Le rythme en poésie
Sommaire
Définition du rythme
En poésie, le rythme participe à la musicalité du poème et rend harmonieux l’ensemble des vers. Les éléments comme les accents, les césures ou les coupes, les enjambements, rejets et contre-rejets rythment le texte en soulignant certains sons, mis en évidence.
Propres à la poésie mais aussi aux chansons, les effets de rythme mettent en valeur un mot ou un groupe de mots, et jouent un rôle dans l’expression des émotions. Selon les variations de rythmes utilisées, le lecteur ou l’auditeur mémorise ainsi plus facilement le poème, qui apparaît plus structuré.
Les variations de rythme en poésie
Les éléments rythmiques varient au sein des vers d’un poème. Quel que soit le rythme choisi par le poète, il se dégage une impression de régularité et de douceur. Selon la place des accents, les rythmes peuvent être binaires, ternaires ou tétramètres.
La coupe, symbolisée par une double barre oblique, indique qu’une pause dans la voix doit se faire lors du récit, après chaque syllabe accentuée. Plusieurs coupes peuvent être présentes dans un vers, particulièrement dans l’alexandrin, mais la plus importante est la césure.
- Le rythme binaire : le vers est coupé en deux par une césure. L’alexandrin classique, par exemple, est souvent composé de deux propositions ou groupes de mots construits de la même façon, séparés ou non par une virgule. La moitié de l’alexandrin s'appelle hémistiche.
J’irai par la forêt, // j’irai par la montagne
Victor Hugo, Les Contemplations
Sans rien voir au-dehors, // sans entendre aucun bruit,
… Rien n'est beau que le vrai, // le vrai seul est aimable ;
Nicolas Boileau, Rien n’est beau que le vrai
Il doit régner partout, // et même dans la fable
- Le rythme ternaire comporte trois propositions ou groupes de mots de longueur identique. Trois accents sont donc identifiables.
La vie auguste, goutte à goutte, heure par heure,
Victor Hugo, Cérigo
s’épand sur ce qui passe et sur ce qui demeure...
Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir
Pierre Corneille, Surena
Il vit un œil tout grand ouvert dans les ténèbres
Victor Hugo, La conscience
- Lorsqu’il y a quatre accents dans les vers, on parle de rythme tétramètre, souvent dans un alexandrin classique.
Je le vis, je rougis, je palis, à sa vue.
Jean Racine, Phèdre
J’arrive. Levez-vous, vertu, courage, foi !
Victor Hugo, Les Châtiments
Le rythme du texte est donc déterminé par la place des accents, qui mettent en relief une syllabe d’un mot ou d’un groupe de mots. Quand on parle d’accentuation en poésie, on évoque les accents fixes et les accents mobiles.
Les accents fixes concernent la fin d’un groupe de mots. Dans un alexandrin par exemple, la sixième et la dernière syllabe comportent un accent fixe. Il s’agit d’un rythme binaire.
Ces accents fixes peuvent être accompagnés d’accents mobiles qui se placent sur des syllabes différentes, évitant ainsi la monotonie à l’intérieur d’un vers. Chaque hémistiche peut donc être coupé par un ou plusieurs accents mobiles.
L’eau meuble d’or pâle et sans fond les couches prêtes.
Arthur Rimbaud, Mémoire
Les robes vertes et déteintes des fillettes
Juste ciel ! Tout mon sang dans mes veines se glace.
Jean Racine, Phèdre
Enjambements, rejet et contre-rejet
Pour produire un effet de surprise, exprimer un mouvement ou une émotion qui s’intensifie, la technique de l’enjambement rythme le texte en jouant sur les coupes et les vers. L’enjambement peut être simple, avec un rejet ou un contre-rejet. Découvrons en détail l’explication de ces formes d’enjambement, termes propres au rythme en poésie mais aussi dans quelques chansons.
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- L’enjambement caractérise la continuité d’une phrase sur le vers suivant, pour en accomplir le sens. Celle-ci se répartit ainsi sur deux vers, avec un groupe syntaxique qui débute sur un vers et « déborde » sur le vers suivant. Dans le cas d’un enjambement simple, aucune pause n’est marquée en fin de ligne. Quelques exemples :
Mais puisque sans vouloir que je le justifie,
Charles Baudelaire, L’Horloge
Vous me rendez garant du reste de sa vie,
Je répondrai, Madame, avec la liberté
D’un soldat qui sait mal farder la vérité.
Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines
Arthur Rimbaud, Au Cabaret Vert
Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi.
Marie, vous avez la joue aussi vermeille
Pierre de Ronsard, Les Amours
Qu’une rose de Mai, vous avez les cheveux
De couleur de châtaigne, entrefrisés de nœuds,
Gentement tortillés tout autour de l’oreille.
- Quand seul un mot ou un groupe de mots se place sur le second vers pour terminer la phrase, il s’agit d’un rejet. L’élément qui « déborde » est court et paraît isolé. La pause est marquée juste après ce dernier.
La nuit était lugubre ; on entendait des coups
Victor Hugo, Les Châtiments
De fusil dans la rue où l’on en tuait d’autres.
Du palais d’un jeune lapin
Jean de La Fontaine, Le Chat, la Belette et le petit Lapin
Dame Belette, un beau matin,
S’empara : c’est une rusée.
- Lorsque quelques éléments brefs se placent à la fin du premier vers, il s’agit d’un contre-rejet. Le développement de la phrase se fait dans le vers suivant. La pause est marquée juste après le dernier élément.
Après quelques moments, l’appétit vint : l’Oiseau,
Victor Hugo, Les Châtiments
S’approchant du bord, vit sur l’eau [...]
Souvenir, souvenir que me veux-tu ? L'automne
Paul Verlaine, Nevermore
Faisait voler la grive à travers l'air atone.
On ne peut évidemment pas terminer cet article sans citer la célèbre chanson de Serge Gainsbourg, et son enjambement sous forme de rejet, qui est plutôt une « rime enjambée » car la coupe se situe au milieu d’un mot et non d’un vers.
Sous aucun prétex
Serge Gainsbourg, Comment te dire adieu
-te je ne veux
Avoir de réflex
-es malheureux
Derrière un kleenex
Je saurais mieux
Comment te dire adieu
À l’instar des rimes et des sonorités, de la mesure des vers, tous les éléments liés au rythme cités dans cet article font partie des règles de versification, et contribuent à donner du sens et une certaine musicalité aux poèmes et chansons.
