Avoir un poil dans la main : définition et origine de l'expression
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Il y a des expressions dont l'image ne cesse de nous faire aimer la langue française. Dans cet article, on s'intéresse à l'expression « avoir un poil dans la main », quand ce n'est pas une queue de vache ou un baobab…
D'origine récente, nous avons tous fait l'objet de cette critique, que ce soit par notre grand-mère, un professeur ou toute personne qui ne supporte pas la paresse. Mais d'où vient cette idée saugrenue qu'un poil pourrait pousser dans notre main ? Nous vous expliquons la définition et l’origine de cette expression.
Définition de l’expression « avoir un poil dans la main »
L'expression « avoir un poil dans la main » signifie que quelqu'un ne travaille pas beaucoup, souvent volontairement. Cette expression est synonyme de être paresseux, fainéant, indolent, ou selon l'Académie française « être porté à la paresse ».
Le dictionnaire Littré (1863) mentionne deux variantes anciennes à cette expression :
- Avoir du poil au milieu de la main (se dit d'un ouvrier paresseux qui ne fait rien ; entrée « main »)
- Avoir du poil dans la main (être fainéant ; entrée « poil »)
De même, on trouve aujourd'hui de nombreuses variantes hyperboliques de cette expression, pour accentuer l'idée de fainéantise :
- « C'est pas un poil que tu as dans la main, c'est une queue de vache ! »
- Avoir un baobab dans la main
- Avoir une forêt dans la main
- Avoir une touffe dans la main
À noter qu'il est invraisemblable qu'un poil puisse pousser au creux de la main. En effet, la plante des pieds et les paumes des mains sont les deux seules parties du corps qui n'ont pas de follicules pileux. Ainsi, une personne qui n'utiliserait pas ses mains pour travailler ne verrait pas plus les poils pousser au creux de ses mains que l'ouvrier le plus acharné au travail !
Enfin, cette expression n'existe qu'en français et n'a pas d'équivalent dans d'autres langues. En italien on dit « farniente » (littéralement ne rien faire), en anglais « to be work shy » (avoir une timidité au travail) ou en espagnol « ser mas flojo que una cortina » (être plus mou qu'un rideau).
Origine de l’expression « avoir un poil dans la main »
Il est difficile de trouver l'origine exacte de cette expression, qui est probablement apparue à la fin du XVIIIe siècle ou au début du XXe siècle. La plus vieille occurrence de l'expression « avoir un poil dans la main » est dans le Dictionnaire du bas-langage (1808) de Charles-Louis d'Hautel :
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L'expression « avoir un poil dans la main » se serait ensuite propagée dans les milieux ouvriers où la valeur du travail est importante. Il faut rappeler contexte de lutte des classes du XIXe siècle et la diffusion des idées de Karl Marx, qui oppose le travail des ouvriers au capital détenu par les patrons.
Ainsi, cette expression est populaire parmi les ouvriers, qui usent leurs mains dans des travaux manuels, et critiquent ceux qui, au contraire, gardent leurs mains propres et intactes, notamment les patrons et cadres.
Exemples de l’usage de l’expression « avoir un poil dans les mains »
Avoue qu'on a tous les deux un poil dans la main, et que ça nous fait pas reluire, l'idée de travailler dur ? Y a un peu de ça, admit Lou.
Alex Varoux, La bête de Troufignac
Assimilés à des parasites suçant le lait déjà avarié de notre Hexagone déclinant, tantôt à des tire-du-flanc dont le poil dans la main prendrait, à écouter leurs contempteurs plus remontés que des coucous suisses, des allures de poutre de Bamako, ils sont devenus l'ennemi public numéro un.
Frédéric Chouraki & Stéphane Trapier, La France qui glande: Autopsie d'une passion française
Je soigne des personnes qui ont un poil dans la main, ou qui ont leur idée derrière la tête, ou qui la perdent, qui n'ont pas les yeux en face des trous.
Eugène Ionesco, Théâtre
Les huit pêcheurs de La Redonne, quels braves gens, mais quels flemmards ! Ils ne sortaient pas souvent. Ils avaient tous un poil dans la main. Ils trouvaient toujours une bonne raison, le mistral, l'absence des poissons pour ne pas jeter leurs filets, discuter longuement le coup devant un pastis et, enfin, tous d'accord, recommencer une de leurs sempiternelles parties de boules.
Blaise Cendrars, L'homme foudroyé
Nous devions, par la suite rencontrer quelques autres retraitées de ce type disséminées dans des îles où elles achètent un hôtel et un mari qui n'est généralement pas tout à fait un maquereau, mais une sorte de beau gosse paresseux, affligé d'un poil dans la main, peu curieux du passé.
Michel Déon, Pages grecques