La langue française

Accueil > Littérature > Le rondeau - Genre littéraire

Le rondeau - Genre littéraire

Qu’est qu’un rondeau ?

Le rondeau appartient au genre poétique. Il s’agit d’un poème chanté à forme fixe, composé de treize vers en octosyllabes ou décasyllabes, entièrement construit sur deux rimes. Selon la variante du rondeau, on trouve des tercets, quatrains ou quintils, avec des rimes pouvant être embrassées ou croisées.

Comme nous le voyons dans le texte qui suit, qui est la forme du rondeau la plus représentée, le principe de ce poème est le suivant : le premier vers se répète, tel un refrain, à la fin de la deuxième et de la troisième strophe. 

Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.

Il n'y a bête ni oiseau
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
« Le temps a laissé son manteau !
De vent, de froidure et de pluie, »

Rivière, fontaine et ruisseau
Portent, en livrée jolie,
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie ;
Chacun s'habille de nouveau.
Le temps a laissé son manteau

Charles d’Orléans, Le Printemps

Dans ce rondeau, le refrain « Le temps a laissé son manteau » est répété à trois reprises, comme le veulent les codes du rondeau. Proche de la ballade, sa structure repose également sur le refrain. 

Au fil du temps, la forme du rondeau a évolué, particulièrement le nombre de vers et leur répartition strophique. Nous allons voir qu’il existe des formes variées de ce genre poétique.

Les origines du rondeau

Le rondeau est apparu à la fin du XIIIe siècle, période où musique et poésie étaient associées. Il s’agissait donc d’un texte avec un refrain et des couplets, voué à être mis en musique. Cette forme musicale s’appelait le rondel simple, composé de sept ou huit vers et construit sur deux rimes. Trois vers sont identiques, en principe le premier, le quatrième et le septième.

Ce rondeau simple prendra le nom de « triolet » au XVIe siècle, qu’il soit continu ou composé de deux quatrains. Citons l’exemple du rondel simple ou triolet de Guillaume de Machaut, écrivain très connu du Moyen-Âge pour ses poèmes à formes lyriques fixes, qu’il s’agisse de ballades, chants royaux ou virelais. 

Blanche com lys, plus que rose vermeille,

Resplendissant com rubis d’Oriant,

En remirant vo biauté non pareille,

Blanche com lys, plus que rose vermeille,

Suy si ravis que mes cuers toudis veille 

Afin que serve à loy de fin amant,

Blanche com lys, plus que rose vermeille,

Resplendissant com rubis d’Oriant.

Guillaume de Machaut, Blanche comme lys

Ange, pourquoi me tentez-vous ?
Je suis poète et vous comtesse,
L’esclave doit devant l’altesse
Ne ramper tremblant qu’à genoux.

Pas d’amour possible entre nous :
Très-pointilleuse est la noblesse.
Ange, pourquoi me tentez-vous ?

Louis Salles, Ange pourquoi me tentez-vous ?

Au XVe siècle, le rondeau simple bascule vers le rondeau nouveau, appelé aussi rondeau double ou rondel, dans lequel le refrain apparaît à plusieurs reprises au milieu de trois strophes isométriques. Le rondeau a souvent pour thème principal l’amour, les joies et les peines.

Composé de treize vers (sans le refrain), le rondeau dit « rondeau nouveau » ou « rondeau commun » est structuré de la manière suivante : 

Inscrivez-vous à notre lettre d'information

Chaque vendredi, on vous envoie un récapitulatif de tous les articles publiés sur La langue française au cours de la semaine.

Ma foi, c'est fait de moi. Car Isabeau
M'a conjuré de lui faire un rondeau.
Cela me met en une peine extrême.
Quoi treize vers : huit en eau, cinq en ème !
Je lui ferais aussitôt un bateau.

En voilà cinq pourtant en un monceau.
Faisons-en huit, en invoquant Brodeau,
Et puis mettons : par quelque stratagème.
Ma foi, c'est fait.

Si je pouvais encor de mon cerveau
Tirer cinq vers, l'ouvrage serait beau.
Mais cependant je suis dedans l'onzième,
Et si, je crois que je fais le douzième.
En voilà treize ajusté au niveau.
Ma foi, c'est fait !

Vincent Voiture, Ma foi, c’est fait de moi…

Les caractéristiques du rondeau

Le structure du rondeau s’est transformée au fil des siècles, tout en imposant des codes d’écriture. Rondeaux simples, tercets, quatrains, quintils ont tous des caractéristiques différentes au niveau de leur structure. La règle essentielle est la présence du refrain, appelé également « rentrement », qui doit obligatoirement se répéter à la fin des strophes. 

Le rondeau doit comporter seulement deux rimes, des rimes masculines et féminines. 

Comme nous l’avons vu, le rondeau se pratique sous plusieurs formes, le nombre de vers variant selon le poème. Dans l’œuvre poétique « Rondeaux » (fin du XIVe siècle) qui est un recueil de poèmes dédié à son défunt mari, Christine de Pinsan a composé des rondeaux qui contiennent tous un « refrain » et deux rimes. Seul le nombre de vers peut être variable d’un texte à l’autre. Nous vous laissons découvrir trois de ces textes.

Puis que vous vous en alez,
Je ne vous sçay plus que dire,
M’amour, mais en grief martire
Me tendrez, se vous voulez.

Ne sçay se vous en doulez ;
Mais nul mal n’est du mien pire
Puis que vous vous en alez.

Baisiez moy et m’acolez,
Pour Dieu, vueilliez moy rescripre,
Et du mal soiez le mire,
Dont le mien cuer affolez
Puis que vous vous en alez.

Christine de Pisan, Puis que vous vous en alez

Il a au jour d'ui un mois
Que mon ami s'en ala.  

Mon cuer remaint morne et cois,
Il a au jour d'ui un mois.  

«A Dieu, me dit, je m'en vois»;
Ne puis a moy ne parla,
Il a au jour d'ui un mois.

Christine de Pisan, Il a aujourd’hui un mois

Ma dame

Secours.

Par m’ame,

Ma dame.

J’enflame

D’amours,

Ma dame.

Christine de Pisan, Madame

Le rondeau redoublé fait également son apparition au XVIe siècle. Appelé rondeau parfait, il se compose de vingt-quatre vers, disposés en six quatrains, selon des codes bien règlementés. Les quatre premiers vers doivent se répéter dans les strophes suivantes, comme dans ce texte de Pierre Michel (ou de Jean de La Fontaine à découvrir plus loin) :

Des traces de pas sur le sable…
L’empreinte d’un corps sous l’effort
D’un fardeau lourd, abominable,
Le terrassant dans ce décor.

Le fils de Dieu souffrit à tort
Sur cette route détestable,
Il y laissa dans l’inconfort
Des traces de pas sur le sable.

C’était un coeur très charitable
Qui voulait nous mener au port
Il laissa donc dans une étable
L’empreinte d’un corps sous l’effort

Il m’avait vu, j’étais en tort,
Rongé, détruit, faute insolvable
Anéanti sans réconfort
D’un fardeau lourd, abominable.

Dans son amour tant insondable
Il me pardonne et me rend fort.
Payant l’erreur combien blâmable
Le terrassant dans ce décor.

C’est le bonheur divin transport
Qui, de ce jour, me rend comptable
De ses bienfaits de son support
Il est vivant c’est constatable,
Des traces de pas.

Pierre Michel, L’Amour divin

Exemples de rondeaux

Voici, pour terminer cet article, une petite sélection de rondeaux et rondels simples, écrits au fil des siècles.

Il fait noir, enfant, voleur d’étincelles !
Il n’est plus de nuits, il n’est plus de jours ;
Dors… en attendant venir toutes celles
Qui disaient : Jamais ! Qui disaient : Toujours !

Entends-tu leurs pas ?… Ils ne sont pas lourds :
Oh ! les pieds légers ! — l’Amour a des ailes…
Il fait noir, enfant, voleur d’étincelles !

Entends-tu leurs voix ?… Les caveaux sont sourds.
Dors : Il pèse peu, ton faix d’immortelles :
Ils ne viendront pas, tes amis les ours,
Jeter leur pavé sur tes demoiselles…
Il fait noir, enfant, voleur d’étincelles !

Tristan Corbière, Rondel

Que nous en faisons 
De telles manières, 
Et douces et fières, 
Selon les saisons !

En champs ou maisons, 
Par bois et rivières, 
Que nous en faisons 
De telles manières !

Un temps nous taisons, 
Tenant assez chères 
Nos joyeuses chères, 
Puis nous apaisons. 
Que nous en faisons !

Charles d'Orléans, Rondeaux, XVe siècle.

Gente dame, auriez-vous des ailes
Comme un ange pour me fuir ainsi ?
Je vous cherche encore aujourd’hui
Gente dame, auriez-vous des ailes ?

Je suis tombé dans votre piège
Figé en votre sortilège.
Gente dame, auriez-vous des ailes
Comme un ange pour me fuir ainsi ?

Théodore de Banville, À Philis

Qu'un vain scrupule à ma flamme s'oppose,
Je ne le puis souffrir aucunement,
Bien que chacun en murmure et nous glose;
Et c'est assez pour perdre votre amant.

Si j'avais bruit de mauvais garnement,
Vous me pourriez bannir à juste cause;
Ne l'ayant point, c'est sans nul fondement
Qu'un vain scrupule à ma flamme s'oppose.

Que vous m'aimiez, c'est pour moi lettre close;
Voire on dirait que quelque changement
A m'alléguer des raisons vous dispose:
Je ne le puis souffrir aucunement.

Bien moins pourrais vous conter mon tourment,
N'ayant pas mis au contrat cette clause;
Toujours ferai l'amour ouvertement,
Bien que chacun en murmure et nous glose.

Ainsi s'aimer est plus doux qu'eau de rose:
Souffrez-le donc, Philis, car, autrement,
Loin de vos yeux je vais faire une pose,
Et c'est assez pour perdre votre amant.

Pourriez-vous voir ce triste éloignement?
De vos faveurs doublez plutôt la dose.
Amour ne veut tant de raisonnement:
Ce point d'honneur, ma foi, n'est autre chose
Qu'un vain scrupule.

Jean de La Fontaine, Rondeau redoublé 

Pour aller plus loin, nous vous conseillons de consulter notre guide des genres littéraires en français.

Partager :
ou Nous soutenir

Natacha Lovato

Natacha Lovato

Natacha Lovato rédige pour La langue française des articles autour de la linguistique, la littérature et les expressions. Passionnée par la langue française, elle s'est aujourd'hui spécialisée dans la communication écrite afin de transmettre ses connaissances. Elle est aussi gérante d'un organisme de formation dédié à la communication écrite, et accompagne les adultes pour des remises à niveaux en français afin de perfectionner leurs écrits professionnels.

Tous les articles de Natacha Lovato >

Recevez tous les articles de la semaine par courriel

Inscrivez-vous à notre lettre d'information hebdomadaire pour recevoir tous nos nouveaux articles, gratuitement. Vous pouvez vous désabonner à tout moment.

Laisser un commentaire

Vous devez vous connecter pour écrire un commentaire.

Se connecter S'inscrire