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Au diable Vauvert : définition et origine de l’expression

« Avoir le diable au corps », « Tirer le diable par la queue », « Être un avocat du diable », « Faire le diable à quatre »… Celui que l’on appelle aussi Lucifer, Belzébuth ou Satan a décidément droit à une place d’honneur dans la collection des expressions françaises. C’est qu’il alimente tant de fantasmes et tant de craintes, qu’il est aisé de se servir de son nom pour invoquer toutes sortes d’images et d’idées (a contrario de Dieu, dont « tu n’invoqueras le nom qu’avec respect » dit le deuxième commandement du Décalogue des Tables de la Loi).

L’expression « Au diable Vauvert » n’échappe donc pas à la règle. Néanmoins, son utilisation est moins fréquente aujourd’hui, et son sens moins évident. Mais, par tous les diables, nous vous expliquons tout dans cet article ! Bonne lecture !

Définition de l’expression « Au diable Vauvert »

La locution adverbiale « au diable Vauvert » est une expression française utilisée pour désigner un endroit excessivement loin et non défini. Le Cnrtl en donne plusieurs variantes : « Aller, demeurer, être, habiter au diable, au diable Vauvert, ou diable (au) vert ». On trouve aussi l’usage de l’expression sous une forme tronquée : « Sa femme est aux mille diables, en province. » (Jean Anouilh, La Répétition ou l’Amour puni, 1950)

L’expression, que l’on trouve désormais davantage dans le langage littéraire et soutenu, a pour synonymes des expressions plus populaires : « Pétaouchnok », « Trifouillis-les- Oies », ou « partir à Tataouine »

L’expression menaçante « Aller au diable » est apparentée à l’évocation du diable que l’on trouve dans l’expression « Au diable Vauvert ». Elle est souvent utilisée à l’impératif en guise d’insulte pour exprimer le rejet violent d’une personne (« Va au diable ! »).

Évolution historique de l’usage de l’expression « Au diable Vauvert »

L’analyse des occurrences de cette expression dans les textes publiés depuis deux siècles montre une popularité grandissante. On le rappelle, cette expression est littéraire et se trouve donc majoritairement dans les textes. De plus, il est à noter qu’une maison d’édition nommée « Au diable vauvert » a fait son apparition en 2000, fondée par Marion Mazauric, Jacques Lavergne, Philippe Mandilas et Anne Guérand, ce qui explique peut-être l’usage plus fréquent de l’expression depuis les années 2000 :

Au diable Vauvert usage
Source : Google Ngram

Origine de l’expression « Au diable Vauvert »

Pour comprendre l’origine de l’expression « Au diable Vauvert », il nous faut nous plonger dans la géographie et la topographie. Plusieurs théories ont été avancées, mais, en ce qui les concerne toutes, il s’agit de tracer l’origine d’un lieu. Pour certains, l’expression trouverait son berceau dans le château de Vauvert, à Gentilly, pour d’autres dans le sanctuaire dédié à Notre Dame de la Vallée verte, pour d’autres encore l’origine se situerait à la commune de Vauvert, dans le département du Gard.

Néanmoins, nous donnerons notre préférence à l’hypothèse la plus probable, celle avancée par le plus grand nombre, selon laquelle le « diable Vauvert » désignerait la maison des Chartreux située rue d’Enfer à Paris. L’écrivain Lorànt Deutsch revient sur l’histoire détaillée de l’expression dans son ouvrage Métronome :

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Approximativement à l’endroit où se trouve aujourd’hui l’école des mines, au numéro 60 du boulevard, se dressait, au début du XIème siècle, un château construit pour le roi Robert le Pieux. Les alentours étaient si attrayants, le cadre si campagnard, que ce beau manoir fut appelé Val-Vert. Puis, le temps passa, le castel du souverain fut abandonné, il se dégrada lentement, des pierres en furent arrachées pour être réutilisées dans d’autres édifices. Et de Val-Vert, on fit Vauvert… Le passant frémissait en longeant cette ruine ouverte à tous les vents. Qui se terrait dans les décombres ? Quels étaient ces bruits qui en montaient les soirs de pleine lune ? Que signifiaient ces lumières qui perçaient la nuit ? On imagina, on conjectura, on supputa. On parla d’un monstre – vert, bien sûr – avec une grande barbe blanche, moitié homme, moitié serpent… Vers 1270, Saint Louis offrit l’enclos aux Chartreux, à charge pour eux d’en chasser le mauvais esprit. Les moines, qui n’avaient peur de rien, s’installèrent sur place, et le diablotin olivâtre disparut pour ne plus jamais réapparaître. Mais le diable Vauvert ne fut jamais oublié… Au moment d’entreprendre un voyage lointain et incertain, ne craint-on pas de partir pour ce diable Vauvert ?

Lorànt Deutsch, Métronome

Dans tous les cas, l’expression renvoie à l’origine diabolique de ces lieux, et à leur mauvaise réputation. L’expression se base ainsi sur une métaphorique infernale qui reviendrait à désigner le « diable Vauvert » comme un lieu situé aussi loin que l’Enfer. La connotation péjorative de l’expression s’est aujourd’hui atténuée.

Quant à la datation de l’expression, les sources sont moins précises. Si son apparition dans le langage courant remonte probablement au Moyen Âge tardif (entre 1300 et 1500), les archives de la BnF font remonter son utilisation à l’écrit à la moitié du XVIIIème siècle

Exemples d’usage de l’expression « Au diable Vauvert ».

Aller se faire casser les os, Dieu sait où, au diable au vert.

Henri Pourrat, Gaspard des montagnes, 1922

Ce verger où il va, (…) c’est dans le territoire de Reillanne, au diable vert, mais il l’a eu pour un morceau de pain.

Jean Giono, Colline, 1929

Comme chaque fois que les événements l’imposent, Alphonse débarque d’on ne sait où pour s’enquérir de la situation et dispenser ses conseils, avant de repartir tout aussi vite au diable Vauvert.

Richard Di Domenico, Moi, Lautrec / docteur litho – mister ribaud, Editions Phi, 2021

Maintenant, les corbillards à tombeau grand ouvert / Emportent les trépassés jusqu’au diable Vauvert.

Georges Brassens, Les Funérailles d’antan, 1960

Ban Pha Klang n’était pas au diable Vauvert, c’est un village en dur et en bambou, avec une église missionnaire.

Pierre Macaire, Stupas d’or et moiteur de cocon, suivi de Malaisie maléfique, 2010

Les Boches étaient au diable Vauvert, quelque part devant Roye, et n’occupaient que la nuit un petit bois, de l’autre côté de la ravine et d’où partaient leurs patrouilles qui venaient tâter, une nuit sur trois, notre petit poste.

Blaise Cendrars, La main coupée

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Violaine Epitalon

Violaine Epitalon

Violaine Epitalon est journaliste, titulaire d'un Master en lettres classiques et en littérature comparée et spécialisée en linguistique, philosophie antique et anecdotes abracadabrantesques.

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