Racine, Phèdre, Acte V, scène 7 : commentaire de texte
Sommaire
THÉSÉE
Eh bien ! vous triomphez, et mon fils est sans vie !
Ah ! que j’ai lieu de craindre, et qu’un cruel soupçon,
L’excusant dans mon cœur, m’alarme avec raison !
Mais, madame, il est mort, prenez votre victime ;
Jouissez de sa perte, injuste ou légitime :
Je consens que mes yeux soient toujours abusés.
Je le crois criminel, puisque vous l’accusez.
Son trépas à mes pleurs offre assez de matières
Sans que j’aille chercher d’odieuses lumières,
Qui, ne pouvant le rendre à ma juste douleur,
Peut-être ne feraient qu’accroître mon malheur.
Laissez-moi, loin de vous, et loin de ce rivage,
De mon fils déchiré fuir la sanglante image.
Confus, persécuté d’un mortel souvenir,
De l’univers entier je voudrais me bannir.
Tout semble s’élever contre mon injustice ;
L’éclat de mon nom même augmente mon supplice :
Moins connu des mortels, je me cacherais mieux.
Je hais jusques aux soins dont m’honorent les dieux ;
Et je m’en vais pleurer leurs faveurs meurtrières,
Sans plus les fatiguer d’inutiles prières.
Quoi qu’ils fissent pour moi, leur funeste bonté
Ne me saurait payer de ce qu’ils m’ont ôté.
PHÈDRE
Non, Thésée, il faut rompre un injuste silence ;
Il faut à votre fils rendre son innocence :
Il n’était point coupable.
THÉSÉE
Ah ! père infortuné !
Et c’est sur votre foi que je l’ai condamné !
Cruelle ! pensez-vous être assez excusée…
PHÈDRE
Les moments me sont chers ; écoutez-moi, Thésée
C’est moi qui sur ce fils, chaste et respectueux,
Osai jeter un œil profane, incestueux.
Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste :
La détestable Œnone a conduit tout le reste.
Elle a craint qu’Hippolyte, instruit de ma fureur,
Ne découvrît un feu qui lui faisait horreur :
La perfide, abusant de ma faiblesse extrême,
S’est hâtée à vos yeux de l’accuser lui-même.
Elle s’en est punie, et fuyant mon courroux,
A cherché dans les flots un supplice trop doux.
Le fer aurait déjà tranché ma destinée ;
Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée :
J’ai voulu, devant vous exposant mes remords,
Par un chemin plus lent descendre chez les morts.
J’ai pris, j’ai fait couler dans mes brûlantes veines
Un poison que Médée apporta dans Athènes.
Déjà jusqu’à mon cœur le venin parvenu
Dans ce cœur expirant jette un froid inconnu ;
Déjà je ne vois plus qu’à travers un nuage
Et le ciel et l’époux que ma présence outrage ;
Et la mort à mes yeux dérobant la clarté,
Rend au jour qu’ils souillaient toute sa pureté.
PANOPE
Elle expire, seigneur !THÉSÉE
Racine, Phèdre, Acte V, scène 7
D’une action si noire
Que ne peut avec elle expirer la mémoire !
Allons, de mon erreur, hélas ! trop éclaircis,
Mêler nos pleurs au sang de mon malheureux fils !
Allons de ce cher fils embrasser ce qui reste,
Expier la fureur d’un vœu que je déteste :
Rendons-lui les honneurs qu’il a trop mérités ;
Et, pour mieux apaiser ses mânes irrités,
Que, malgré les complots d’une injuste famille,
Son amante aujourd’hui me tienne lieu de fille !
Introduction
Phèdre est l’une des pièces les plus connues de Racine. Le dramaturge y explore l’amour incestueux de Phèdre, épouse du roi Thésée, pour son beau-fils, Hippolyte. Croyant son époux décédé, l’héroïne révèle son amour. Lorsqu’elle apprend que Thésée est vivant, elle voit le piège se refermer sur elle. La scène 7 de l’acte V marque le dénouement de la tragédie : pour échapper au déshonneur et à la culpabilité qui la rongent, Phèdre avale du poison. Se sachant perdue, elle révèle, dans un ultime aveu à Thésée, que c’est elle, et non Hippolyte, la coupable. Le roi, qui a invoqué la colère des dieux contre son fils sur la foi des accusations mensongères de Phèdre, pleure la mort d’Hippolyte, dévoré par un monstre marin.
En quoi la scène 7 de l’acte V est-elle caractéristique d’un dénouement de tragédie classique ? C’est ce que nous verrons en étudiant la structure de la scène, avant de nous pencher sur l’aveu de Phèdre et sur la figure de Thésée.
I - Structure de la scène de dénouement
Racine construit sa scène de dénouement de manière à mettre en valeur l’ultime aveu de Phèdre. C’est en effet au seuil de la mort que l’héroïne tragique révèle à son époux sa passion incestueuse pour Hippolyte. Le dramaturge met ainsi en scène une dernière fois l’aveu, élément essentiel de la pièce. L’intrigue de Phèdre est centrée sur la mécanique de la révélation et se déroule entre mensonges et divulgations.
Une structure en trois temps
L’aveu de Phèdre est structuré en trois temps. Le passage que nous étudions débute par une longue tirade de Thésée, qui pleure la mort de son fils, mort qu’il a lui-même provoquée. Après une courte transition de deux répliques, au cours desquelles Phèdre révèle qu’elle a menti et qu’Hippolyte était innocent, Racine donne la parole à l’héroïne tragique pour une ultime tirade, qui précède sa mort.
Cette tirade apparaît comme le pendant de celle de Thésée. Panope confirme ensuite la mort de Phèdre et c’est à Thésée, dans sa position de roi, qu’il revient de conclure en annonçant les événements à venir. Les décisions du souverain dénouent définitivement le nœud tragique et Racine apporte par là une réponse précise sur le destin de chacun des protagonistes de la pièce.
Le dénouement, pour violent qu’il soit, s’inscrit ainsi dans une structure maîtrisée, claire et résolument classique. La conclusion prononcée par Thésée marque d’ailleurs le retour au calme après le déchaînement de la violence tragique. Même si la conclusion de la pièce est rapide, elle ménage suffisamment ses effets pour permettre aux spectateurs de revenir en quelque sorte à la normalité, à l’image de celle que Thésée souhaite pour sa cité.
Les éléments du dénouement
Le dénouement d’une pièce classique est destiné à apporter aux spectateurs toutes les informations sur le destin des protagonistes. Dans Phèdre, il se conclut sur un point d’orgue, avec la mort de l’héroïne. Cette mort a été annoncée dès l’exposition et il n’y a donc aucun retournement de situation. Dès la scène 3 de l’acte I, Phèdre sait qu’elle va mourir. L’aveu à Oenone scelle son destin en mettant en marche la mécanique tragique qui la conduit au suicide à la fin de la pièce.
Les motivations de Phèdre sont multiples : tout au long de la pièce, il s’agit de garder secret son amour incestueux. Après l’avoir avoué à Oenone, sa nourrice, elle le révèle pourtant à Hippolyte lui-même. Seul Thésée ignore encore la vérité. C’est le sens de cette dernière scène, qui révèle le quiproquo tragique et le dénoue : le roi a appelé la vengeance des dieux sur la tête de son fils, dont la mort vient d’être annoncée. A travers l’aveu de Phèdre, le dénouement achève de lever le voile sur tous les secrets qui empoisonnent l’atmosphère de la cité.
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La tragédie classique ne propose jamais de fin ouverte. Les pièces de Racine, et Phèdre ne déroge pas à la règle, s’achèvent par conséquent sur le décès du héros ou de l’héroïne tragique. Phèdre se suicide autant parce que sa situation est devenue intenable que parce qu’Hippolyte meurt par sa faute. La signification du dénouement réside dans le retour à l’ordre, cher aux classiques. La passion de Phèdre est en effet facteur de désordre, l’amour passionnel est perçu comme une forme de folie. Thésée rétablit l’ordre dans la cité : il annonce qu’il va « apaiser les mânes irrités » en célébrant les rites des funérailles et qu’il va adopter comme fille Aricie, l’amante d’Hippolyte, de sorte que « son amante aujourd’hui [lui] tienne lieu de fille. »
Deux thématiques dominent cette scène de dénouement : d’une part l’aveu de Phèdre, qui vient conclure son aveu à Oenone et l’aveu à Hippolyte, d’autre part la personnalité de Thésée, peu présent dans la pièce.
II - L’aveu de Phèdre ou le discours testament de l’héroïne tragique
L’ultime aveu de Phèdre constitue en quelque sorte le testament de l’héroïne tragique. Alors qu’elle a avalé « un poison que Médée apporta dans Athènes », elle choisit de révéler la vérité. Elle apporte ainsi une conclusion aux hésitations qui marquent les différentes étapes de la pièce, où elle alterne entre révélation et mensonges pour se protéger. Bien que Racine lui accorde une longue tirade, l’impression dominante est celle de l’urgence.
Phèdre entre vérité et mensonge
Racine s’inspire largement dans la pièce de la mythologie grecque et des dramaturges antiques. Pourtant, il n’hésite pas à modifier la tradition et à prendre des libertés avec ses sources, dès lors que sa relecture du mythe contribue à la tension tragique. Ainsi, dans la tradition mythologique, Phèdre meurt avant que Thésée ne découvre la vérité. Racine, à l’inverse, imagine un dernier aveu. Phèdre révèle certes sa passion pour Hippolyte, mais elle tente aussi d’en diminuer l’impact.
Nous assistons à une scène ambiguë, dans laquelle Phèdre poursuit principalement trois objectifs : tout d’abord réhabiliter Hippolyte, qu’elle aime toujours, de manière passionnelle, ensuite révéler sa propre culpabilité, mais aussi rejeter la plus grande part de responsabilité sur Oenone, qui s’est suicidée parce que Phèdre l’a bannie.
L’héroïne ayant avalé du poison, révéler la vérité devient une urgence. C’est ce que montre sa première réplique, aux phrases courtes et au rythme saccadé : « Non, Thésée, il faut rompre un injuste silence ; il faut à votre fils rendre son innocence : il n’était point coupable. » On notera la répétition de « il faut », montrant à la fois l’urgence et la nécessité. Pourtant, Phèdre ne peut s’y résoudre entièrement.
De l’aveu de la culpabilité de Phèdre à la mise en accusation d’Oenone
L’aveu de Phèdre débute par une brève affirmation : « il n’était point coupable », contenue dans un seul hémistiche. Cette amorce éveille l’attention, puisque Phèdre y contredit ce que Thésée a développé dans sa tirade. L’aveu à proprement parler est rapide et contraste avec les tentatives de l’héroïne pour se disculper. On observe également une opposition entre la brièveté de l’aveu et la longue agonie, au fil de la tirade. L’aveu se situe au début de cette dernière : « c’est moi qui sur ce fils, chaste et respectueux, // Osai jeter un œil profane, incestueux. » Le présentatif met en valeur la première personne, tandis que l’adjectif qui conclut la phrase identifie le crime.
Mais Phèdre n’en reste pas à cet aveu et une dernière fois, cherche à écarter d’elle la culpabilité, en adoptant une stratégie qui a été la sienne tout au long de la pièce. Certes, elle dévoile sa faute, mais elle la minimise en la rejetant sur « le ciel », c’est-à-dire la vindicte des dieux en la personne de Vénus, le destin (« flamme funeste ») et enfin « la détestable Oenone », accusée d’avoir mis en place le stratagème conduisant à la mort d’Hippolyte.
Enfin, à la fin de la tirade, Phèdre se sent mourir. Elle reconnaît alors l’ampleur morale de sa faute : elle « outrage » à la fois « le ciel » et son « époux ». On retrouve dans ce passage l’antithèse entre l’ombre et la lumière qui caractérise le personnage de Phèdre tout au long de la pièce : « mort » s’oppose à « clarté », l’héroïne entre dans l’obscurité du trépas, « ses yeux » cessent de voir le jour tandis que la lumière de la vérité éclate et que son sacrifice consenti « rend au jour qu’[elle souillait] toute sa pureté. » La mort de Phèdre est présentée comme une catharsis, une purification, dans la plus pure tradition tragique.
La réhabilitation d’Hippolyte
Comme nous avons pu le voir, Phèdre rejette une partie de sa faute sur Oenone, ce qui contribue à laisser de l’héroïne une impression ambiguë, voire négative, la nourrice n’ayant agi que par affection et dévouement. Phèdre la qualifie de « perfide » ; elle évoque son « courroux » à l’égard de la servante et considère son suicide comme un châtiment juste. De fait, Oenone est la coupable idéale, qui permet de dénouer la pièce. En tant que servante, elle n’atteint pas à la grandeur héroïque des personnages tragiques et ne comprend pas leur logique.
Il reste qu’aux yeux de Phèdre, si Oenone s’est déshonorée, elle a surtout porté atteinte à l’image d’Hippolyte. L’héroïne tragique explique avoir été tentée par un suicide plus rapide, comme sa servante, mais avoir choisi le poison, car elle veut « par un chemin plus lent descendre chez les morts ». Cette solution lui laisse le temps de parler à Thésée dans le but de réhabiliter Hippolyte. L’objectif de Phèdre est de lui « rendre son innocence », mais aussi de louer les qualités morales de « ce fils chaste et respectueux. »
La fin de la pièce marque donc le moment où Phèdre reconnaît ses crimes, qui blessent la morale. Elle rend un dernier hommage à Hippolyte, avant d’accepter son destin. C’est cette acceptation de l’ordre voulu par les dieux qui permet la catharsis et le retour de l’ordre dans la cité.
III - Thésée : du père malheureux à la figure du roi
Alors que la protagoniste de la pièce s’efface, Racine met en valeur le personnage de Thésée. Ce dernier est absent de la majeure partie de l’action et ne revient d’une longue absence durant laquelle Phèdre l’a cru mort que pour précipiter par ce retour le déchaînement du tragique. Il provoque à la fois la mort de son fils et celle de Phèdre. La scène présente deux facettes du personnage.
Une tirade pathétique
Thésée apparaît tout d’abord, dans la première tirade, comme un père frappé par le malheur qu’il a lui-même provoqué. C’est ce qui le conduit, d’ailleurs, à s’en prendre à Phèdre, qu’il considère comme indirectement responsable de sa perte. Racine prépare dans cette tirade l’aveu de l’héroïne, en prêtant à Thésée des soupçons sur la culpabilité de son fils. Le roi évoque ainsi ses sentiments pour Hippolyte, son envie de « l’excuser dans [son] coeur », en dépit des accusations de Phèdre, son « malheur » et sa « juste douleur ».
L’ensemble de la tirade, à tonalité pathétique, est parcouru par le champ lexical de la douleur. On voit ainsi à plusieurs reprises le roi en « pleurs » ou « pleurer la faveur meurtrière » des dieux. Thésée est hanté par les images de la mort de son fils, à laquelle il n’a pas assisté mais qu’on lui a rapportée : il évoque « son fils déchiré » et « la sanglante image ».
La souffrance de Thésée est à ce point intense qu’il renonce à découvrir la vérité et à enquêter sur « le cruel soupçon » qu’il évoque au début de sa tirade. On comprend que la découverte de la vérité ne ferait qu’augmenter la douleur du deuil : « Je consens que mes yeux soient toujours abusés », explique-t-il, car la lumière serait « odieuse ».
Thésée, héros tragique
La tirade explore le conflit intérieur de Thésée, poussé à réclamer la mort de son fils, mais en proie à de profonds remords, qui prennent d’abord la forme d’un rejet de Phèdre : « vous triomphez, [...] jouissez de sa perte, [...] prenez votre victime. » L’amour que le roi a pu avoir pour son épouse se transforme donc en haine à la mort de son fils. La première phase du conflit porte sur le choix entre Phèdre et Hippolyte, qu’il a déjà tranché, sous le coup de la colère, pensant rendre la justice : « Je le crois criminel, puisque vous l’accusez. »
La seconde phase pose la question de la justice et de son exercice par le roi. Certes, il n’a pas lui-même trempé ses mains dans le sang de son fils, mais il se sent coupable de sa mort, et « tout semble s’élever contre [son] injustice. » En tant que roi et héros mythologique, il tient une place centrale et se devrait d’être exemplaire ; or il avoue : « l’éclat de mon nom même augmente mon supplice // Moins connu des mortels, je me cacherais mieux. »
Le terme « supplice » est emprunté aussi bien au lexique du pathétique qui, comme nous l’avons vu, domine la scène, qu’à celui de la justice. Ainsi, à la fin de sa tirade, Thésée choisit, en tant que souverain, de prononcer sa propre condamnation. Alors qu’il se considérait comme infaillible et juste, il a l’intuition d’avoir commis une « injustice ». Il se condamne au bannissement, un châtiment considéré comme terrible dans l’Antiquité. On notera l’hyperbole : « de l’univers entier je voudrais me bannir. »
La figure du roi
La conclusion de la scène restaure la figure du roi et rend à Thésée sa dignité. Le renversement de situation est rendu possible par le sacrifice de Phèdre et par la révélation de la vérité. Thésée est conforté dans son intuition : son fils est innocenté. Cette conclusion est paradoxale au yeux d’un spectateur actuel. En effet, Thésée demeure coupable et c’est finalement lui qui a provoqué la mort de son fils, en se laissant abuser par Phèdre. Mais dans une logique inspirée de la morale du XVIIe siècle, Racine tranche différemment le conflit moral. Il condamne moins les actes que le mensonge. C’est pourquoi les coupables sont Oenone et Phèdre.
Thésée passe lui aussi par une forme de catharsis tragique. Il prend conscience que tout héros vainqueur du Minotaure qu’il soit, il est faillible. Il gagne en humilité et en humanité en passant par l’épreuve du deuil et de la douleur. Il reconnaît « son erreur » et, contrairement à Phèdre, ne la rejette pas sur autrui. Il fait preuve de piété en honorant à la fois les dieux et les morts. Il pardonne à Aricie et l’accueille comme sa fille, en hommage à son fils décédé.
On retrouve dans la dernière tirade de Thésée l’expression de la douleur propre au pathétique et le champ lexical est similaire à celui de la tirade précédente. Mais une fois la faute de Phèdre expiée, il est désormais possible d’expérimenter le deuil de manière plus apaisée. C’est pourquoi la pièce s’achève sur un discours plus majestueux : après avoir pleuré son fils, mais surtout après avoir été déchiré par des sentiments contradictoires, Thésée peut retrouver une forme de sérénité. Son épreuve semble en faire un meilleur roi.
Conclusion
Le dénouement de Phèdre répond aux critères et aux normes de la tragédie classique. L’objectif de la tragédie est d’inspirer à la fois terreur et pitié. C’est le cas dans cette scène de dénouement, où éclate le pathétique. Le désespoir de Thésée répond, dans sa violence, à l’intensité des sentiments de Phèdre et à la profondeur de sa faute. Mais la terreur et la pitié ne sont pas une fin en soi : il s’agit pour le dramaturge de déclencher le mécanisme de la catharsis, la purification des passions.
Racine condamne, dans une perspective janséniste, les excès de la passion, qu’il présente à de nombreuses reprises dans la pièce comme une maladie ou une forme de folie. Dès lors, Phèdre résonne comme une mise en garde destinée au spectateur, à l’encontre du désordre des sentiments et de la démesure tragique. La pièce s’achève aussi sur un éloge à une royauté juste, purifiée des passions et donc plus humaine.
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