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Le bouc émissaire : définition et origine de l’expression

Lorsque les torts d’un groupe se retrouvent mystérieusement placés sur les épaules d’un seul individu, l’expression « bouc émissaire » nous vient souvent à l’esprit. Mais quelles sont les racines historiques et culturelles de cette locution étonnante ? Pourquoi le bouc, plutôt qu’un autre animal, devient-il « l’émissaire » des péchés et des crimes d’autrui ?

Attardons-nous un instant sur cette formule du langage courant, afin de comprendre l’orthographe, la définition et l’origine de l’expression « le bouc émissaire »

Définition de l’expression « bouc émissaire »

Lorsqu’on parle, au sens figuré, et dans un registre familier, de « bouc émissaire », on fait référence à un individu, un groupe ou une organisation, qui est désigné pour assumer une responsabilité ou expier une faute — bien qu’il puisse être totalement ou partiellement innocent. Le bouc émissaire est une victime, sur laquelle sont reportés les torts ou les faiblesses des autres, et qui sert d’exutoire aux erreurs d’une communauté.

Une seconde interprétation de cette locution, qui découle de la première, voit le bouc émissaire comme la cible d’un harcèlement collectif, d’une haine généralisée et injustifiée, notamment dans des milieux tels que l’école, le travail ou la politique.

Il existe plusieurs synonymes à cette formule, dont le controversé « tête de Turc », ou le fameux « mouton noir ». Au sens figuré, on peut aussi parler de « faire porter le chapeau » à quelqu’un, pour désigner le fait de reporter la culpabilité sur autrui. Une autre expression française, à la signification proche, évoque une personne qui a été dupée par ses semblables, et se retrouve isolée à son insu : « le dindon de la farce ».

Enfin, un petit rappel orthographique s’impose ici : attention à bien écrire « bouc émissaire » et non « bouquet mystère » ; une maladresse bien connue, parfois employée sciemment dans un esprit humoristique.

Origine de l’expression « bouc émissaire »

Descendant du latin « caper emissarius », qui signifie « le bouc envoyé dehors », l’expression « bouc émissaire » trouve ses racines plus loin encore, dans l’Ancien Testament. Selon la Torah, Dieu ordonna au prêtre d’une cité de sacrifier un bouc, avant d’en prendre un autre, toujours vivant, pour le charger de tous les péchés du peuple et le chasser dans le désert

Dans la religion hébraïque, cette cérémonie symbolique, qui se déroulait lors du Yom Kippour, le jour du Grand Pardon, visait à purifier la communauté de ses offenses. L’animal, porteur de ces fautes, était envoyé hors de la ville, incarnant à lui seul l’expiation des vices des croyants, ainsi que l’éloignement de la cause présumée de leurs malheurs.

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En choisissant un bouc émissaire, on évite généralement de se confronter à sa propre culpabilité, en préférant la déplacer sur quelqu’un d’autre. Au fil du temps, de nombreux exemples historiques ont illustré cette tendance des sociétés à désigner des souffre-douleur pour divers maux sociaux et politiques, plutôt que d’assumer leurs erreurs.

Exemples de l’usage de l’expression « bouc émissaire » 

L’indifférence du sage pour qui tout pays est patrie et toute religion un culte valable à sa manière exaspérait mêmement cette foule de prisonniers ; si ce philosophique renégat, qui ne reniait pourtant aucune de ses croyances véritables, était pour eux tous un bouc émissaire, c’est que chacun, un jour, secrètement ou parfois même à son insu, avait souhaité sortir du cercle où il mourrait enfermé.

Marguerite Yourcenar, L’Œuvre au Noir 

(…) il me donnait une telle mauvaise conscience que je me sentais responsable de tous les maux engendrés par « le système ». C’est moi qui étais la mauvaise société, le mauvais système, le bouc émissaire.

Eugène Ionesco, Le Solitaire 

Un des arguments des esclavagistes américains en faveur de l’esclavage, c’est que les Blancs du Sud étant tous déchargés des besognes serviles pouvaient entretenir entre eux les relations les plus démocratiques, les plus raffinées de même, l’existence d’une caste de « filles perdues » permet de traiter « l’honnête femme » avec le respect le plus chevaleresque. La prostituée est un bouc émissaire ; l’homme se délivre sur elle de sa turpitude et il la renie. Qu’un statut légal la mette sous une surveillance policière ou qu’elle travaille dans la clandestinité, elle est en tout cas traitée en paria.

Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe

Si elle ne réussissait pas à étouffer l’affaire et si on la mettait en taule, il ne pouvait plus toucher à son argent. Il lui fallait donc divorcer pour se débarrasser d’elle. Ça fait un tas de raisons pour la tuer, tout ça. Il a aussi pu saisir une occasion de me faire jouer le rôle du bouc émissaire. Ça ne pouvait pas tenir, mais ça devait amener du retard et de la confusion.

Raymond Chandler, La dame du lac
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Nicolas Lafarge

Nicolas Lafarge

Nicolas Lafarge est rédacteur indépendant, et prête ses mots à différents médias et entreprises. Se décrivant volontiers comme « un geek avec une plume », il se sent dans son élément naturel lorsqu’il écrit sur des sites web tels que La langue française.

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