; personne n’en sait rien, car elle a toujours un serre-tête noir qui lui colle comme du taffetas sur le crâne; elle a, par exemple, la barbe grise, un bouquet de poils ici, une petite mèche qui frisotte par là, et de tous côtés des poireaux comme des groseilles, qui ont l’air de bouillir sur sa figure.
Jules Vallès, L’enfant
Pour mieux dire, sa tête rappelle par le haut, à cause du serre-tête noir une pomme de terre brûlée et, par le bas, une pomme de terre germée: j’en ai trouvé une gonflée, violette, l’autre matin, sous le fourneau, qui ressemblait à grand tante Agnès comme deux gouttes d’eau.
Les champs lexicaux peuvent également se combiner entre eux dans un même texte, permettant de l’enrichir et d’associer les mots par comparaison ou par métaphore. Ils sont aussi en opposition comme dans cet extrait des Petits poèmes en prose, où Charles Baudelaire utilise le champ lexical de la pauvreté ainsi que celui de la richesse :
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Sur une route, derrière la grille d’un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie. Le luxe, l’insouciance et le spectacle habituel de la richesse rendent ces enfants-là si jolis, qu’on les croirait faits d’une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté. A côté de lui, gisait sur l’herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d’une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroterie. Mais l’enfant riche ne s’occupait pas de son joujou préféré, et voici ce qu’il regardait : De l’autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, sale, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait la beauté, si, comme l’œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.
Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose
Afin de mieux illustrer ces propos, nous vous proposons quelques exemples de champs lexicaux.
Exemples de champs lexicaux en français
Nous vous donnons ici quelques exemples de champs lexicaux, dont les thèmes sont fréquemment utilisés en littérature.
Champ lexical de l’amour
Tous les mots ou expressions qui suivent font référence au domaine de l’amour : aimer, amoureux, tomber amoureux, amoureusement, passion, liaison, feu, chaleur, cœur, dévorant, tendresse, amitié, relation, conjoint, conjointe, union, haine, jalousie, le cœur a ses raisons que la raison ignore, adorer, flamme, idylle…
Ah! sous une feinte allégresse
Ne nous cache pas ta douleur!
Tu plais autant par ta tristesse
Que part ton sourire enchanteur
À travers la vapeur légère
L’Aurore ainsi charme les yeux;
Et, belle en sa pâle lumière,
La nuit, Phoebé charme les cieux.Qui te voit, muette et pensive,
Gérard de Nerval, Romance
Seule rêver le long du jour,
Te prend pour la vierge naïve
Qui soupire un premier amour ;
Oubliant l’auguste couronne
Qui ceint tes superbes cheveux,
À ses transports il s’abandonne,
Et sent d’amour les premiers feux !
Champ lexical de la nature
C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Arthur Rimbaud, Le dormeur du val
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; Où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Dans ce poème, les mots verdure, rivière, herbes, soleil, montagne, val font partie du champ lexical de la nature.
Champ lexical de la mort
Les mots ou expressions qui suivent appartiennent au champ lexical de la mort : défunt, enterrement, mourir, ivre, inanimé, disparition, funèbre, funéraire, assassinat, vie, tombeau, décès, noyade, ombre, assassin, vivant, martyre, crime, condamné…
Ne dites pas : mourir ; dites : naître. Croyez.
Victor Hugo, Ce qu’est la mort, Les Contemplations
On voit ce que je vois et ce que vous voyez ;
On est l’homme mauvais que je suis, que vous êtes ;
On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fêtes ;
On tâche d’oublier le bas, la fin, l’écueil,
La sombre égalité du mal et du cercueil ;
Quoique le plus petit vaille le plus prospère ;
Car tous les hommes sont les fils du même père ;
Ils sont la même larme et sortent du même œil.
On vit, usant ses jours à se remplir d’orgueil ;
On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe,
On monte. Quelle est donc cette aube ? C’est la tombe.
Où suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu
Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,
Impur, hideux, noué des mille nœuds funèbres
De ses torts, de ses maux honteux, de ses ténèbres ;
Et soudain on entend quelqu’un dans l’infini
Qui chante, et par quelqu’un on sent qu’on est béni,
Sans voir la main d’où tombe à notre âme méchante
L’amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante.
On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent
Fondre et vivre ; et, d’extase et d’azur s’emplissant,
Tout notre être frémit de la défaite étrange
Du monstre qui devient dans la lumière un ange.
Champ lexical de la peur
Le champ lexical de la peur regroupe différents termes liés à ce sentiment. Parmi eux : panique, stress, effrayé, effrayant, frisson, cri, horreur, alarme, culpabilité, avoir les chocottes, inquiétude, crainte, angoisse, terrible, horrifié, stupéfaction, tremblement, terreur, être figé sur place…
[…] Malgré moi, un grand frisson me courut entre les épaules. Cette vision de l’animal dans ce lieu, a cette heure, au milieu de ces gens éperdus, était effrayant à voir. Alors, pendant une heure, le chien hurla sans bouger ; il hurla comme dans l’angoisse d’un rêve ; et la peur, l’épouvantable peur entrait en moi ; la peur de quoi ? Le sais-je ? C’était la peur, voila tout.
Guy de Maupassant, La Peur
Ces champs lexicaux ne sont que des exemples, il existe de nombreuses thématiques auxquelles l’ensemble des mots d’un texte peut se rattacher.