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Le registre lyrique

Définition du registre lyrique

Le registre lyrique est un registre littéraire qui consiste à exprimer ses émotions et ses sentiments personnels. En partageant ses états d’âme, que ce soit la joie, la tristesse, l’amour ou la nostalgie, l’auteur touche le lecteur qui éprouve alors de la compassion.

Même si le registre lyrique se retrouve principalement dans la poésie, des monologues ou longues descriptions avec une forte portée émotive se rencontrent également au théâtre et dans les romans. 

Par exemple, la Princesse d’’Elide exprime son désarroi dans un monologue extrait d’une pièce (comédie-ballet) de Molière : Les Amants magnifiques.

De quelle émotion inconnue sens-je mon cœur atteint ! et quelle inquiétude secrète est venue troubler tout d'un coup la tranquillité de mon âme ? Ne serait-ce point aussi, ce qu'on vient de me dire, et sans en rien savoir, n'aimerais-je point ce jeune prince ? Ah ! si cela était, je serais personne à me désespérer : mais il est impossible que cela soit, et je vois bien que je ne puis pas l'aimer. Quoi ? je serais capable de cette lâcheté […] Les respects, les hommages et les soumissions n'ont jamais pu toucher mon âme, et la fierté et le dédain en auraient triomphé. J'ai méprisé tous ceux qui m'ont aimée, et j'aimerais le seul qui me méprise ? Non, non, je sais bien que je ne l'aime pas. Il n'y a pas de raison à cela : mais si ce n'est pas de l'amour que ce que je sens maintenant, qu'est-ce donc que ce peut être ? et d'où vient ce poison qui me court par toutes les veines, et ne me laisse point en repos avec moi-même ? 

Molière, Les amants magnifiques, Acte IV, scène 6

Les odes sont des poèmes lyriques qui glorifient des personnages célèbres ou de grands évènements. Dans la littérature grecque, ces odes peuvent être chantées et mis en musique grâce à la lyre, d’où le terme lyrique

Les Odes, de Pierre de Ronsard, est un recueil de poèmes lyriques, dont le célèbre texte Mignonne, allons voir si la rose, dans lequel le poète exprime son amour avec lyrisme.

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu cette vêprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautés laissé choir !
Ô vraiment marâtre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.

Pierre de Ronsard, Les Odes

Procédés et thèmes du registre lyrique

Les écrits lyriques permettent d’aborder des thèmes comme l’amour, la mort, la fuite du temps, à l’origine d’émotions diverses : la joie, la mélancolie, la souffrance, le désespoir. Très souvent, les poètes utilisent les éléments de la nature, avec lesquels ils sont en accord, pour refléter leurs sentiments, extérioriser leurs ressentis. Dans l’extrait romantique qui suit, Lamartine se confie au lac pour exprimer le manque de son amour passé.

Ô lac ! l’année à peine a fini a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! Je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Alphonse de Lamartine, Le Lac

Afin d’émouvoir le lecteur, l’auteur va utiliser des procédés d’écriture propres au registre lyrique. Découvrons ensemble comment reconnaître un registre lyrique.

Le champ lexical dans le registre lyrique

Très expressif, le vocabulaire choisi appartient au champ lexical des émotions et des sentiments, du bonheur, du malheur. À ce vocabulaire s’ajoutent une ponctuation marquée de tournures exclamatives et interrogatives, des adverbes d’intensité, renforçant les termes utilisés par l’auteur et amplifiant les sentiments intimes.

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LE POÈTE — Le mal dont j’ai souffert s’est enfui comme un rêve.
Je n’en puis comparer le lointain souvenir.
Qu’à ces brouillards légers que l’aurore soulève,
Et qu’avec la rosée on voit s’évanouir.

LA MUSE — Qu’aviez-vous donc, ô mon poète !
Et quelle est la peine secrète 
Qui de moi vous a séparé ?
Hélas ! je m’en ressens encore.
Quel est donc ce mal que j’ignore
Et dont j’ai si longtemps pleuré ?

Nuit d’octobre, Alfred de Musset

Le procédé de l’apostrophe (ô) ou des interjections caractérise également l’intensité de l’émotion, au milieu des phrases longues et équilibrées.

L’emploi de la première personne du singulier dans le registre lyrique

Le poète s’adresse régulièrement à quelqu’un dans son poème et utilise la première personne du singulier pour s’adresser à l’être aimé ou à la nature, la saison ou un objet, par le procédé de personnification.

Parmi les poèmes qui composent le recueil Les Contemplations, Victor Hugo rend un hommage à sa fille Léopoldine, disparue en 1843, en évoquant ce drame personnel dans plusieurs de ses textes. Le souvenir, le deuil, la mort, mais aussi la joie et l’amour sont au cœur de ces poèmes à dimension lyrique. Dans le texte ci-dessous, il s’adresse à Léopoldine.

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Victor Hugo, Les Contemplations

Rythmes, sonorités et répétitions dans le registre lyrique

Dans le registre lyrique, les phrases sont longues et amplifiées par divers procédés qui rythment le récit :

  • L’auteur joue sur les rythmes et les sonorités en employant des assonances et des allitérations.
  • Des figures de style telles que des hyperboles ou anaphores, figures d’insistance qui renforcent les sentiments.

>> Pour aller plus loin sur les figures de style, consultez notre guide complet des figures de style 

Dans son roman Belle du Seigneur, le personnage Solal exprime de manière significative et insistante sa passion amoureuse pour Ariane : 

Ô elle dont je dis le nom sacré dans mes marches solitaires et mes rondes autour de la maison où elle dort, et je veille sur son sommeil, et elle ne le sait pas, et je dis son nom aux arbres confidents, et je leur dis, fou des longs cils recourbés, que j’aime et j’aime celle que j’aime, et qui m’aimera, car je l’aime comme nul autre ne saura, et pourquoi ne m’aimerait-elle pas, celle qui peut d’amour aimer un crapaud, et elle m’aimera, m’aimera, m’aimera, la non-pareille m’aimera, et chaque soir j’attendrai tellement l’heure de la revoir et je me ferai beau pour lui plaire, et je me raserai, me raserai de si près, pour lui plaire, et je me baignerai, me baignerai longtemps pour que le temps passe plus vite, et tout le temps penser à elle, et bientôt ce sera l’heure, ô merveille, ô chants dans l'auto qui vers elle me mènera, vers elle qui m'attendra, vers les longs cils étoilés, ô son regard lorsque j'arriverai, elle sur le seuil m'attendant, élancée et de blanc vêtue, prête et belle pour moi, prête et craignant d'abîmer sa beauté si je tarde, et allant voir sa beauté dans la glace, voir si sa beauté est toujours là et parfaite, puis revenant sur le seuil et m'attendant en amour, émouvante sur le seuil et sous les roses, ô tendre nuit, ô jeunesse revenue, ô merveille lorsque je serai devant elle, ô son regard, ô notre amour, et elle s'inclinera sur ma main, ô merveille de son baiser sur ma main, et elle relèvera la tête et nos regards s'aimeront et nous sourirons de tant nous aimer, toi et moi, et gloire à Dieu.

Albert Cohen, Belle du Seigneur

Exemples de textes issus du registre lyrique

Quelques exemples d’autres textes lyriques, accompagnés d’un commentaire pour chaque extrait.

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.

Louise Labé, Sonnets

C’est le registre lyrique qui domine dans le poème « Je vis, je meurs… » de Louise Labé. Il s’agit d’un sonnet centré sur le ressenti amoureux, qu’elle partage avec le lecteur. Le pronom personnel « je » est omniprésent. On retrouve les champs lexicaux de l’amour (joie, plaisir, désiré…), et de la souffrance (douleur, peine, larmoie, ennuis, malheur…), des assonances et des répétitions. 

La courbe de tes yeux de Paul Eluard
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d’une couvée d’aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

 Paul Éluard, La courbe de tes yeux


Dans ce poème dédié à son épouse, Paul Éluard lui fait une belle déclaration d’amour à travers ses yeux et à la première personne. Assonances et accumulations produisent un effet d’amplification sur le rythme du poème tandis que les métaphores et comparaisons valorisent la femme pour laquelle il a des sentiments amoureux intenses (auréole du temps, sourires parfumées, rond de danse et de douceur).

Retrouvez notre guide complet des registres littéraires.

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Natacha Lovato

Natacha Lovato

Natacha Lovato rédige pour La langue française des articles autour de la linguistique, la littérature et les expressions. Passionnée par la langue française, elle s'est aujourd'hui spécialisée dans la communication écrite afin de transmettre ses connaissances. Elle est aussi gérante d'un organisme de formation dédié à la communication écrite, et accompagne les adultes pour des remises à niveaux en français afin de perfectionner leurs écrits professionnels.

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