Les tourmentés, de Lucas Belvaux : la littérature aux aguets
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Pour son premier roman, le réalisateur belge Lucas Belvaux s’est armé d’une intrigue singulière et d’une plume haletante. Mais les allures de thriller psychologique des Tourmentés n’ôtent rien, jamais, à la profondeur des personnages qui s’y débattent.
Lucas Belvaux est acteur – il a tourné auprès de Claude Chabrol, Jacques Rivette, Olivier Assayas, ou encore Chantal Akerman – et réalisateur. Il a notamment dirigé la trilogie composée d’Un couple épatant (2003), Cavale (2003) et Après la vie (2003), le thriller La Raison du plus faible (2006), ou encore, plus récemment, Pas son genre (2014), Chez nous (2017), et Des hommes (2020) – adapté du roman de Laurent Mauvignier.
Les tourmentés entraînent trois personnages singuliers dans une impensable chasse à l’homme, alors qu’une riche héritière cherche à se confronter au seul gibier qu’elle n’ait encore jamais traqué : l’humain.
Skender a été légionnaire, puis mercenaire. Profondément marqué par ces années – « alors l’alcool, les cachets, les suées, les cris, les réveils en sursaut » -, il vit maintenant en marginal, sans emploi ni maison, loin de Manon et de leurs deux fils, Dylan et Jordi.
C’est par l’intermédiaire de son ancien sergent et ami, Max, désormais homme à tout faire de « Madame », que Skender va accepter – moyennant trois millions d’euros – de devenir la proie de cette dernière, et de ses deux chiens de chasse.
Max se fait alors « arbitre de leur folie », garant du respect des règles établies pour le bon déroulement de cette partie de chasse ; un mois de traque sur les quinze mille hectares que la châtelaine possède dans le Nord de la Roumanie, et vraisemblablement la mort de Skender, qui a le droit de se défendre, mais pas de s’armer, à la fin.
« Madame précise qu’il ne s’agit pas d’une exécution, que s’il est toujours vivant à la fin de la période définie, chacun rentrera chez soi ».
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Devenir premiumBien sûr, on pense au film américain Les Chasses du comte Zaroff (Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel, 1932), adapté de la nouvelle de Richard Connell, The Most Dangerous Game (1924). Mais la partie de chasse mise en scène dans Les tourmentés est en réalité un prétexte – diabolique, certes – qui permet à Lucas Belvaux de confronter ses personnages aux préparatifs de la folie qu’ils s’autorisent.
Alors que les narrateurs se succèdent, que Madame s’endurcit, que Max se demande s’il peut mener à bien sa mission et que Skender tente de reconstruire ce qu’il a lui-même détruit avant de risquer sa vie, la plume d’abord acérée de l’auteur prend de l’ampleur, ses phrases se déploient, s’illuminent – comme indifférentes au suspense intenable qu’elles portent pourtant en elles.
Portés par une impeccable construction narrative, les tourments et les regrets de chaque personnage se dévoilent peu à peu ; et c’est paradoxalement en préparant l’impensable que Skender, Max et Madame se révèlent à eux-mêmes et à ceux qui les entourent.
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Les tourmentés, de Lucas Belvaux, Alma éditeur, 352 p. 20 €. En librairie depuis le 19/08/2022.